JŽsus et Abraham : la controverse en Jn 8,31-59

 

 

 

 

Les raisons de ce choix

 

Alors que souvent, dans l'ƒvangile de Jean, on trouve un mŽlange de rŽcits et de dialogues, nous rencontrons en Jn 8 le dialogue johannique ˆ l'Žtat pur. Jn 8 fait partie des textes les plus citŽs et les moins souvent commentŽs.

On passe rapidement, parfois, sur le texte de Jn 8 parce qu'on s'imagine qu'il n'y a rien ˆ y prendre du point de vue spirituel. Mais que faut-il entendre par spirituel ?

Faut-il retenir :

ce qui va nous servir directement dans l'action ou la catŽchse ?

ce qui va nous apporter une joie sensible dans la prire ?

ce qui va nous amener ˆ une rŽsolution bien prŽcise ?

bref ce qui nous concerne, nous et notre affectivitŽ ?

Ou bien plut™t  :

ce qui nous met en relation de connaissance et d'amour avec JŽsus Seigneur et par lui avec Dieu Pre ?

ce qui nous fait entrer dans le mystre de JŽsus (le plan de salut, longtemps voilŽ et maintenant dŽvoilŽ), avec la force et la douceur de l'Esprit Saint ?

JŽsus, c'est Lui qui importe, c'est Lui qui compte. La vie Žternelle, c'est de conna”tre le Dieu vŽritable et Celui qu'il a envoyŽ, JŽsus Christ . Si nous connaissons et comprenons JŽsus, tout le reste suivra, parce que nous repartirons vers notre vie de travail et de tŽmoignage avec la certitude d'tre aimŽs.

 

Plus on travaille ces dialogues de Jn 8, mieux on mesure leur importance thŽologique. En particulier Jn 8, qui dŽsaronne souvent parce qu'il s'agit d'un dialogue polŽmique, fournit quelques textes clefs si l'on veut approfondir la connaissance messianique et filiale de JŽsus. 

 

En guise d'introduction ; "les Juifs" dans l'ƒvangile de Jean

 

On ferait une grave erreur si l'on rapportait au peuple juif dans son ensemble ce qui est dit dans l'ƒvangile de Jean sur "les Juifs". "Ce qui a ŽtŽ commis durant la Passion du Christ ne peut tre imputŽ ni indistinctement ˆ tous les juifs vivant alors, ni aux juifs de notre temps" (Nostra aetate, ¤ 4). Dans de rares textes il est question du peuple juif (Jn 1,31.44; 4,22; 18,33.39; 18,3.14.19-21), toujours positivement. Jamais le IVe Žvangile ne critique Mo•se (cf. 5,46), et l'expression "les Juifs" (hoi Ioudaioi) dŽsigne la plupart du temps les responsables religieux de JŽrusalem. C'est ce sens qu'il faut garder en mŽmoire.

Il y a eu dans l'histoire de l'ƒglise des mouvements, des schmes de pensŽe et des Žpoques o le peuple juif a ŽtŽ calomniŽ et persŽcutŽ. Toute cette hostilitŽ doit tre historiquement pointŽe et loyalement dŽnoncŽe.

Il y a eu dans l'histoire du juda•sme des moments o l'ƒglise de JŽsus a ŽtŽ calomniŽe et persŽcutŽe. Ces mouvements hostiles doivent tre historiquement reconnus et loyalement dŽnoncŽs. L'ƒvangile de Jean, Žcrit vers la fin du Ier sicle, se fait l'Žcho d'une hostilitŽ juive qui doit tre replacŽe en son temps, et non pas comprise en fonction du n™tre.

Les pages qui suivent sont Žcrites avec ce souci d'objectivitŽ. l'ƒglise de cette Žpoque avait ˆ se dŽfendre du "monde" de l'incroyance au Christ, qui dŽbordait largement les responsables juifs, mais trouvait en eux sa quintessence, comme nous le verrons plus loin.

 

 

La logique interne de tout le dŽbat 8,13-59

Nous avons deux raisons de la retrouver.

 

une raison thŽologique.

 

Trop souvent ce chapitre 8 n'a servi que de mine ˆ citations (spŽcialement sur la christologie, sur la relation Pre/Fils, etc.). C'est un des textes les plus controversŽs de tout le NT, et il est bon de retrouver, autant que faire se peut, les grandes perspectives de Jn.

Certaines expressions ("vous cherchez ˆ me tuer", "le diabolos est votre pre") ne prennent vraiment tout leur sens que resituŽes ˆ l'intŽrieur d'un rŽseau de relations, celles qui concernent JŽsus, et celles qui concernent les Juifs.

La densitŽ du vocabulaire thŽologique est telle chez saint Jn, son vocabulaire thŽologique est ˆ ce point surdŽterminŽ, que l'on ne peut se contenter de prŽciser le sens, car alors on est renvoyŽ, de mot en mot, ˆ perte de vue ˆ l'intŽrieur du corpus johannique (ce qui est lassant : tout est dans tout). Nous avons besoin, non seulement du sens des mots, mais des lignes de force du dŽbat de JŽsus avec ses adversaires.

 

une raison spirituelle et pastorale.

 

Il faut bien avouer que nous sommes un peu dŽsarmŽs quand il nous faut annoncer ces pŽricopes de Jn 8 comme une parole pour aujourd'hui. Par quels chemins peut passer l'actualisation de ce message ? Comment ressaisir l'ŽlŽment permanent de ce message en Žvitant les transpositions hasardeuses ?

Sans doute ne pourra-t-on pas rŽpondre ˆ ces questions sans mettre ˆ nu dans ce ch.8 certaines racines du refus de croire.

Le dŽcoupage littŽraire est intŽressant, certes, mais pour Jn 8 qui est une controverse de bout en bout, ce dŽcoupage est moins important que pour des rŽcits comme la Samaritaine ou l'aveugle-nŽ.

Ce qui nous manque surtout, devant des textes comme celui-lˆ, ce sont des repres thŽologiques, des clŽs spŽciales, des concepts qui ne soient pas indŽfiniment inversŽs, ou saisissables indiffŽremment par tous les bouts. Il nous faut des discriminants, au sens mathŽmatique du terme.  

 

La situation des versets 31 ˆ 59

 

Les versets 31-59 font partie des controverses de JŽsus lors de la Fte des Huttes (Sukkot), Jn 7-8, o JŽsus remplace figurativement l'eau et la lumire. Aprs l'introduction :"JŽsus montera-t-il ˆ la fte" (7,1-13), nous lisons un discours de JŽsus, prononcŽ au milieu de la fte (7,14-36), puis un deuxime discours le dernier jour de la fte (7,37-52), avant l'Žpisode de la femme adultre, texte magnifique de la RŽvŽlation, mais probablement interpolation non johannique (8,1-12). Puis nous trouvons au ch.8 trois discours divers de JŽsus, l'un au trŽsor du Temple sur JŽsus lumire du monde (8,12-20), suivi d'une attaque contre les incrŽdules (8,21-30), et enfin notre texte sur JŽsus et Abraham (8,31-69).

 

PrŽsentation d'un schŽma pour l'Žtude de Jn 8,31-59

                                                                                                         

axe de la foi

Abraham ————— JŽsus ————→ Dieu

 

voir (v.58)                                                        vie (v.51)                    demeurer (v.33.35)

se rŽjouir (v.58)                                          libertŽ                            savoir, conna”tre (v.32)

                                                                                                              vŽritŽ                              pour toujours (v.35)

                                                                                                             parole (logos, lalia)   vraiment (v.36)

                                                                                                              disciple                        tre de Dieu (v..47)

                           Juifs

                          

pŽchŽ (v.36)

servitude (fausse libertŽ)                                                                                                                                                  

vouloir tuer                                                                                                                                                                                    mensonge (pseudos)

dŽshonorer                                                                                                                                                                                      mort

diabolos       

                                                                                                                                                                                                                   

Ce n'est qu'un schŽma, parmi d'autres possibles, et il n'a, comme tout schŽma, qu'une valeur opŽratoire. Il n'est pas question de prŽtendre que Jn avait ce schŽma en tte : qu'il nous suffise de pouvoir nous dire : ce schŽma visualise pour nous de manire suffisante la logique interne de ce que Jn veut nous dire.

Nous raisonnerons ici uniquement ˆ partir des donnŽes fournies par Jn 8.

á          Les lignes ma”tresses de ce dialogue peuvent tre cherchŽes d'abord au niveau "manifeste" des paroles ŽchangŽes et des thmes abordŽs, puis au niveau "latent", souterrain, des rapports (thŽologiques) entre les personnes, lesquels rapports sous-tendent les thmes et l'agencement du discours.

á          Le dialogue de Jn met en scne  seulement deux interlocuteurs directs : JŽsus et les Juifs ; mais il fait appel ˆ trois autres figures : Dieu, Abraham, le "diabolos".

á          La grande prŽoccupation de Jn, le grand critre ˆ ses yeux, nous pouvons le reprŽsenter comme l'axe de la foi. Dans le contexte de Jn 8, cet axe relie Abraham ˆ Dieu, mais on pourrait, dans d'autres contextes johanniques, remplacer Abraham par Mo•se (cf. la Samaritaine), Jacob, les prophtes (cf. ici v.53), ou le croyant.

á          Cet axe de la foi, nous pourrions tout aussi bien l'appeler axe de l'Žchange, axe de l'Alliance, etc., parce que sur cet axe se rencontrent le mouvement de la foi vers Dieu et le mouvement de Dieu vers le monde.

á          Le point de dŽpart et le point d'arrivŽe de tout le dŽbat, c'est l'affirmation suivante :JŽsus se trouve nŽcessairement sur cet axe de la foi, parce que Dieu l'y a mis[1], ou, en d'autres ternes : la foi du croyant ne peut aller vers Dieu sans rencontrer le Christ, JŽsus de Nazareth. C'est cette prŽsence nŽcessaire de JŽsus sur l'axe de la foi qui Žclaire, entre autres, la parole mystŽrieuse du v.56 :"Abraham a vu mon jour, et il s'est rŽjoui"[2].

á          Quitte ˆ anticiper un peu les rŽsultats de l'analyse, disons tout de suite que les donnŽes de Jn 8 tendent ˆ confŽrer ˆ cet axe de la foi une fermetŽ remarquable, une certaine "Žpaisseur", car Jn 8 prŽsente cet axe comme Žtant Žquivalemment l'axe des Ïuvres (poiein, erga), l'axe de la vŽritŽ, l'axe de la libertŽ, l'axe de la filiation, et l'axe de la vie (thanatos ne s'y trouvera jamais, cf. v.57).

á          Parmi les relations possibles entre les personnes de la constellation, il y en a une qui, dans le texte, est plus fondamentale, plus structurante, plus "organisatrice", c'est la relation Abraham/Dieu. En effet, alors que la relation Juifs/Dieu est contestŽe par JŽsus et que la relation JŽsus/Dieu est contestŽe par les Juifs, la relation Abraham/Dieu est reconnue ˆ la fois par JŽsus et les Juifs, et cette relation, qui n'est pas contestŽe, a des chances d'tre organisatrice pour l'ensemble du dŽbat. Et de fait, il y a bien une dynamique (une ŽnergŽtique) du discours par rapport ˆ cette relation, ˆ cet axe incontestŽ de la foi.

á          Nous allons donc, prenant comme axe cette relation Abraham/Dieu, explorer chaque relation pour elle-mme, en Žtudiant ˆ chaque fois les versets concernŽs et en utilisant tous les indices possibles : temps des verbes, couples synonymiques ou antithŽtiques, mŽtaphores, parallŽlismes Žclairants avec des logia synoptiques.

 

 

A.                 La relation Dieu – Abraham

 

      1.   ƒtant fils d'Abraham selon la chair, les Juifs n'ont pas, pensent-ils, ˆ devenir libres (v.33). Pour eux ce "genesthai" (devenir) est un non-sens :"p™s su legeis ?" (comment peux-tu dire ?). La libertŽ est un privilge dž ˆ l'alliance de Dieu avec Abraham, donc fondŽe sur le passŽ du peuple, et non sur un avenir.

