Mt 19,1-12
Voilà, en quelques
versets, tout l'enseignement de Jésus à la fois sur le mariage et la
continence. Un enseignement qui résonne, dans notre culture occidentale, comme
un message d'une audace incroyable.
² Jésus connaissait, en son temps, toutes les
difficultés que traversent bien des couples, et on lui objecte l'usage,
introduit par Moïse, de la lettre de divorce. Mais Jésus ose enjamber la loi de
Moïse et faire appel au dessein de Dieu. La vraie norme, pour lui, et la
première loi, c'est ce que Dieu a voulu au commencement.
Et c'est là, pour nous tous, un premier appel de
Jésus, une exigence libérante : quoi qu'il en soit
des lois de notre pays, de la pression sociale, de l'impact des médias ou des
statistiques, notre référence de chrétiens, c'est le commencement tel que Dieu
l'a pensé, le couple humain tel qu'il l'a créé.
² "Au commencement, le Créateur les fit homme et
femme".
Il
a posé cette différence irréductible, et en rappelant cela, l'Écriture balaye
les vieux mythes d'une humanité androgyne, mi-homme, mi-femme. De plus, et
immédiatement, Dieu a rapporté l'homme et la femme l'un à l'autre. Il n'y a
couple que dans la différence. "L'homme s'attachera à sa femme".
² Mais dans la pensée de Dieu, l'union des corps scelle
une unité irréversible : "À cause de cela, ils ne seront plus deux, mais
un seul". Les époux se choisissent, ils se donnent, et par là ils
ratifient le plan de Dieu. Ils sont désormais "ce que Dieu a uni". Renforcer
cette union, c'est entrer à plein dans l'œuvre de Dieu, dans son plan d'amour
et son plan sur l'amour. Défaire cette union, c'est relâcher un lien que lui,
Dieu, ne défait pas.
² Celui qui rappelle ainsi la grandeur du couple
chrétien sorti des mains de Dieu, et qui l'affirme déjà à contre courant des
idées de son temps, c'est Jésus qui s'est montré si proche des blessures du
cœur humain, Jésus qui a dit avec douceur à la femme adultère :"Va, et ne
pèche plus", Jésus qui a confié une mission à la Samaritaine alors qu'elle
en était à son sixième mari. Et il nous montre l'attitude à garder dans un
monde où l'amour a perdu ses repères. Nous devons à la fois comprendre le
désarroi de tant de couples fragilisés, distendus, éclatés, et garder, comme
phare pour notre route, la parole courageuse du Fils de Dieu. Nous pouvons
compatir à la souffrance de tant d'époux qui vivent leur amour comme un échec,
et travailler, dans l'espérance, à consolider l'œuvre de Dieu, avec la lumière
que Dieu donne.
² Les douze disciples de Jésus ont réagi en fonction des
habitudes de leur société, et sous l'angle masculin :"Si telle est la situation
de l'homme par rapport à la femme, il n'y a pas intérêt à se marier !". Se
lier à vie, cela leur semble un pari trop hasardeux. La réponse de Jésus va
déplacer l'angle d'approche et souligner l'importance de l'engagement dans la
vie d'un croyant. Ne pas se marier par crainte de l'engagement, ce serait une
fausse raison, et une résolution finalement assez peu noble et assez peu généreuse
; mais, dit Jésus, il est des gens qui choisissent de ne pas se marier, pour
s'engager à plein temps au service du Règne de Dieu.
C'est vraiment un choix. Ils ne sont pas contraints au
célibat par une incapacité congénitale, par défaillance du corps ou du
psychisme, ni à cause d'un traumatisme survenu dans leur histoire affective. Le
célibat à cause du Règne de Dieu, c'est toujours la réponse à un appel, à un
attrait qui se "révèle", et c'est une autre manière, authentiquement
humaine, d'entrer dans l'œuvre de Dieu comme femme ou comme homme. La polarité
de l'homme et de la femme reste bien présente dans le service du Royaume, et
c'est ce que rappelait un document récent de l'Église (V.C.§
57):
"Il est légitime que la femme
consacrée aspire à voir reconnaître plus clairement son identité, sa
compétence, sa mission et sa responsabilité, aussi bien dans la conscience
ecclésiale que dans la vie quotidienne".
Qu'est-ce que les femmes et les
hommes proposent au monde s'ils ne sont pas mariés ?
Deux
manières différentes de vivre à l'image de Dieu,
deux
manières d'apporter cette nouvelle inouïe, même et surtout aux plus délaissés :
nous
sommes tous aimés de Dieu : il nous veut dans sa vie.