Fournissez-moi les outres!

Mt 09,17-18

 

 

 

 

"À vin nouveau, outres neuves !"

 

²         Voilà bien des paroles porteuses d'espérance, mais en même temps dangereuses, si on se retranche derrière elles pour légitimer des injustices ou des raideurs de jugement ou d'attitude. On risque, en effet, toujours de se les approprier au lieu de se laisser mesurer par elles. On s'en sert la plupart du temps pour tracer une frontière, voire élever une barrière, entre les hommes, même entre les chrétiens : d'un côté, le renouveau et les hommes de la nouveauté, de l'autre, le passé et les hommes du passé. Les mutations rapides qui secouent le monde contemporain se répercutent dans notre vie personnelle et sont pour nous source de désarroi ; et il est sûr que le passé peut être une tentation : pour échapper à l'angoisse, nous nous accrochons à ce que nous avons fait, à ce nous avons été, aux méthodes d'action ou de témoignage que nous avons déjà expérimentées.

 

²  Mais, naturellement, nous sommes du côté de la nouveauté : pour n'être pas pris de court par les événements, nous nous identifions avec les héros qui créent l'avenir. C'est alors que nous nous prenons pour les seuls lucides, les seuls sincères ou les seuls efficaces ; c'est alors aussi que la volonté de puissance, c'est-à-dire la volonté de passer en force, vient fausser nos réflexes évangéliques. Nous nous identifions avec l'étoffe solide et toute neuve, cousue à l'endroit le plus usé ; nous revendiquons le droit de tirer tant et plus sur le vieil habit de l'Église, au risque de le déchirer, le jeune tirant sur le vieux, l'invention sur la tradition. Nous nous identifions avec le vin nouveau, avec les forces vives de l'Église, et nous réclamons des outres dignes de nous, toutes neuves et sur mesures, à l'épreuve de toutes les pressions intérieures, un cadre de vie capable d'accueillir à la fois toutes les fermentations spirituelles. Je suis le vin nouveau : fournissez-moi les outres !

 

²  Erreur, car la nouveauté, c'est celle de Dieu, celle qui vient de la part de Dieu :"Voici que je fais toutes choses nouvelles". La nouveauté a pour nom le Christ, l'Homme nouveau. Le vin nouveau est son message, destiné à fortifier et réjouir toute l'humanité.

 

²  Tous sont invités à la conversion, en vue de l'accueil de cette nouveauté de Dieu, en vue d'une adaptation à son alliance nouvelle. Comme dit saint Irénée :"L'Esprit nous est donné pour apprendre à recevoir et à porter Dieu". Pour chacun de nous, il s'agit d'accueillir une nouveauté totale, qui prenne tout l'être : l'intelligence, l'affectivité, le corps lui-même. Il ne suffit plus de rafistoler le vieux vêtement de nos habitudes, ni non plus de coudre n'importe quoi en gardant l'essentiel de la guenille. Il ne peut être question de nous contenter d'un compromis, ni de prendre juste assez de neuf pour boucher un trou ou réparer l'usure. Ce qu'il nous faut, c'est un vrai vêtement neuf, un vêtement "d'usage". Et il faut toujours voir un peu grand, car on raccourcit toujours au grand lavage de la vie, et l'horizon de notre espérance s'amenuise.

 

²  La frontière entre le vieux et le neuf passe non seulement entre les pays, les mouvements et les fractions d'une communauté, mais dans le cœur de chacun. Il nous faut, avec saint Paul, plus profondément que la Loi, la stabilité ou la stabilité, retrouver la promesse, le mouvement et l'espérance.

 

                                                                        *

 

²  Ne pensons pas, ne cherchons pas à échapper à la nouveauté de Dieu : elle est notre chance et la chance du monde. Il est bon pour nous que Dieu soit toujours autre, que le Dieu tout proche soit toujours ailleurs, un ailleurs vers lequel nous restons toujours en marche. Il est bon pour nous que Dieu reste libre, dans l'histoire du monde et dans notre histoire, pour rester garant de notre liberté.

 

Il est celui qui vient. Nous le guettons ici, il viendra par-là.

Et c'est par là qu'est le salut.

 

 

 

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