 

2.       Pour les adversaires de JŽsus, la libertŽ est un donnŽ de fait : ils sont sperma Abraham (la descendance d'Abraham) ; c'est une sorte de caractre ineffaable confŽrŽ ˆ tout fils d'Isra‘l en vertu de son appartenance physique au peuple Žlu en Abraham, ˆ ce point ineffaable que le Juif peut se dire libre mme lorsque politiquement il est asservi, ce qui fut souvent le cas dans l'histoire. La libertŽ n'est donc pas un statut spirituel (ˆ recevoir du Christ seul, le Fils dans la maison),  un bien eschatologique, forcŽment donnŽ, une caractŽristique de la vie croyante dŽterminŽe par JŽsus et la parole de JŽsus, le cadeau liŽ ˆ la rŽvŽlation de la vŽritŽ.

 

3.       De mme, dans l'esprit des Juifs, la libertŽ n'est qu'une situation hŽritŽe. Pour JŽsus, au contraire, la filiation vŽritable implique un mimŽtisme volontaire dans l'action, une imitation ou une reproduction de ce qui est vu ou entendu auprs du pre (v.38). Elle se traduit par un poiein (faire, cf. v;38,39b,41,44), par des erga (Ïuvres) conformes ˆ celles du pre (v.39b).

Il s'agit bien de toute filiation ; et JŽsus comprend la sienne dans ce sens. Tout fils digne de ce nom agit comme agit son pre : c'est le grand principe qui sert de discriminant pour tout le dialogue de Jn 8.

 

Partant de cet axiome, JŽsus prouve que les Juifs qui lui parlent sont en train de renier leur filiation par rapport ˆ Abraham, et manifestent qu'ils ne connaissent pas la filiation dynamique, la filiation-imitation qui seule vaut aux yeux de JŽsus : ils sont sperma (descendance), mais pas tekna (enfants, v.39b), ils font ce qu'Abraham ouk Žpoisen (n'a pas fait) et ils ne font pas les erga tou Abraham (les Ïuvres d'Abraham (v.40). Ils veulent tuer (v.37.40), ils cherchent (ztein) ˆ tuer l'EnvoyŽ de Dieu, alors qu'Abraham, au contraire, a donnŽ l'hospitalitŽ aux trois envoyŽs de Dieu lors de l'apparition au chne de MamrŽ (Gn 18).

L'Ïuvre d'Abraham fut de croire ; si les Juifs faisaient les erga (Ïuvres) d'Abraham, ils se placeraient sur l'axe de la foi.

 

4.           Pour JŽsus, servitude et libertŽ ne se situent pas au plan naturel et ne s'appuient pas sur un Žtat de fait naturel ; ce sont des catŽgories de l'histoire du salut : on est esclave parce qu'on se fait esclave du pŽchŽ par son agir, on est libre si l'on se rend libre par l'action salvatrice de la vŽritŽ.

Le tout est de savoir si la fidŽlitŽ consiste ˆ s'accrocher ˆ son histoire (nationale) ou ˆ s'ouvrir ˆ une promesse.

 

5.           Les Juifs se rŽfrent ˆ Abraham comme ˆ un anctre marquŽ par la mort (apŽthanen, v.52.53). Ce pre Abraham qui leur a transmis la vie physique et les privilges de l'Alliance ne leur a pas assurŽ la vie eis ton ai™na (pour toujours).

 

6.     JŽsus ne diminue pas l'importance d'Abraham, mais resitue Abraham dans l'ensemble du plan de Dieu[3]. Il magnifie Abraham en montrant (v.56) que toute la vie d'Abraham Žtait ordonnŽe au Christ, comme d'ailleurs celle de tous les grands croyants de l'AT jusqu'ˆ Jean Baptiste (Jn 5,31ss). Ce qui est contestŽ, c'est la lŽgitimitŽ de la rŽfŽrence des Juifs ˆ Abraham. Le critre, c'est l'attitude des Juifs par rapport ˆ JŽsus.

JŽsus place les Juifs devant une question : quelle position prennent-ils par rapport ˆ leur propre origine ? S'ils veulent tre authentiquement enfants d'Abraham, il leur faut reconna”tre Celui qui est Fils et hŽritier[4] par excellence. Ils ne peuvent avoir part ˆ l'hŽritage que par lui. S'ils ne le reconnaissent pas, ils perdent leurs droits pour toujours.

Ainsi se reporte sur le Fils toute la confiance qu'on pouvait faire ˆ Abraham, toutes les espŽrances nŽes des promesses faites ˆ Abraham. Toutes ces promesses sont accomplies dans le Fils (de Dieu et d'Abraham), en sorte que tous les biens du salut (ici la libertŽ et la permanence) ne peuvent tre reus que du Fils.

 

7.        Si Abraham n'est pas leur pre, le pre qu'ils attendent, s'ils invitent quelqu'un d'autre, quel est cet autre ? (v.41a). RŽponse des Juifs : il n'y a pas d'autre, sinon Dieu seul (v.41b). Il est important de garder l'imprŽcision de "pre" au v.38b ; les Juifs vont faire appel successivement ˆ Abraham (v.39) et ˆ Dieu (v.41).

 

 

B.         La relation Juifs – Dieu

 

 

1.     Les Juifs revendiquent Dieu comme Pre (v.41b), mais en quel sens ?

Ce pourrait tre au sens de Mal 2,10 :"N'avons-nous pas un Pre unique [pour Juda et Isra‘l] ? N'est-ce pas un seul Dieu qui nous a crŽŽs ,"

Ce pourrait tre en ce sens Žgalement qu'Isra‘l en tant que peuple est le premier-nŽ de Dieu, le fils de Dieu (Ex 4,2; Dt 14,1; 32,6; Jer 3,4.19; 31,9; Is 63,16; 64,7).

De plus, ˆ partir du contexte du verset 40b, Isra‘l est toujours restŽ fidle au culte monothŽiste de Yahweh, donc s'est toujours gardŽ de la "prostitution" de sa foi[5].

Donc il y a plus, ici, qu'un simple privilge d'adoption acceptŽ passivement et source de gloriole : implicitement l'idŽe d'une rŽponse de foi est prŽsente dans le texte (v.41b).

 

2.       DŽmonstration de JŽsus :"si Dieu Žtait votre Pre, vous m'aimeriez" (v.42b), de nouveau ˆ l'irrŽel du prŽsent. En d'autres termes : si vous Žtiez, comme vous le prŽtendez, sur l'axe de la foi, qui est Žquivalemment l'axe de la vraie filiation, vous m'y rencontreriez, car je suis l'avance et l'avancŽe de Dieu vers vous, je suis "sorti" de D (ek tou thŽou, v.42c), c'est de la part de Dieu que je suis lˆ (k™, v.42c) et c'est Dieu qui m'a envoyŽ (v.42d).

Sur cet axe de la foi, c'est-ˆ-dire de la vraie relation ˆ Dieu, on "entend" Dieu (v.43.47), les paroles de Dieu (ta rhmata tou thŽou, v.47a), le logos (parole, discours) de JŽsus (v.35). Les rhmata tou thŽou (paroles de Dieu) prennent la forme concrte du logos (parole) de JŽsus (v.31.37.43.51.52.55) et de sa lalia (parole rŽvŽlante, v.38.40.43)). Ce qu'on entend de Dieu, c'est donc la vŽritŽ (altheia) que JŽsus a entendue auprs de Dieu (v.40).

                  JŽsus prouve qu'il est sorti de Dieu (ek tou thŽou, v.42c) parce qu'il peut dire ce qu'il a entendu auprs de Dieu (v.40). Les Juifs prouveraient qu'ils sont "de Dieu" (v.47) s'ils Žcoutaient les paroles de Dieu (rhmata) ou le logos (parole) de JŽsus. S'ils n'Žcoutent pas, c'est qu'ils ne sont pas ek tou thŽou (de Dieu, v.47b)[6].

 

3.       Conclusion implicite :il n'est pas possible d'tre de Dieu (ek tou thŽou) si l'on n'entend pas le logos (parole) de JŽsus, car cette Žcoute (akouein) est un moment nŽcessaire, et mme le moment-clŽ, de l'acte de foi. "Nul ne peut venir au Pre que par moi", dit JŽsus en 14,6.

L'axe de la foi passe par JŽsus : c'est ce que le Ma”tre expliquait aux v.31-32 sous la forme d'un principe gŽnŽral en fonction de l'idŽe de libertŽ, versets qui commandent effectivement toute l'interprŽtation du passage, v.31-39 :

demeurer dans la parole de JŽsus → devenir disciple → conna”tre la vŽritŽ → devenir libre.

      Nul ne peut dire "j'ai Dieu pour Pre" (v.41b) s'il n'Žcoute pas la lalia (parole rŽvŽlante) de JŽsus sorti de Dieu. C'est en JŽsus que se rencontrent le dire de Dieu et l'Žcoute de l'homme, et c'est cette rencontre de la parole de Dieu en JŽsus qui est libŽration pour l'homme.

 

4.       Ainsi la vraie dŽmarche de la foi, de la foi qui "Žcoute"[7], dŽbouche en mme temps sur la filiation (ek tou thŽou, de Dieu, v. 47) et sur la libertŽ (v.32.36).

Pour l'ƒvangile de Jn, on est libre dans la mesure o l'on est fils, et devenir libre est une manire de vivre la filiation ; et les deux, libertŽ et filiation, sont purs dons de Dieu en JŽsus Christ.

 

5.       Mais les Juifs hostiles au message de JŽsus vivent dans l'illusion d'tre fils ("hon humeis legete hos thŽos hum™n estin", v.54c). Ils se disent fils sans conna”tre leur Pre ("kai ouk Žgn™kte auton", v.55, (au parfait : vous ne l'avez pas connu, et maintenant encore vous ne le connaissez pas). Ils n'ont pas fait l'expŽrience vitale et personnelle (yāda‛) de sa paternitŽ, et c'est cela que JŽsus appelle vivre dans le pseudos (mensonge) : se dire fils sans vivre en fils.

Quand les Juifs disent conna”tre Dieu, ce n'est pas seulement une erreur, c'est un mensonge, parce que, en fait, leur non-conna”tre est un refus de croire. Conna”tre Dieu, cela suppose un trein (garder) de la parole [garder + accomplir], ce qui constitue l'attitude de JŽsus par rapport ˆ son Pre (v.54s), et cela supposerait : passer par l'expŽrience du Fils qui seul "sait" Dieu (Žg™ oida auton, v.55a). C'est cela qui serait "croire".

6;     Les Juifs ne sont pas ˆ l'Žcoute de Dieu en JŽsus, mais une autre "Žcoute" dŽtermine leur action (ha kousate para tou patros poieite, v.38b : vous, vous faites ce que vous avez entendu auprs de votre pre).

Cette Žcoute-lˆ les dŽs-axe, les tire hors de l'axe de la foi et de la filiation. Elle les fait entrer dans le champ des forces du pŽchŽ (hamartia, v.34), de la servitude (douleia, v.34), du mensonge (pseudos,v.44), du meurtre (v.33.40.44) et de la mort (thanatos).

Le foyer d'o Žmanent ces forces nŽfastes est nommŽ progressivement, comme on dŽmasque graduellement un coupable :

v.38 É le pre (s.ent. : votre pre) ;

v.41 É votre pre ;

v;44 É (votre) pre, le diabolos.

 

 

C.                              Le diabolos

 

 

Instinctivement on hŽsite ˆ aligner sur les autres relations la relation Juifs/diabolos ; car, vue du point de vue des Juifs, cette relation n'est que virtuelle. Ils ne se rŽfrent pas eux-mmes au diabolos : c'est JŽsus qui les accule ˆ l'admettre au bout d'un raisonnement par Žliminations : votre pre, ce n'est pas Abraham, ce n'est pas Dieu, donc c'est un autre.

