Le doigt de Dieu
Lc 11,14-26
Devant les miracles de Jésus la
réaction de la foule, c'est-à-dire du tout venant, était
simplement d'admiration, mais certains réclamaient un supplément
de preuves, à chercher du côté de Satan ou du
côté de Dieu. Ou bien Jésus avait partie liée avec
Satan, ou bien il pouvait légitimement s'appuyer sur Dieu. Ou bien il
était d'accord avec Satan pour chasser des démons, ou bien Dieu
lui donnerait des pouvoirs spéciaux, et Jésus pourrait montrer
des signes extraordinaires venant "du ciel", c'est-à-dire de
Dieu.
² Jésus
n'a pas de mal à démontrer l'illogisme de ses adversaires. Satan
ne peut être contre Satan ; il ne peut à la fois revendiquer son
pouvoir et se laisser chasser. Mais si Jésus expulse les démons
par la force de Dieu même, il faut en tirer la vraie conclusion : la
victoire de Dieu a commencé, le Règne de Dieu est arrivé
pour tous. Vous aurez remarqué comment Jésus se présente :
il est le plus fort, et il triomphe. Dès lors Satan perd ses points
d'appui, tout ce en quoi il mettait sa "sécurité", tout
son équipement de combat. Tout cela, Jésus le prend et le
distribue. Bien loin de devoir à Satan sa puissance, il fait sentir son
pouvoir à un Satan démuni et dépouillé. Pas de
partage d'influences, pas d'égards pour le Père du mensonge, pas
de compromis avec la puissance du mal. Jésus est le plus fort, et tout
est dit.
² Et
Jésus d'ajouter ces paroles mystérieuses :
"Celui
qui n'est pas avec moi est contre moi ;
celui
qui ne rassemble pas avec moi disperse".
Nous sentons bien qu'ici Jésus
dépasse le simple cadre du Satan qui est contre lui et disperse. C'est
à nous d'être avec Jésus et de rassembler avec lui. Et
là, la parole de Jésus nous atteint et nous appelle. Il y a pour
nous tant d'occasions de quitter la main de Jésus, ou son amitié,
ou ses réflexes, ou son destin de Serviteur. Nous côtoyons tant de
manières de rester à notre compte, de chercher notre bonheur sans
le Christ ou contre lui. Il est si facile de tourner le dos à la grande
œuvre de rassemblement que Jésus nous confie, de quitter la voie de
l'unité et de la rechercher obstinément, quoi qu'il nous en
coûte et quoi qu'il nous faille lâcher !
Ne pas être avec le Christ dans
tous les moments de son mystère de mort et de vie, de mort pour la vie,
c'est déjà être contre lui et chercher à bâtir
sans son aide. Et de loin, c'est déjà pactiser avec les forces du
mal. Ne pas rassembler avec le Christ ou même, par égoïsme,
travailler à la division, c'est bâtir, face à son Corps, un
royaume éphémère, dont "les maisons s'écrouleront
l'une sur l'autre". C'est avoir, de plus ou moins loin, partie liée
avec le "pouvoir des ténèbres", avec celui qui "se
met en travers" du Royaume, avec le Satan toujours en train de rôder.
Par cette parole mystérieuse,
Jésus veut nous mettre en garde. Plusieurs niveaux se présentent
dans l'appartenance au Royaume de Satan. Tantôt il s'agit d'une
véritable possession, et Jésus mobilise pour chasser l'intrus
toute la puissance du Doigt de Dieu ; tantôt il s'agit de simples
compromissions. Certains refus, certaines lenteurs, certains replis nous font
insensiblement passer au règne de l'Ennemi, et Jésus en triomphe
à l'intime de nous-mêmes par un excès de bonté et de
pardon, par son amour qui est toujours "plus fort".
Mais ce qui l'intéresse avant
tout, c'est de nous avoir "avec lui", pour construire et rassembler,
de nous faire servir à son Royaume en attendant de nous servir dans son
Royaume, quand nous aurons mûri dans son amitié.