Les tendances ("dŽsirs") manifestŽes par "les Juifs" (tuer, mentir, la servitude, la mort) renvoient ˆ un point focal qui pour JŽsus est un agent personnel et ultimement responsable : le diabolos.

 

Quelques considrations de vocabulaire

 

Le verbe diaballein signifie : I. jeter entre, (pousser entre, insŽrer) ; II. jeter ˆ travers (dia =  travers, d'o : traverser, franchir) ; III. jeter de c™tŽ et d'autre (dia = de c™tŽ et d'autre, d'o : sŽparer, brouiller des personnes ; dŽconseiller, dissuader, dŽtourner de quelque chose ; attaquer, accuser [Lc 14,1], calomnier, dŽcrier, dŽblatŽrer ; tromper; induire en erreur ; IV. offrir successivement.

 

L'adjectif diabolos, -os, -on, signifie littŽralement : qui dŽsunit, qui sŽpare, qui brouille, qui inspire chez quelqu'un la haine ou l'envie ; d'o : mŽdisant, calomniateur, diffamatoire.

 

On trouve le substantif – dans Mt 4,1;5; 8;11 (rŽcit de la tentation) ; 13,3s (parabole de l'ivraie), 25,4s (le feu Žternel) ; - dans Lc 4,2.3.6.13 (tentation), 8,12 (parabole du semeur) ; - pas dans Mc.

Dans Jn 6,70 ("l'un de vous est diabolos", sans article, 13,2 ("le diabolos ayant dŽjˆ jetŽ dans le cÏur"), mais Žgalement en 1 Jn 3,8.10, dans un contexte thŽologiquement trs johannique o l'on retrouve des expressions typ”ques de Jn :

- faire la vŽritŽ, tre du diabolos, qui pche depuis le dŽbut (rapprocher Jn 8 !) ;

- les erga (Ïuvres) et les tekna (enfants) du diabolos (rapprocher Jn 8,41 et Jn 8).

 

       On le retrouve dans l'Apocalypse, avec tout un jeu d'Žquivalences :

Apoc 2,10 : "le diabolos s'apprte ˆ jeter des v™tres en prison pour vous mettre ˆ l'Žpreuve (peirazein)" ; et le v.3 parle de la "sunag™g tou satana" (la synagogue de Satan).

Apoc 12,9.12 :"on le jeta donc, ho drak™n ho mŽgas, ho ophis ho arkhaios, ho kaloumenos diabolos kai ho Satanas" (le grand Dragon, l'antique Serpent, celui que l'on appelle Diabolos et Satan). "Le diabolos est descendu chez vous (terre et mer), frŽmissant de colre et sachant que ses jours sont comptŽs".

Apoc 20,2 : "l'ange se saisit du Dragon, l'antique Serpent qui est le Diabolos et Satan".

Apoc 20,10 : "le Diabolos qui les abusait (ho plan™n autous).

 

Nous sommes donc invitŽs ˆ dŽpasser l'imagerie et tout le bestiaire sataniques. On dira ici constamment "diabolos" pour dŽbarrasser le personnage poŽtique de toute la panoplie que lui ont fournie trop complaisamment l'art occidental et mme l'art universel.

 

 

Remarques sur diabolos et ses Žquivalents johanniques

 

Dans l'Apocalypse, le diabolos appara”t comme l'ennemi acharnŽ du peuple de Dieu, l'instigateur direct des persŽcutions.

Dans 1 Jn 3,8-10, le combat se livre dans le cÏur et la vie de tout croyant.

 

La dŽcision libre de chaque homme est sollicitŽe ˆ la fois par deux champs de force opposŽs. Au premier sicle, l'image la plus naturelle pour exprimer cela Žtait la mŽtaphore militaire des deux camps, hŽritŽe des apocalypses. Selon que l'homme, par son agir libre, se soumettait ˆ un champ ou ˆ un autre, se rangeait dans un camp ou un autre, son choix Žtait interprŽtŽ en termes de filiation par rapport ˆ Dieu ou par rapport au diabolos. Suivant le principe implicite : ce qui est ˆ la racine de l'agir est ˆ la racine de l'tre.

Transcrit dans le langage mŽtaphorique de la parentŽ/filiation, le mme principe devient : selon qu'un homme agit pour le pŽchŽ ou pour la justice, il se dŽclare teknon du diabolos ou teknon de Dieu. Il n'est donc pas question d'une prŽ-destination ˆ tel camp ou ˆ tel autre, ˆ telle filiation ou ˆ telle autre. Sur ce point nous sommes loin de Qumran.

 

diabolos    enfants    pŽchŽ                                    Loi               enfant       Dieu

                                      du diabolos                                                           justice            de Dieu

                                         (einai ek)                                                              agap               (nŽ de)

 

 

 

 

L'Ïuvre du diabolos

 

 

1.                     Il reste que cette rŽpartition en deux camps, qui porte la marque de la culture du temps, peut laisser parfois un certain malaise chez le lecteur moderne des Ïuvres johanniques. Le danger que l'on pressent instinctivement, c'est que le diabolos soit compris comme le symŽtrique de Dieu, comme Dieu en nŽgatif.

 

2.                     Et la tentation n'est pas illusoire, puisque la gnose des IIe et IIIe sicles s'est empressŽe de lire les textes johanniques dans ce sens, et d'opposer le dŽmiurge au RŽdempteur.

 

3.                     En rŽalitŽ la symŽtrie des deux champs de force n'est qu'apparente, et s'il y a dualisme, il n'est que moral (pas mŽtaphysique). Il y a bien deux champs de force inconciliables, deux champs ou domaines d'influence, il y a bien une frontire qui est, finalement, la dŽcision de l'homme, mais :

 

- le commencement (arkh) n'est pas le mme dans les deux champs.

En Jn 8,44b le diabolos est "tueur d'hommes" ds le commencement. Son commencement ˆ lui est celui de la crŽation ; c'est le point de dŽpart du temps. En Jn1,1, "au commencement Žtait le Verbe" (en arkh n ho logos) ; cette arkh (commencement) se situe en dehors du temps.

Donc la "servitude" n'a une arkh que dans le temps ; tandis que la libertŽ s'enracine dans l'arkh Žternelle du Fils de Dieu.

 

- le plan de Dieu prŽexiste ˆ l'intervention du diabolos.

Le diabolos ne crŽe rien, ne "lance" rien ; il est celui qui se jette en travers, qui dŽsunit, sŽpare brouille des partenaires dŽjˆ unis par une alliance[8].

 

- le Fils de Dieu est apparu pour dŽtruire les Ïuvres du diabolos (1 Jn 3,8), pour ™ter les pŽchŽs (1Jn 3,5), et "celui qui est dans les chrŽtiens est plus grand que celui qui est dans le monde"  (1 Jn 4,4). La prŽsence de JŽsus Christ, venu dans la chair, en plein champ de l'agap (amour), ruine d'avance toute idŽe de symŽtrie entre les forces du pŽchŽ et celles de la justice, entre les forces de l'althŽia (vŽritŽ) et celles du pseudos (mensonge).

 

- la mŽtaphore du combat ne sert finalement qu'ˆ mettre en plus haut relief la victoire dŽfinitive du Fils de Dieu (Žg™ nŽnikka ton kosmon, "moi, j'ai vaincu le monde", Jn 16,33). Et comme toute la vie des croyants se dŽploie sur un fond de victoire, sur le fond de cette victoire, le schŽma gŽnŽral de la rŽdemption reste bien celui d'une histoire du salut, d'une histoire de la rŽussite de Dieu dans l'homme, o le diabolos ne peut jouer que le r™le d'opposant.

 

4;              Si la symŽtrie Dieu-diabolos n'est qu'apparente, l'accusation portŽe par JŽsus "votre Pre, c'est le diabolos" prend ses vŽritables dimensions.

JŽsus ne rejette pas "les Juifs" coupables dans le monde fermŽ d'une sorte d'anti-dieu, comme s'il y avait un contre-dessein aussi vaste et aussi ambitieux que le dessein de salut. Simplement, JŽsus montre ˆ ses adversaires qu'ils se placent d'eux-mmes du c™tŽ de l'Žchec.

Il n'y a qu'un axe, celui de la foi-filiation ; il n'y a plus qu'une rŽussite possible pour l'homme, et elle se trouve sur cet axe. Ë eux de s'y replacer.

 

 

Ainsi commencent ˆ se dessiner les traits fondamentaux de l'incroyance.

 

Les Juifs ne sont pas sans rŽfŽrence ˆ Dieu. L'athŽisme proprement dit ne les effleure pas, pas plus d'ailleurs que les autres peuples contemporains du Christ, souvent assoiffŽs de religiositŽ. Les Juifs en effet admettent Dieu comme crŽateur du monde et comme ma”tre de l'histoire. Ils se font gloire que Dieu se soit liŽ ˆ leur destin. Ce qu'ils refusent, c'est que la foi qui vise Dieu passe nŽcessairement par le Christ, par JŽsus de Nazareth, et donc que la foi dŽsormais doive devenir chrŽtienne, si elle veut viser et rejoindre Dieu authentiquement, comme il lui a plu de se rŽvŽler.

S'ils ne veulent pas continuer ˆ vivre dans le pseudos (mensonge), il leur faut admettre que Celui qu'ils appellent "notre Dieu" est le Pre de JŽsus et le doxaz™n de JŽsus, Celui qui est toujours en train de glorifier JŽsus.

 

 

D.       La relation Juifs – JŽsus

 

1.       JŽsus, dans le contexte de Jn 8, commence par offrir une libertŽ, plus exactement il propose aux Juifs de devenir libres (v.32s). Cette libertŽ, ils la trouveront sžrement, ˆ condition qu'ils se placent sur l'axe de la foi, et donc qu'ils deviennent vraiment disciples de JŽsus  (alth™s mathtai). Sa parole (logos) les introduira dans la vŽritŽ, et cette vŽritŽ les rendra libres.

2.       Premire objection des Juifs, ou premier obstacle ˆ la libŽration que JŽsus offre : la libertŽ n'est pas souhaitŽe, la servitude n'est pas reconnue. Mais c'est un double leurre :

Les adversaires de JŽsus ne souhaitent pas la libertŽ parce qu'ils croient la possŽder dŽjˆ : mme au plan religieux ils estiment qu'elle leur est donnŽe par l'histoire.

Ils ne reconnaissent pas leur servitude, parce que ˆ leurs yeux il n'est d'esclavage que politique.

 

La rŽponse de JŽsus est double :

 

3.              Tout d'abord il s'agit d'tre vraiment libre (ont™s ŽleuthŽros, v.36).

Mme libre politiquement ou socialement (c'est-ˆ-dire esclave de personne), v.33, l'homme pŽcheur est encore esclave de son agir, de son pŽchŽ (hamartia), et cette hamartia va tre prŽcisŽe immŽdiatement, au v.37 : au-delˆ des faiblesses morales,  elle consiste fondamentalement ˆ refuser l'EnvoyŽ de Dieu, ˆ Žliminer le porteur de la vŽritŽ.

Le refus, effectivement, fait perdurer l'esclavage, car, si l'homme "cherche ˆ tuer" l'EnvoyŽ, le logos (parole) de JŽsus ne progresse pas en Lui (v.37), JŽsus ne peut lui dire (lalein) ce qu'il a appris auprs du Pre (v.38), il ne peut lui parler de Dieu comme un voyageur qui raconte.

Si l'homme tue l'EnvoyŽ, s'il fait taire la voix qui seule peut parler, jamais il n'entendra Dieu, jamais il ne saura ce que fait ou veut faire le Ma”tre, et cela, c'est le signe de la servitude (Jn 15,15).

 

4.                    Par ailleurs, si les Juifs, bien que descendants d'Abraham, sont encore esclaves de l'hamartia (pŽchŽ), leur assurance pourrait tre mauvaise conseillre.

Ici intervient la coute parabole du v.35 :

É un esclave peut toujours tre ŽloignŽ de la maison, voire chassŽ !

É Abraham lui-mme en donne la preuve en chassant le fils de l'esclave au profit du fils de la femme libre (Gn 4,30).

É les Juifs pourraient donc perdre leur place privilŽgiŽe dans la maison d'Abraham, si au lieu d'tre fils, il s'avre qu'ils sont esclaves.

                  Rappelons les textes de Mt qui montrent JŽsus, durant son ministre, rŽagissant fortement contre la tentation juive de garder un statut privilŽgiŽ (Mt 3,7-10; 8,11s; 23,9).

 

Tout esclave vit dans l'insŽcuritŽ. Il ne sait combien de temps sa paix va durer, et il y a peu de chance qu'elle dure toujours (eis ton ai™na). Tout fils, au contraire, est assurŽ de pouvoir rester, aussi longtemps qu'il le voudra, dans la maison o il est aimŽ.

La parabole dŽbouche donc ˆ la fois sur une mise en garde :"si vous tes esclaves, tirez-en les consŽquences !" et sur une invitation :"pourquoi ne pas accŽder ˆ l'Žtat de fils ?"

 

Puis on passe (v.36) ˆ l'application concrte de la parabole : non plus tout fils, tout esclave, mais le Fils par excellence, et les esclaves de l'hamartia (pŽchŽ).

Et Jn Žnumre quelques caractŽristiques du Fils :

- il demeure de plein droit dans la maison de famille eis ton ai™na (pour toujours, v.35) ;

- il peut dire, et dit en fait, ce qu'il a vu ;

- il a le pouvoir de libŽrer parce qu'il est lui-mme libre.

Donc l'invitation faite aux Juifs n'est pas seulement invitation ˆ tre fils, mais invitation ˆ tre fils par le Fils, ˆ devenir libres par Celui qui libre[9].

 

5.        L'opposition vouloir tuer (v.37-40)  x  aimer (agap‰n,v.42b)

 

Dans la logique de la foi, sur l'axe de la foi/filiation qui vise Dieu, on ne peut qu'aimer JŽsus, l'EnvoyŽ, ce qui suppose Žvidemment :

- un accueil de son logos/lalia (parole rŽvŽlante) ;

- que l'on voie en JŽsus l'EnvoyŽ (v.42) qui n'est pas venu de lui-mme, mais est sorti de Dieu ;

- que l'Žcoute par les hommes s'aligne sur l'Žcoute par JŽsus : JŽsus entend ou a entendu auprs de Dieu (v.40), les hommes doivent entendre/Žcouter la parole de JŽsus (v.43), parce que dans ce logos (parole) de JŽsus rŽsonnent les rhmata (paroles) de Dieu (v.47a).

 

En rŽalitŽ deux personnes parlent (lalein/lalia) :

JŽsus dit l'althŽia (vŽritŽ) entendue auprs du Pre (v.40 ; cf."vu"', v.38), et le choix des Juifs est surprenant, incomprŽhensible, irrationnel ; ils ne comprennent pas la lalia (parole rŽvŽlante) du Fils (v.43), et mme ne peuvent pas "percevoir" la parole du Fils (v.43b) ; ils ne croient pas ˆ JŽsus, c'est-ˆ-dire ne lui font pas confiance (v.43-46).

Le diabolos dit le pseudos (mensonge, v.47b) tirŽ ek t™n idi™n (ses biens propres) ; ils entendent/Žcoutent un autre pre (v.38) ; ils veulent/dŽcident de faire les "dŽsirs" de ce pre (v.44a) ; ils rŽalisent (poiein) les Ïuvres de ce pre (v.41).

 

6.        L'opposition dŽshonorer (atimazein, v.49b)  x  glorifier (doxazein, v.54)

 

Deux reproches (injures) sont adressŽs ˆ JŽsus (v.59) :

- tu es un Samaritain, ce qui peut signifier, selon l'explication qu'on retient ;

tu es un hŽrŽtique ;

tu contestes le culte lŽgitime de Sion et la filiation rŽelle des Juifs par rapport ˆ Abraham ;

tu t'arroges une dignitŽ et un pouvoir divins, comme un "possŽdŽ" samaritain !

tu es nŽ de la fornication, comme les Samaritains.

 

- tu es un possŽdŽ, c'est-ˆ-dire :

tu es un magicien ;

tu as des prŽtentions inou•es ;

tu mŽrites qu'on retourne contre toi l'accusation de "fils du diabolos".

 

Les Juifs contestent donc :

- que JŽsus parle au nom de Dieu ;

- qu'il interprte sainement et authentiquement le destin d'Isra‘l, peuple des fils d'Abraham.

Ë leurs yeux, non seulement l'axe de la foi ne passe pas par le Christ, JŽsus Messie, mais pour tre croyant, fils d'Abraham, il faut Žcarter et mme Žliminer JŽsus.

 

Ainsi les Juifs rŽpliquent ˆ JŽsus en inversant les r™les, en prenant en quelque sorte sa place sur l'axe de la foi, en plaant JŽsus dans le champ de forces du diabolos, du pseudos (mensonge).

 

          axe de la foi

Abraham                                           Juifs                                                       Dieu

 

JŽsus

                                   diabolos

                                         pseudos

 

En fait, ce que Dieu voudrait, et ce ˆ quoi JŽsus travaille, ce serait d'avoir JŽsus et les Juifs ensemble sur l'axe de la foi :

        axe de la foi

Abraham                                          JŽsus                                                     Dieu

Juifs

 

Les Juifs "dŽshonorent" JŽsus en estimant que l'instigateur de son action est le diabolos, et en le rangeant ainsi dans le camp de l'ennemi (rapprocher les critiques adressŽes ˆ JŽsus lors des exorcismes (Mc 3,22 et par.).

RŽponse de JŽsus ; en ce qui concerne sa gloire, il s'en remet au krin™n (Celui qui juge, v.50, cf. v.54). Et il rŽaffirme la nŽcessitŽ de garder sa parole : c'est une condition absolue pour ne pas voir/ gožter la mort (v.51), et pour demeurer toujours (libre) dans la maison (cf. v.35).

 

 

 

 

 

 

E.         La relation JŽsus – Dieu

 

  

 

Jn 8,31-59                                Les versets ˆ prendre en compte :

 

 

v.35b                           L'esclave ne demeure pas dans la maison pour toujours,

                                       le Fils (y) demeure pour toujours.

                                       ό ύιος μένει είς τον αίωνα.

 

 

v.38                              Ce que moi j'ai vu auprs de mon Pre, je le dis.

                                       ά έγω έωρακα ¹αρα τφ ¹ατρι λαλω.

 

 

v.40                              moi, un homme qui vous ai dit la vŽritŽ que j'ai entendue de Dieu.

                                       άνθρω¹ον ός την άληθειαν ύμιν λελαληκα ήν ήκουσα ¹αρα του θεου.

 

 

v.42                              car moi, c'est de Dieu que je suis sorti et que je viens.

                                       Car ce n'est pas de moi-mme que je suis venu, mais Celui-lˆ m'a envoyŽ.

                                       έγω γαρ έκ του θεου έξηλθον και ήκω,

                                       ούδε γαρ ά¹'έμαυτου έληλυθα άλλ'έκεινος με ά¹εστειλεν.

 

 

v.49                              j'honore mon Pre, et vous, vous me dŽshonorez.

                                       τιμω τον ¹ατερα μου και ύμεις άτιμαζετε με.

 

 

v.50                              Pour moi, je ne cherche pas ma gloire ;

                                       il y a Quelqu'un qui la cherche et qui juge.

                                       έγω δε ού ζητω την δοξαν μου,

                                       έστιν ό ζητων και κρινων.

 

 

v.54                              c'est mon Pre qui me glorifie.

                                       έστϊν ό ¹ατηρ ό δοξαζων με.

 

 

v.55                              moi, je le connais É je le connais et je garde sa parole.

                                       έγω δε οίδα αυτον É οίδα αυτον και τον λογον αύτου τηρω.

                                      

 

 

 

 

passŽ

prŽsent

avenir

 

 

 

(l'orthographe des esprits et des accents n'est pas respectŽe, le logiciel ne le permettant pas)

RŽpartition  des temps

 

                                                                     

                  Au sujet des relations JŽsus-Pre et Pre-JŽsus, nous retrouvons les affirmations majeures de la thŽologie johannique. L'usage des temps des verbes (parfait /aoriste / prŽsent / futur) permet ˆ Jn d'Žtaler la christologie au long d'une histoire du salut, qui est une histoire orientŽe.

 

PrŽexistence : para patros / para patri : le jeu des prŽpositions est intŽressant ˆ signaler. Para + gŽnitif (de point de dŽpart) = "de devant, de chez";  para + datif (locatif, de position dans l'espace) = "auprs de". JŽsus, dans sa prŽexistence, "a vu auprs du Pre" (datif), a entendu la vŽritŽ.

 

Envoi, mission : JŽsus "est sorti de Dieu", non pas qu'il soit venu de lui- mme, mais parce qu'il a ŽtŽ envoyŽ.

 

Existence terrestre ; Est soulignŽe la rŽciprocitŽ : JŽsus oida (v.55), tim™ (v.49), tr™ (son logos,v.55) ; le Pre zt™n (la doxa, v.50), doxaz™n (v.54). Les deux, Pre et Fils, sont ˆ l'Ïuvre pour la rŽvŽlation et donc pour le salut : JŽsus dit (lalein), continue ˆ dire ce qu'il a toujours dit lŽlalka (v.40, l'althŽia), et ce qu'il ne cesse de voir encore (e™raka) ; le Pre juge (krin™n) l'accueil qui est fait ˆ l'althŽia dite par JŽsus. Donc le Pre "suit l'affaire". Pour lui, glorifier le Fils, chercher la doxa du Fils, consiste entre autres ˆ juger[10] les hommes sur l'accueil rŽservŽ ˆ son Fils ; le Pre "suit" le Fils envoyŽ.

 

Futur (ai™n ˆ venir) : cette existence, parce qu'elle est l'existence du Fils prŽexistant, est libertŽ eschatologique, elle est permanence dans l'intimitŽ du Fils, permanence dans la "maison" (v.35b).

 

 

Le verbe "savoir" ( oida / gin™skein)

 

                  C'est l'un des verbes qui commandent la comprŽhension de tout ce passage.

 

                  Commenons par une prŽcision de vocabulaire. On aimerait pouvoir diffŽrencier les deux verbes grecs. Pour de la Potterie[11], par exemple, oida se rŽfre ˆ la certitude immŽdiate possŽdŽe avec assurance, tandis que gin™skein renvoie plut™t ˆ l'acquisition, de la connaissance, ˆ la connaissance expŽrimentale et progressive. Cette distinction est en partie fondŽe ; malheureusement Jean ne s'y tient pas toujours (ex. 5,5; 6,69; 16,19). On trouve parfois gin™skein lˆ o l'on attendrait eidenai.[12]

 

Lorsque JŽsus dit aux "Juifs" : "ouk Žgn™kate auton" (v.35a), il ne veut pas dire :"vous ne savez pas qu'il est votre Dieu" , puisque les Juifs le redisent tous les jours dans le shema' 'isra‘l, mais "vous ne savez pas qui est votre Dieu, mme l'expŽrience que vous avez de lui ne vous l'a pas fait vraiment conna”tre".

 

                  "Mais moi, je le connais[13], eg™ de oida auton", affirme JŽsus, et Celui que je nomme mon Pre, c'est bien, identiquement Celui que vous appelez votre Dieu (v.54c). Er mme si cette connaissance para”t exorbitante, JŽsus ne peut pas faire comme s'il ne Le connaissait pas, car ce serait se renier lui- mme. Tout son tre deviendrait mensonger (pseusts, v.55). Les Juifs mentent en disant qu'ils connaissent (qui est) Dieu ; JŽsus mentirait en disant qu'il ne le conna”t pas.

                  C'est cette connaissance qu'il a de Dieu qui l'Žtablit dans l'althŽia (vŽritŽ) et l'Žleutheria (libertŽ), et qui fait de lui pour les hommes le rŽvŽlateur et le libŽrateur eschatologiques, c'est-ˆ-dire non seulement dŽcisifs mais dŽfinitifs. Il faut bien voir l'importance de cette connaissance pour que JŽsus devienne rŽvŽlateur, pour que JŽsus tŽmoigne et puisse affirmer que Dieu le glorifie.

                  On peut rapprocher ici deux textes synoptiques, Mt 11,27 et Lc 10,22, appelŽs souvent ˆ tort "logion johannique", o l'on retrouve la mme thŽologie de la connaissance du Pre par le Fils, avec insistance sur la rŽciprocitŽ, puis sur le pouvoir rŽvŽlateur du Fils-qui-conna”t :

            Mt 11,27 : oudeis Žpigin™skei ; Lc 10,22 : oudeis gin™skei tis estin ho huios/ ho patr.

 

 

La conscience filiale de JŽsus

 

                 

                  "Moi, je le connais !" C'est un de ces textes qui ne peuvent laisser indiffŽrent aucun de ceux qui aiment JŽsus et qui cherchent ˆ l'aimer, aucun de ceux et de celles qui ont donnŽ leur vie pour le trouver, dans la communion ˆ ses souffrances et ˆ sa gloire de ressuscitŽ.

                 

                  Plus la haine et l'incrŽdulitŽ poussent JŽsus dans ses derniers retranchements, et plus il laisse transpara”tre ce qu'il y a d'indicible dans sa relation au Pre. JŽsus se place d'emblŽe dans l'axe de la foi, sur la route qui va vers le cÏur de Dieu, et il ose proclamer :"Nul ne va au Pre que par moi", c'est moi qui suis le chemin. PrŽtention extraordinaire, revendication scandaleuse, aussi folle que la folie de Dieu. Et quand on lui dit :"De quel droit t'arroges-tu cette place ? Quel signe donnes-tu pour te permettre cela ?", JŽsus accumule les tŽmoignages :

 

5,33 : TŽmoignage des ƒcritures :"Vous scrutez les ƒcritures parce que vous pensez acquŽrir par elles la vie Žternelle : ce sont elles qui rendent tŽmoignage ˆ mon sujet".

5,35 : TŽmoignage du Baptiste : "Jean fut la lampe qu'on allume et qui brille, et vous avez bien voulu vous rŽjouir pour un moment ˆ sa lumire" ;"il a rendu tŽmoignage ˆ la vŽritŽ" (v.5,33).

5,36 : TŽmoignage des Ïuvres qu'il accomplit :"Les Ïuvres que le Pre m'a donnŽ ˆ accomplir, je les fais, et ce sont elles qui portent ˆ mon sujet tŽmoignage que le Pre m'a envoyŽ".

8,14 : TŽmoignage que JŽsus se rend ˆ lui- mme : "Mon tŽmoignage est valable, parce que je sais d'o je viens et o je vais".

8,19 : TŽmoignage du Pre qui a envoyŽ JŽsus. Cf. 8,54 :"C'est mon Pre qui me glorifie, lui dont vous affirmez qu'il est votre Dieu".

 

                  Et quand on rŽtorque ˆ JŽsus :"Qu'est-ce qui nous le prouve ?", JŽsus rŽpond avec la conscience qu'il a de son propre mystre, avec une immense peine de ne pas pouvoir se faire comprendre. Il redit, avec sa conscience d'tre le Fils de Dieu :"Moi, je le connais !" Que voulez-vous que je vous dise ? Il n'y a pas de mots pour dire cela ! Je le connais, je viens de lui, je vais ˆ lui. Je ne peux pas vous dire d'autre vŽritŽ plus grande, plus sžre, plus inou•e, que celle-lˆ /"Je le connais". J'ai entendu, j'ai vu, j'ai aimŽ auprs de lui, vers lui, de toute ŽternitŽ ; et c'est cela que je suis venu vous dire, mais "vous ne voulez pas venir ˆ moi pour avoir la vie Žternelle !" (v.5,40).

 

                  Ainsi ces textes de controverse, qui paraissent parfois si lointains, si juridiques, si froids, sont parmi ceux qui nous font entrer le plus profondŽment dans la conscience filiale de JŽsus, dans son mystre de Fils de Dieu venu nous "raconter" ce Pre que nul n'a jamais vu.

 

 

Une constante

 

                  Pourquoi JŽsus conna”t-il Dieu, et d'une manire qui n'appartient qu'ˆ lui ?

Parce qu'il a vu et entendu (v.38.40) auprs du Pre avant de "sortir de Dieu", de venir, d'tre lˆ. Ailleurs Jn relie le oida auton (je le connais) au fait que Dieu l'a envoyŽ (7,29) et qu'il est "de chez Dieu" (hoti par'autou eimi, gŽnitif de point de dŽpart).

 

                  C'est lˆ une des constantes de la christologie de Jean. Cf. dŽjˆ :

                  1,18 (le Prologue) : thŽos oudeis Ž™raken p™pote É Žkeinos exegsato (Dieu, personne ne l'a jamais vu .. celui-lˆ l'a racontŽ) : il faut avoir vu pour raconter ; seul peut raconter Dieu celui qui est eis ton kolpon tou patros (dans le sein du Pre), celui qui "sait" (v.54s).

                  3,32 : ˆ propos de celui qui est d'en haut, qui est descendu du ciel, JŽsus dit :"ha Ž™rahen kai kousen, touto marturei" : la marturia (tŽmoignage) de JŽsus a pour objet ce que dŽjˆ il a vu et entendu.

 

                  Cette connaissance s'Žpanouit en obŽissance : ton logon autou tr™ (je garde sa parole, 5,5). JŽsus garde la parole comme il a gardŽ les entolas (commandements) du Pre (15,10).

 

 

Le couple thŽologique tim™ – doxaz™ (honorer – glorifier)

 

                 

                  L'intensitŽ et la rŽciprocitŽ de la relation du Pre et du Fils, traduites par ce couple de verbes, entra”nent une consŽquence importante pour l'acte de foi : JŽsus et le Pre sont insŽparables dans la visŽe de celui qui croit.

 

                  JŽsus tim‰ (honore) le Pre, c'est-ˆ-dire cherche uniquement son honneur[14]. Il le fait en tout ce qu'il dit, et lorsqu'il prŽtend tre le Fils de Dieu et le RŽvŽlateur eschatologique, lorsqu'il atteste cette vŽritŽ, aussi Žtonnante et renversante qu'elle puisse para”tre, cela, c'est encore honorer le Pre. JŽsus ne veut pas d'autre doxa (gloire) que celle qui lui est donnŽe par le Pre doxaz™n (glorifiant, v.54ab). Mais cette gloire-lˆ, il ne peut la dŽcliner sans renier sa propre filiation, sans devenir pseusts (menteur).

 

                  La doxa du Pre et celle du Fils sont aussi indissociables que la marturia (tŽmoignage) du Pre et du Fils. Ainsi JŽsus revendique d'un mme mouvement sa doxa et celle de Dieu. Mme lorsque le Fils parle au sujet de lui-mme, lorsqu'il dŽclare qu'on ne peut reconna”tre Dieu sans le reconna”tre, lui Fils de Dieu, il s'agit encore, en dŽfinitive, de la tim (honneur) ou de la doxa (gloire) de Dieu.

 

                  Donc refuser ˆ JŽsus la tim (honneur) (a-timaz™) est dŽs-honorer Dieu (v;49). RŽciproquement, le Pre veut que le Fils soit honorŽ comme Lui (v;5,23).

 

 

Juger (krinein)

 

                 

                  Le verbe "juger" peut s'entendre ˆ plusieurs niveaux :

                 

                  Le Pre juge parce qu'il rend justice ˆ son Fils, parce qu'il intervient dans le procs intentŽ ˆ son Serviteur innocent, lequel s'en remet ˆ Lui. C'est un sens assez frŽquent dans les Psaumes de la LXX (Ps 8,9; 27,1; 36,26-29; 43,1). Effectivement JŽsus est le Juste qu'on ne saurait convaincre d'aucun pŽchŽ (v.46), et il est un juste persŽcutŽ, puisqu'on en veut ˆ sa vie.

                  Rappelons-nous toutefois que, ds qu'il s'agit de jugement dans l'ƒvangile de Jn (krinein, krisis), cette idŽe d'intervention de Dieu est insŽparable des notions de dŽcision, de discernement, de jugement portŽ. Et de fait une sentence est bien portŽe, mais elle reste implicite, ˆ dŽduire du comportement de Dieu, de sa prise de position.

 

                  Par le fait mme qu'il glorifie son Fils, sur la terre puis dans son exaltation, Dieu juge/condamne les opposants ˆ son Fils.

                 

                  Le critre du jugement est directement christologique. Les hommes sont jugŽs/se jugent sur leur accueil ou leur refus de JŽsus-Fils de Dieu , les hommes se mettent sous le signe de la condamnation de Dieu lorsqu'ils dŽs-honorent le Fils, lorsqu'ils rejettent celui ˆ qui Dieu a confiŽ les t‰ches eschatologiques de donner la vie et de juger. En ce sens le jugement des opposants ˆ JŽsus est l'envers de sa glorification : puisque Dieu prend ouvertement position pour JŽsus, tous les opposants ˆ JŽsus se dŽclarent contre Dieu et par lˆ se jugent eux-mmes.

 

                  Le retour de ce thme du jugement, abandonnŽ depuis le v.26, marque une premire conclusion du dŽbat.

                  JŽsus a prouvŽ successivement 

- que les Juifs, ses opposants, ne sont pas rŽellement fils d'Abraham ;

- qu'ils ne peuvent se considŽrer vraiment comme fils de Dieu ;

- que leur pre est le diabolos.

                  Il peut maintenant rŽsumer : vous tombez sous le jugement de Dieu parce que vous ne me reconnaissez pas comme le Fils de Dieu, l'EnvoyŽ, le RŽvŽlateur, tout comme il disait, au v.24 :"Si vous ne croyez pas que Je Suis, vous mourrez dans votre pŽchŽ".

 

                  Le thme du procs fait ˆ JŽsus reviendra dans le Discours aprs la Cne (v;16,8). Il s'agira alors, non plus de l'opposition des Juifs ˆ JŽsus durant sa vie mortelle, mais du procs intentŽ ˆ JŽsus tout au long de l'histoire. Dans ce cadre sera dŽveloppŽe toute une thŽologie du r™le du Paraclet. C'est ˆ lui qu'il reviendra de mettre constamment le "monde" dans son tort.

 

 

F.          La relation JŽsus – Abraham

 

 

                  JŽsus a situŽ les Juifs par rapport ˆ Abraham (v.33-41) ; il va maintenant situer Abraham par rapport ˆ lui-mme (v.52-58) ;

             Abraham est subordonnŽ ˆ JŽsus : JŽsus est "plus grand" (meiz™n, v.53a) ;

             Abraham est ordonnŽ ˆ JŽsus : Abraham "a vu" JŽsus (Abraham eiden, v.56) ;

             Abraham est venu ˆ l'tre ; JŽsus, le Fils de Dieu qui dit "Moi" (Žg™), est, absolument, comme Dieu est (v.58) (par lˆ on revient ˆ la relation JŽsus-Dieu).

 

             JŽsus plus grand (meiz™n)

 

                  C'est un thme dŽjˆ rencontrŽ. JŽsus est plus grand que Jacob (4,12), plus grand qu'Abraham et que les prophtes (53), plus grand que Jean-Baptiste : il le dit Žquivalemment en 5,31 :"Je possde un tŽmoignage qui est plus grand que celui de Jean".

 

                  Ce mme "plus grand" (meiz™n) sert d'ailleurs quand JŽsus se compare au Pre :"le Pre est plus grand que tout" (v.10,29) ; "le Pre est plus grand que moi" (v.14,28) et lorsque JŽsus se situe par rapport aux disciples : il est plus grand (meiz™n) en tant qu'il est le Seigneur (kurios, v.13,16; 15,20) ou l'EnvoyŽ (v.13,16), et pourtant il se fait le serviteur (v.13,16).

 

                  Donc JŽsus est plus grand que tous les personnages de l'Žconomie ancienne, et l'on peut rapprocher ici :

Mt 12,41 ; "et voilˆ ici plus que Jonas (kai idou plŽion Jona h™de) ;

Mt 12,42 : "et voilˆ ici plus que Salomon (kai idou plŽion Solom™nos h™de) ; et

Mt 12,6   : "et il y a ici plus grand que le temple (tou hiŽrou meizon estin h™de).

 

                                   Saint Paul avait une formule plus complte pour exprimer la hiŽrarchie dŽfinitive des valeurs :"Tout est ˆ vous, mais vous tes au Christ, et le Christ est ˆ Dieu".

 

                  Mais cette supŽrioritŽ de JŽsus, les Juifs ne la reconnaissent pas. C'est une question qu'ils posent, et la rŽponse nŽgative pour eux ne fait aucun doute[15]; Ce refus d'admettre JŽsus "plus grand" (meiz™n) repara”t clairement dans la deuxime question :"qui te fais-tu ?" (tina sŽauton poieis ?).

                  La question va plus loin que le "qui es-tu ?" (su tis ei ?), des envoyŽs de JŽrusalem (v.1,19), qui se situe encore au niveau de l'enqute, plus loin aussi que "que dis-tu de toi-mme ?" (ti legeis pŽri seautou ?), qu'on lit en 1,12. Lˆ les envoyŽs veulent vraiment savoir quel r™le eschatologique revendique le Baptiste. Ici, la manire mme dont la question est posŽe indique qu'aux yeux des Juifs l'idŽe que JŽsus a de lui-mme reflte une prŽtention toute subjective, sans fondement et donc rŽvoltante.

 

                  D'o la premire rŽponse de JŽsus au v.54, qui reprend le thme de la gloire (doxa) abordŽ au v.50 : ce que JŽsus dit ˆ son sujet n'est pas une prŽtention vide, une auto-doxologie (autoglorification), car alors effectivement sa gloire ne serait rien (ouden) ; sa doxa (gloire) ne s'origine pas en lui-mme (v.54b), mais vient du Pre (v.54c). JŽsus rŽvle et manifeste seulement ce que le Pre prŽtend au sujet de son Fils. JŽsus fait valoir une prŽtention, mais c'est la prŽtention de Dieu. Le Pre lui-mme veut que JŽsus soit reconnu comme meiz™n (plus grand) qu'Abraham, Jacob, Salomon, Jonas, ƒlie, et comme le rŽvŽlateur eschatologique.

                  Nous rejoignons ˆ cet endroit la thŽologie de la Transfiguration et la thŽologie de l'eudokia (la complaisance que Dieu prend en son Fils). Ce n'est pas JŽsus qui "se fait" quelque chose ; c'est Dieu qui fait savoir l'althŽia (vŽritŽ) et qui atteste ce que JŽsus est pour lui ; cf. le thme de la marturia (tŽmoignage). La doxa (gloire) de JŽsus n'est pas rien (ouden), puisque le Pre lui- mme est le doxaz™n (celui qui glorifie).

 

                  Suit, dans le texte, le triple oida auton (je le connais) du v.55. Cette apparition du thme du savoir/connaissance n'est pas fortuite. En effet, au v.54 JŽsus dŽclare en substance : Je ne me glorifie pas, c'est le Pre qui me glorifie. Ë l'objection qu'il pressent :"Sur quoi t'appuies-tu pour dire que ton Pre te glorifie ?" JŽsus aurait plusieurs rŽponses possibles (cf. ch.5 : les signes, les Ïuvres, les ƒcritures). Il choisit la rŽponse la plus Žtonnante, la plus dense, la plus audacieuse aussi :"je m'appuie sur la connaissance que j'ai de Lui".

 

 

             Abraham Žtait ordonnŽ ˆ JŽsus

 

 

Comment Abraham a-t-il vu le jour de JŽsus, et quel est le sens de sa joie ?

 

                  Rien n'autorise ˆ restreindre ce jour ˆ un seul moment donnŽ[16]. Ce qu'Abraham a dŽsirŽ voir, c'est l'action du Messie (Lc 10,24; 17,22).

                  Si l'objet est ainsi gŽnŽral (mon jour), on ne doit pas non plus chercher dans la vie d'Abraham une circonstance particulire. JŽsus n'argumente pas Bible en mains et ne cite aucun texte. Ce que tout le monde savait, c'est que la rŽvŽlation avait ŽtŽ faite ˆ Abraham d'une descendance en qui toutes les nations de la terre se bŽniraient. Il allait de soi qu'Abraham devait tressaillir de joie ˆ cette pensŽe.

 

                  Si toutefois on veut, avec certains Pres, indiquer une rŽvŽlation particulire, ce n'est pas le jour du sacrifice d'Isaac (qui figurait le Christ), car la joie n'y para”t ni dans le texte ni dans la tradition. Il faut plut™t songer ˆ la naissance d'Isaac, dont le nom signifie :"il rira". Ce rire fut interprŽtŽ comme une grande joie, qu'Abraham partagea avec Sara (Jub.XVI,19)[17].

                  Selon une exŽgse connue ˆ l'Žpoque du Christ, le jour de la naissance d'Isaac figurait le jour du Messie de Dieu, c'est-ˆ-dire que dans la figure d'Isaac Abraham a vu le Messie, sa joie ˆ la naissance d'Isaac devenant ainsi une joie pour la naissance du Messie.

 

                  L'objection des Juifs est tirŽe d'une impossibilitŽ chronologique :

Abraham ayant vŽcu ˆ une Žpoque reculŽe de plusieurs sicles,

α)  - il ne pouvait pas conna”tre JŽsus, et n'a pas pu le voir rŽellement (vision par Abraham),

β)  - JŽsus ne peut l'avoir connu ˆ ce moment-lˆ (vision par JŽsus).

En soi, l'objection pourrait prendre ces deux formes. Les Juifs ne retiennent pas α, du moins pas explicitement. D'ailleurs, s'ils attaquaient sur ce point (impossibilitŽ d'une vision par Abraham), leur position serait faible ; en effet la tradition juive admettait qu'Abraham avait vu d'avance l'avenir[18], alors pourquoi pas les jours de JŽsus ?

Les adversaires de JŽsus retiennent la critique β : JŽsus ne peut avoir vŽcu au temps d'Abraham, il ne peut, durant sa vie, avoir vu Abraham. Ds lors, ou bien il dŽraisonne, ou bien il revendique une prŽexistence qui le situe hors du commun des mortels, loin au-dessus du mortel Abraham. JŽsus se dit plus grand que la mort !

 

La rŽponse de JŽsus fait Žclater les limites du temps.

JŽsus ne dit pas seulement :"J'Žtais avant Abraham" (prin Abraham Žg™ n), ce qui n'impliquerait qu'une prioritŽ dans le temps,  (celle-lˆ mme dont parle le Baptiste :"Il Žtait avant moi" (pr™tos mou n) ; il dit prŽcisŽment :"Avant qu'Abraham ne v”nt ˆ l'existence, Je Suis" (prin Abraham gŽnesthai Žg™ eimi".

L'opposition joue donc surtout entre gŽnesthai et einai. Comme dit le P.Lagrange :"c'est l'existence sans modalitŽ de temps, de celui qui, ds le commencement, est (1,1.2.15.30), opposŽe ˆ l'existence acquise de celui qui est devenu".

 

 

             JŽsus est, JŽsus dit "Je Suis"

 

 

Le rŽvŽlateur eschatologique, JŽsus, dŽclare, parlant ˆ un moment de l'histoire humaine, "Je Suis" (Žg™ eimi) et je traverse donc le temps.

Moi, JŽsus, je fais miennes les paroles par lesquelles Yahweh s'est rŽvŽlŽ comme transcendant toute durŽe, toute temporalitŽ, toute histoire, tout devenir de crŽature

Moi, JŽsus, je revendique pour moi, je rapporte ˆ mon Žg™ ce que Yahweh se rapportait ˆ lui-mme :"Je Suis Celui qui est" (Žg™ eimi ho ™n, Ex 3,14).

C'est comme si JŽsus disait :"Je suis la rŽvŽlation de Yahweh, je suis le lieu de la prŽsence et de la manifestation de Yahweh dans l'histoire.

 

Ce "Je Suis" prononcŽ au cÏur de l'histoire par JŽsus, rŽsume et contient tout le paradoxe de son Moi. La christologie de Jean est une christologie de l'Žg™, du sujet parlant, de l'EnvoyŽ tŽmoignant. Donc non pas une christologie ni d'en bas ni d'en haut, mais une christologie du paradoxe vivant, car celui qui parle en bas est d'en haut.

 

Le dŽbat des "Juifs" avec le rŽvŽlateur, reprŽsentant de Yahweh, est en mme temps et nŽcessairement un dŽbat des Juifs avec eux-mmes, avec leur histoire et la signification du juda•sme.

Que devient en effet l'Alliance de Yahweh avec Isra‘l, si vraiment ce JŽsus est porteur de l'althŽia (vŽritŽ) de Dieu, si vraiment il est la clef de la filiation, mme par rapport ˆ Abraham ?

 

 

 

En guise de conclusion : Jean et le juda•sme

 

 

Pour les rŽsumer tout de suite, les pages qui suivent voudraient laver l'ƒvangile de Jean de tout soupon d'antijuda•sme.

 

Redisons-le, mme si, dans l'ƒvangile de Jean, les Juifs sont souvent critiquŽs, il ne s'agit jamais des Juifs en tant que peuple, et surtout pas du peuple Juif au long de son histoire. Les critiques ne refltent jamais une allergie raciale ou raciste : elles visent toujours une attitude ou des rŽflexes qui tous ont trait uniquement au domaine de la foi. Ce serait donc commettre une erreur historique que d'annexer l'ƒvangile de Jean au domaine des querelles raciales ou racistes de nos contemporains.

L'ƒvangile de Jean ne condamne pas une race, mais des opposants ˆ JŽsus. Pour bien souligner cette diffŽrence majeure, nous utiliserons dŽsormais, non pas l'expression "les Juifs", mais la tournure plus neutre : les Ioudaioi (transcription du grec), qui renvoie uniquement ˆ des contemporains de JŽsus.

 

 

             Les Ioudaioi au niveau historique de la vie de JŽsus

 

 

a.                     Il est des cas o l'expression "les Ioudaioi" ne connote rien de nŽgatif dans le IVe ƒvangile et rien n'empche que ces cas remontent jusqu'ˆ la tradition orale.

Par exemple lorsqu'il s'agit d'une simple dŽsignation religieuse ou nationale (les Ioudaioi opposŽs aux Samaritains 4,22; ou la titulature de la Croix, 18,33.35), lorsque Jn fait allusion aux ftes et aux coutumes des Ioudaioi (2,6.13; 7,12), ou dans les strates des ch.11 et 12 o les Ioudaioi sont simplement les JudŽens (amis aussi bien qu'ennemis de JŽsus).

 

b.              Il est clair Žgalement que c'est la controverse de JŽsus et des Ioudaioi qui, en dŽfinitive, a menŽ JŽsus ˆ la mort. On ne peut Žliminer ce noyau historique, que l'on retrouve, Žquivalemment, chez les synoptiques.

 

c.              La rencontre de JŽsus et du juda•sme, plus exactement la tension entre JŽsus et le juda•sme dont il est issu, n'a pas lieu dans un espace anhistorique comme est celui de la gnose. JŽsus a dž prendre position face ˆ une communautŽ bien rŽelle, ˆ la fois politique et religieuse, centrŽe sur JŽrusalem, son temple, son SanhŽdrin, son grand prtre, et qui se considŽrait comme l'hŽritire lŽgitime du qahal Yhwh de l'Ancien Testament.

Il est important de noter que la grande majoritŽ des textes de l'ƒvangile de Jean o il est question des Ioudaioi situent le rŽcit ˆ JŽrusalem, dans les environs, ou en liaison avec JŽrusalem[19] . Donc ce juda•sme avec lequel JŽsus a eu maille ˆ partir est un juda•sme bien localisŽ, et non pas simplement une grandeur thŽologique un peu vague, facile ˆ insŽrer dans une sorte de gnose comme antithse de la foi au Christ.

 

d.              Par ailleurs la controverse de JŽsus avec les Ioudaioi n'a rien d'irŽnique. JŽsus n'est pas aux prises  seulement avec une entitŽ thŽologique, mais avec des adversaires bien vivants. Nous entendons parler de division (skhisma, 7,43), de discussion (ztsis, 3,25; 10,19), de murmures hostiles (gogguzein, 6,41.43.61), de dŽbat violent entre Ioudaioi (Žmakhonto pros alllous, 6,52), de persŽcution ou de poursuite (di™kein, 5,16), de gens qui cherchent ˆ tuer (ztein .. apokteinai, 5,13; 7,1; 10,31;11,8; 18 – 19, et ici en 8,37-40). 

 

e.              Certes, l'incrŽdulitŽ joue un r™le important, mais elle ne reste pas au niveau des idŽes : c'est una incrŽdulitŽ agressive. Et elle s'explique parfaitement sur le plan de l'histoire du Christ, car JŽsus s'en est pris directement au statut religieux du juda•sme, il s'est vu obligŽ d'entamer la certitude monolithique qu'avait son peuple de possŽder la filiation par rapport ˆ Abraham, la rŽvŽlation dans les ƒcritures, la Loi, l'allŽgeance ˆ Mo•se, la filiation par rapport ˆ Dieu, et tout cela par privilge.

                  La prŽtention qu'Žmettait JŽsus d'tre le rŽvŽlateur eschatologique Žtait pour le juda•sme une menace. Dans la mesure o le juda•sme centrŽ sur JŽrusalem refusait de se placer sur ce que lui prŽsentait comme le seul axe de la foi, nŽcessairement christique, l'Žlimination de JŽsus devenait pour le juda•sme une question cruciale et une tentation constante.

 

f.               JŽsus revendique pour lui-mme toute la rŽvŽlation de l'AT. Il prŽtend constituer la raison d'tre du juda•sme, et par lˆ il enfonce un coin entre l'AT et la comprŽhension que le juda•sme a de lui-mme. Il renvoie Isra‘l ˆ son propre mystre, et rien ne pouvait tre plus dŽsŽcurisant.

 

                  Sans cette base historique, sans cette hostilitŽ rŽelle des Ioudaioi contre JŽsus, les relations ultŽrieures de la synagogue et de l'ƒglise au Ier sicle deviendraient incomprŽhensibles.

 

 

             Les Ioudaioi au niveau de la controverse du Ier sicle entre l'ƒglise et la Synagogue

 

 

a.                     Ce deuxime niveau est souvent difficile ˆ discerner du premier (niveau de la vie de JŽsus), et ce pour plusieurs raisons :

Tout d'abord la communautŽ chrŽtienne,  dans  les premires dŽcennies et surtout 80-90, a rencontrŽ la mme hostilitŽ que JŽsus de la part du mme groupe : les autoritŽs de JŽrusalem.

Ensuite beaucoup de traits de la polŽmique ou de la controverse se comprennent aussi bien sur la toile de fond de la vie de JŽsus que sur celle de la vie de l'ƒglise au Ier sicle. Par exemple :

- JŽsus recourt au style rabbinique de discussion (10,34-36) ;

- JŽsus fait appel aux principes du droit juif pour justifier le tŽmoignage qu'il se rend ˆ lui-mme (5,31.33; 8,17) ;

- Jn conna”t une opposition tranchŽe entre disciples de Mo•se et disciples de JŽsus (9,28).

 

b.                     Cependant l'insistance du IVe ƒvangile sur les controverses de JŽsus et des Ioudaioi est rŽvŽlatrice d'un dessein de l'ƒvangŽliste, et donc d'une attente de ses lecteurs vers 85-95.

Il est indŽniable que la controverse entre JŽsus et les Ioudaioi se prŽsente plus souvent chez Jn que chez les synoptiques, et se trouve rŽpartie sur toute la longueur de l'ƒvangile, dŽjˆ auparavant, quand l'ƒvangile Žtait encore en gestation.

- Jn insiste sur JŽsus-Messie, emploie christos plus que tout autre ŽvangŽliste, et il est seul ˆ employer messias (1,41; 2,25).

- Jn identifie nettement JŽsus avec des figures de l'AT ou de l'apocalypse juive (Serviteur, Agneau de Dieu, Roi d'Isra‘l).

- Jn montre dans le livre des signes comment JŽsus remplace les institutions juives.

 

Pourquoi cela ?

- pour fortifier la foi des chrŽtiens (venus du juda•sme ou du paganisme) en butte aux attaques du juda•sme officiel ;

- pour aider les chrŽtiens venus du juda•sme, surtout ceux de la diaspora, ˆ se dŽtacher de la synagogue.

 

c.              Il est probable que les passages de controverse entre JŽsus et les Ioudaioi Žtaient destinŽs surtout ˆ des lecteurs de la diaspora : la situation de JŽsus face ˆ ses adversaires est appliquŽe ˆ la situation des chrŽtiens face au juda•sme hors de Palestine. De cela nous avons quelques indices : 1) ƒcrit en grec, l'ƒvangile de Jn prend soin d'expliquer certains termes ou coutumes juifs (Messie, Rabbi, Siloam, 4,9), 2) l'ironie johannique de 7,35 suppose l'existence de la diaspora et des Gentils

 

d.              On peut faire remonter ˆ cette pŽriode des tensions entre l'ƒglise et la Synagogue la spŽcialisation du terme hoi Ioudaioi pour dŽsigner, comme un terme technique, les autoritŽs religieuses hostiles ˆ JŽsus, spŽcialement celles de JŽrusalem.

 

e.              On possde plusieurs indices de l'effort fait par Jn pour aider les judŽo-chrŽtiens ˆ se dŽtacher de la Synagogue :

- l'insistance sur JŽsus-Messie (surtout 20,31), qui veut fortifier leur foi au moment o ils sont menacŽs d'tre exclus de la Synagogue ;

- le thme du remplacement des institutions juives, qui va jouer le mme r™le que dans Hb : mŽnager la transition entre cultes ancien et nouveau ;

- la mention par Jn, ˆ trois reprises, de cette menace d'excommunication de la Synagogue (9,29; 10,42; 16,2), thme soulignŽ dans le rŽcit du ch.9 ;

- l'allusion faite par deux fois ˆ un manque de courage pour confesser publiquement la foi en JŽsus (3,2; 19,39, o il est question de Nicodme qui vint "de nuit" (nuktos) ;

- les exemples de l'aveugle-nŽ et celui de Joseph d'Arimathie, qui surmontent leur peur, constituaient Žgalement une invitation au courage pour les judŽo-chrŽtiens de la diaspora.

 

f.               Beaucoup de catŽgories frŽquemment employŽes par les Synoptiques sont absentes de l'ƒvangile de Jn (SadducŽens, HŽrodiens, ZŽlotes, publicains, scribes).

Cela peut tre dž en partie au dualisme (sapientiel) de l'ƒvangile de Jn, qui nivelle beaucoup de distinctions pour ne retenir que des oppositions trs gŽnŽrales (bon/mauvais, lumire/tŽnbres, vŽridiques/menteurs). Mais cela est dž Žgalement ˆ un changement intervenu dans l'histoire du peuple juif. Aprs la destruction du Temple en 70, beaucoup de distinctions, ˆ l'intŽrieur du juda•sme, devaient perdre leur sens. Jn ne garde que le SanhŽdrin, qui joue un r™le dans le procs, et les Pharisiens, parce que justement ils ont survŽcu ˆ la catastrophe de 70.

 

g.              L'insistance sur JŽsus comme rabbi peut reflŽter une polŽmique contre les grands rabbis de l'assemblŽe de Jamnia.

 

h.              Certaines expressions portent peut-tre la marque de l'usage ecclŽsial du temps des Ap™tres (cf. 8,31 : les pŽpisteukotes, qui peuvent renvoyer aux judŽo-chrŽtiens)..

 

i.               Alors que chez les Synoptiques les Pharisiens sont pris ˆ partie surtout ˆ cause de leur comportement moral ou social, chez Jn la critique porte sur leur refus du Messie et leur volontŽ de tuer.

Cela peut reflŽter Žgalement la situation historique de l'ƒglise au Ier sicle : la lutte entre l'ƒglise et la Synagogue ne se dŽroule plus sur le terrain de la Loi (comme au temps de Paul), mais sur le terrain de la foi en JŽsus-Messie. La Loi n'est plus un problme pour les chrŽtiens : elle ne concerne que les Ioudaioi. Cela d'ailleurs a pu marquer la manire dont sont rapportŽes les paroles de JŽsus ("votre loi", 8,17; 10,34; 15,25 ; cf."vos synagogues", en Mt 23,24).

 

 

             Les Ioudaioi de l'ƒvangile de Jean et l'hermŽneutique chrŽtienne

 

 

Faut-il parler d'une valeur typique permanente des Ioudaioi de l'ƒvangile de Jn ?

Est-ce que Jn, ˆ partir des rŽalitŽs vŽcues par JŽsus, a voulu faire des Ioudaioi le type d'une attitude par rapport ˆ JŽsus rŽvŽlateur ?

On ne peut passer ˆ c™tŽ de cette question d'hermŽneutique

- ds que l'on cherche ˆ articuler les controverses, comme celles de Jn 8, sur l'ensemble de la christologie de Jean,

- ds que l'on veut fonder thŽologiquement la position chrŽtienne par rapport au juda•sme en gŽnŽral et au juda•sme de notre temps.

Ce que nous avons dit jusqu'ici montre les nuances importantes qu'il faudrait apporter ˆ l'affirmation de Bultmann :"Les Ioudaioi sont le peuple juif non pas dans le sens de son existence empirique, mais dans son essence".

 

a.                     On ne peut identifier sans plus, chez Jn, les Ioudaioi et le kosmos (monde)

 

Le mot kosmos chez Jn (Žvangile et lettres) peut prendre trois sens, qui d'ailleurs interfrent souvent :

1)             la crŽation, la terre, c'est-ˆ-dire un lieu opposable au ciel, comme l'ici-bas est opposable ˆ l'en haut ;

2)             l'ensemble des hommes qui vivent sur terre ˆ un moment donnŽ de l'histoire ;

3)             les hommes qui se dressent contre l'EnvoyŽ de Dieu.

 

Plusieurs versets de l'ƒvangile de Jn prŽcisent la relation des Ioudaioi (hostiles ˆ JŽsus) ˆ ce kosmos :

8,23 : parlant ˆ ses ennemis Ioudaioi, JŽsus leur dŽclare :"Vous tes d'en bas, de ce monde (ek toutou tou kosmou este) ;

15,18 : parlant ˆ ses amis, lors du Discours aprs la Cne, JŽsus leur dit :"Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a ha• avant vous".

"vous", c'est-ˆ-dire mes disciples, qui n'tes pas du monde (v.19),

"le monde" qui hait les disciples, c'est surtout le monde des pa•ens,

"le monde" qui a ha• JŽsus, c'est uniquement (au niveau de l'histoire) les Ioudaioi "qui avaient vu ses Ïuvres" (cf.v.26).

 

Ainsi    les Ioudaioi hostiles du temps de JŽsus ne sont qu'une fraction du monde hostile (3),

                  les Ioudaioi hostiles du temps de JŽsus seront relayŽs par d'autres ressortissants du kosmos (monde), tout au long de l'histoire chrŽtienne,

                  les Ioudaioi hostiles du temps de JŽsus vŽrifient les caractŽristiques du monde (3) de manire saisissante et particulire ; de manire saisissante, parce qu'ils sont les premiers ˆ refuser le RŽvŽlateur JŽsus, de manire particulire, parce qu'ils sont et seront les seuls ˆ rejeter le Christ historique, par attachement ˆ un statut de peuple Žlu et sur la base d'une mŽprise concernant les promesses de Dieu. D'autres rejetteront le Christ, mais dŽjˆ un Christ qu'ils n'auront plus sous les yeux.

 

C'est dire que l'expŽrience des Ioudaioi du temps de JŽsus comporte des ŽlŽments littŽralement non-imitables, non rŽ-itŽrables par d'autres hommes. En d'autres termes : la rŽaction des Ioudaioi du temps de JŽsus n'est que partiellement typique d'une attitude de refus face au RŽvŽlateur.

 

 

b.    Si l'on dit : l'expression "les Ioudaioi" sont un chiffre[20] de l'incroyance,

b.                      

 

il faut ajouter tout de suite :"mais pas n'importe quelle incroyance". L'expression "hoi Ioudaioi" n'est pas le chiffre de l'a-thŽisme, mais le chiffre d'un a-christianisme, car les Ioudaioi ne rejettent pas Dieu ni l'attente d'un Messie (quelle que soit l'idŽe qu'ils se font de ce messianisme).

C'est pourquoi on ne peut verser purement et simplement ces textes johanniques du ch.8 au dossier de la controverse actuelle des chrŽtiens avec l'a-thŽisme proprement dit.

 

 

       c.    Si l'on dit : les Ioudaioi du temps de JŽsus sont le chiffre ou le symbole du refus de l'Incarnation,

 

il faut prŽciser que c'est un refus qualifiŽ, un refus motivŽ par une assurance, laquelle est fondŽe :

- sur une relation historique de Dieu avec un peuple,

- sur ce qui est ressenti comme un privilge de l'Žlection et de la foi,

- sur un statut spŽcial octroyŽ par Dieu, mais dont les Ioudaioi se sentent propriŽtaires,

- sur une expŽrience vŽcue des voies de Dieu dans l'histoire.

 

Il est bien exact que les Ioudaioi, ˆ travers leur r™le historique vis ˆ vis de JŽsus et de l'ƒglise primitive, continuent de symboliser, au-delˆ de ce r™le momentanŽ,

un rejet de JŽsus, Fils de Dieu venu dans la chair,

                  de JŽsus comme rŽvŽlateur et libŽrateur eschatologique attendu,

                  de JŽsus comme accomplissant toutes les promesses.

 

Nous l'avons vu, d'aprs Jn 8, avoir le rŽflexe des Ioudaioi, c'est nier que l'axe de la foi passe dŽsormais nŽcessairement par JŽsus, c'est vouloir Žcarter l'Incarnation, la mettre hors circuit, hors du circuit du salut.

Mais, rŽpŽtons-le, c'est le fait de croyants en Dieu, c'est la rŽaction d'hommes pour qui l'Incarnation ne pouvait prendre sens sur la toile de fond des promesses de Yahweh.

 

 

d.        En rigueur de termes, la tentation des Ioudaioi  (au sens johannique) ne peut guetter que des croyants, qui ont pu miser dŽjˆ sur des promesses de Dieu.

 

 

Cette tentation ne peut se greffer que sur le tronc commun des religions de la Bible, en premier lieu, bien sžr, le peuple issu d'Abraham selon la chair, ensuite ceux qui se rŽclament des promesses faites ˆ Abraham, les chrŽtiens formant l'Isra‘l de Dieu.

 

Il est Žvident qu'un croyant n'est pas ou n'est plus chrŽtien ˆ partir du moment o il rejette absolument l'Incarnation du Christ.

 

Mais l'ƒglise du Christ s'est trouvŽe confrontŽe, au long des sicles, ˆ des formes attŽnuŽes de la tentation des Ioudaioi, qui toutes tendaient ˆ dŽvaluer l'Incarnation, tout en maintenant la relation ˆ Dieu (ou en croyant la maintenir). On peut citer, ˆ titre d'exemples :

 

- les chrŽtiens juda•sants, adversaires de Paul, qui ont voulu garder l'allŽgeance au Christ tout en gardant la Loi, tout en revenant ˆ des formes de vie ou de culte abolies par l'Incarnation ;

 

- ceux des destinataires de Hb qui Žtaient tentŽs de stagner dans le provisoire, de contester le remplacement par le Christ de toutes les institutions sacrificielles ;

 

- certaines erreurs christologiques des premiers sicles qui procŽdaient (consciemment ou non) d'un dŽsir de minimiser la portŽe de la venue historique du RŽvŽlateur, la portŽe du Žg™ eimi ("Je Suis") ;

 

- plusieurs formes du docŽtisme ou du monophysisme ; plusieurs thses de l'arianisme ;

 

- ˆ la limite (mais il faudrait ici apporter beaucoup de nuances) certaines thŽologies rŽductrices, qui dŽtendent le paradoxe de l'Žg™ de JŽsus, Fils de Dieu.

 

                  On peut souligner d'ailleurs, en passant, que toutes ces erreurs ou dŽviations de la christologie vŽrifient bien, ˆ leur manire, la loi thŽologique mise en relief par Jn 8, ˆ savoir que tout refus de JŽsus Messie, Christ, RŽvŽlateur eschatologique, altre profondŽment la relation ˆ Dieu.

                  "Nul ne va au Pre que par moi", dŽclare JŽsus. C'est dire qu'aucune imprŽcision thŽologique n'est innocente pour la foi en Dieu.

 

 

 

Conclusions

 

 

L'attitude des Ioudaioi, telle qu'elle est dŽcrite en Jn, ne peut avoir qu'une portŽe typique limitŽe.

Tout homme peut tre inclus dans le kosmos (monde) au sens johannique (3), mais un croyant en JŽsus Christ ne peut se reconna”tre que d'une certaine faon dans les Ioudaioi de Jn 8.

 

Ce point ressort d'ailleurs du schŽma des relations sous-jacentes ˆ Jn 8 : les  Ioudaioi, pour Jn, sont nettement ex-centrŽs par rapport ˆ l'axe principal sur lequel nous retrouvons certains thmes majeurs de la thŽologie johannique : filiation, imitation, libertŽ, permanence.

 

Tout se passe comme si Jn s'Žtait servi de l'attitude des Ioudaioi comme point de dŽpart historique et thŽmatique. Mais l'enseignement de Jn 8 dŽborde et dŽpasse sans cesse les rŽalitŽs typiquement johanniques pour rejoindre comme d'instinct les rŽalitŽs universelles du salut, celles que peut vivre tout homme qui s'ouvre ˆ la lumire indŽpendamment de son origine ethnique.

 

Au niveau de la thŽologie johannique, le refus de JŽsus, Fils de Dieu venu dans la chair, est avant tout le fait du kosmos (3) et secondairement le fait des Ioudaioi.

 

                 

 

Page d'accueil

 

Thmes thŽologiques

 

 

                   



[1] Le point de rencontre (historique et thŽologique) est le Christ, le moment-Christ , l'ŽvŽnement-Christ. En effet le Christ est – donnŽ par Dieu (sorti de lui, v.41), - "vu" et saluŽ par Abraham (v.56) dans la visŽe de sa foi, qui anticipe sur le dŽroulement de l'histoire.

[2] Cet axe de la foi (Abraham/Dieu) est en mme temps un axe spirituel-thŽologique et un axe historique. Cela met en jeu la conception johannique du temps et de l'histoire du salut.

[3] Cf. Paul, resituant Abraham par rapport ˆ Mo•se, et la promesse par rapport ˆ l'Alliance.

[4] Peut-tre peut-on rapprocher de ces versets la parabole des vignerons homicides (Mc 12,1-12; Mt 21,33-45; Lc 20,3-19). On y retrouve : le fils (Mc 12,6 et par.), l'hŽritier (Mc 12,7 et par.), "tuer" (Mc 12,7 et par.). Jn et Paul ont pu puiser ˆ cette tradition chacun de son c™tŽ.

[5] Remarquons toutefois qu'il s'agit uniquement de la rŽponse collective du peuple, au long de l'histoire du salut, et que la fidŽlitŽ au seul Dieu ne s'est vŽrifiŽe qu'au niveau collectif, laissant place ˆ bien des dŽfaillances individuelles.

[6] "ætre de" (einai ek) renvoie en mme temps ˆ l'origine, ˆ l'appartenance, ˆ la dŽpendance, ˆ la qualitŽ filiale.

[7]  Salomn dŽjˆ demandait ˆ Dieu un lēb ŝοmēa‛ (1 Rg 3,9).

[8] En termes johanniques : Dieu seul a un thŽlma (volontŽ) : 4,34; 5,30; 6,38-40; 7,17; 9,31; 1 Jn 2,17; 5,14; Apoc 4,11 ; le diabolos n'a que des Žpithumiai (dŽsirs), 8,44.

[9] JŽsus est ˆ la fois le vrai descendant (sperma) d'Abraham et le Fils de Dieu. Il est Celui qui "demeure pour toujours" ; en Lui se constitue l'oiko-nomia (Žconomie, direction de la maison) de Dieu Žternelle, durable, eschatologique, et cela parce qu'il est le vŽritable hŽritier et la vŽritable descendant d'Abraham (Gn 3,16; 4,21ss).

[10] Le mot "juger" est ˆ bien comprendre. Pour nous, les hommes, juger et faire misŽricorde sont antinomiques. Mais Dieu ˆ la fois juge et pardonne. C'est proprement irreprŽsentable aux humains.

[11] I. de la Potterie, "Oida et gin™skein, les deux modes de la connaissance dans le IVe Žvangile", dans Biblica, 40 (1959), p.709-725.

[12] JŽsus conna”t le Pre : eidenai (7,29; 8,55) ou gin™skein (10,15; 17,25) ; JŽsus conna”t tout de l'homme : eidenai (16,30; 18,4) ou gin™skein (2,24), "si vous me connaissez, vous conna”trez aussi mon Pre" : eidenai  (8,19ab) ou gin™skein (14,7), le kosmos ou le pŽcheur ne conna”t pas le Pre ou le Fils : eidenai (7,28; 8,19; 15,21) ou gin™skein (1,10; 16,3; 17,25; 1 Jn 3,1.6). Il y a trop d'exceptions pour que la thse puisse tre retenue. On peut tout juste dire que Jn "a tendance ˆ". Mais c'est une question d'accent plus qu'une distinction nette.

[13] Cf. Thomas d'Aquin, "ea scilicet notitia qua ipse novit seipsum et nullus alius nisi Filius".

 

[14] Tim, chez Jn,  seulement 4,44. Tim™ : ailleurs chez Jn. 5,23; 12,36

[15] Quand la question est posŽe avec m (ou mti), la rŽponse attendue est nŽgative (Bl.-D., ¤ 427).

[16] Le moment de la Passion (Ammonius, Chrysostome), l'Incarnaion et la Passion (Cyr.d'Alex.), l'!Incarnaton (Aug.).

[17] De mme dans Philon, o ce rire devient l'Žquivalent du "fils immanent" de Dieu. Sur le passage de Gn 17,16 :"Je te donnerai un enfant", Philon commente : "Or donc celui qui donne quoi que ce soit, au sens propre du mot donner,  donne quelque chose  qui lui appartient absolument en propre. S'il n'y a pas lˆ de mensonge, Isaac qui na”tra ne saurait tre un homme, mais le rire, synonyme du meilleur des sentiments agrŽables, la joie ; mais le rire, le fils immanent de Dieu qui le donne aux ‰mes les plus pacifiques comme adoucissement et rŽconfort " (De mutatione nominum, ¤ 131 ; trad. R.Arnaldez). Sur cette signification du "jour" de JŽsus, voir le commentaire de Lagrange.

[18] Midr.Rabb., XLIV,22 sur Gn 15,13; IV Esd.,3,14.

[19] Sauf en 6,1.42.53 o l'action se passe en GalilŽe.

[20] Chiffre au sens de signe conventionnel, servant ˆ correspondre secrtement.