La tempête apaisée
Mt 8,23-27
C'est dans la tempête qu'on reconnaît les marins;
c'est dans l'épreuve que se fortifie la foi des baptisés.
Où que se lève l'ouragan, dans
l'Eglise, dans notre famille ou notre communauté ou dans notre propre vie, une
même question nous est posée par le Christ :"Crois-tu que je suis capable
de commander aux vents et à la mer?"
² Des
tempêtes, certes l'Eglise en essuie de rudes, depuis quelques années : depuis
quelques siècles, depuis toujours, et pourtant elle nous défend de céder à la
peur.
L'Église de Jésus n'a pas le temps d'avoir peur, car
la charité du Christ la presse, et le seul danger pour elle serait de n'être
plus le sel de la terre, la lumière du monde, la ville de la montagne qui reçoit
la première la lumière du soleil levant et vers qui tous les voyageurs
"hâtent leur marche".
L'Église ne connaît pas la peur, parce que la peur ne
construit rien, et qu'à force de dénoncer les périls on en viendrait à ne plus
rien oser pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Or l'Église, qui doit construire ici-bas, avec des
millions de pierres vivantes, le seul temple spirituel digne de Dieu, ne se
laissera jamais dépouiller de son assurance et de sa hardiesse ( la
παρρησία de St Paul),
parce que la puissance du Père est à l'œuvre en elle
:"Non, il ne dort ni ne sommeille, le Gardien d'Israël",
parce que le Fils de Dieu son Epoux lui a promis qu'Il
serait avec elle tous les jours jusqu'à la fin des temps et que jamais les
forces du mal ne la feraient chavirer dans sa foi et son espérance,
parce que l'Esprit Saint l'habite, qui renouvelle
chaque jour sa jeunesse : et la mène avec force et douceur, jusqu'à la vérité
tout entière, selon la promesse de Jésus.
² Des tempêtes s'élèvent
aussi parfois dans cette Eglise en petit qu'est notre foyer, notre paroisse ou
notre communauté.
Tempêtes silencieuses, contrecoup des conflits d'idées
qui agitent le monde,
malaise collectif, lorsqu'on sent trembler le sol de
la saine tradition,
désaccords sur les options à prendre, ou rupture du
contrat fraternel ;
réactions passionnelles des personnes et des groupes
qui sentent leur sécurité menacée, leurs habitudes contestées, leurs certitudes
mises en question.
Comment nous étonner de cela, alors qu'un monde neuf
naît tous les jours sous nos yeux, alors que la tension entre le passé et
l'avenir travaille douloureusement l'Église de Jésus, la forçant à créer pour
rester fidèle au Créateur?
Notre premier réflexe nous fait crier :"Seigneur,
au secours, nous périssons!", comme si nous risquions quelque chose quand
le Christ est là, comme si sa vérité n'était pas assez éclatante pour tout
illuminer !
Mais Jésus ne veut pas de peur dans sa barque : il
nous demande au contraire de continuer à manœuvrer bien ensemble, et
d'affronter les vagues bien en face, l'une après l'autre ; car l'amour parfait
bannit la peur, et le monde que l'Esprit Saint est en train de renouveler
exige, des apôtres et de tous les témoins de l'Évangile, qu'ils soient forts
dans la foi, adultes dans l'espérance, et que, pour cela, ils se réconcilient
avec l'insécurité.
² Tempêtes, enfin, dans
notre vie personnelle, au cours de cette longue traversée qui mène du péché à
Dieu, et où nous revivons le mystère pascal de Jésus.
Tempêtes habituelles, auxquelles nous sommes aguerris;
tempêtes inattendues, qui dévoilent brutalement nos
limites et notre fragilité, qui viennent détruire sans ménagements nos
illusions spirituelles et l'image complaisante que nous nous faisons de notre
fidélité.
Nous les connaissons, ces orages, ces coups de chien
de la vie quotidienne, qui nous jettent, désemparés, au fond de la barque,
ayant perdu tout espoir humain de rejoindre le port.
C'est alors que monte de notre cœur une vraie prière
de pauvre:" Des profondeurs de ma misère je crie vers toi, Seigneur ...
Mon sacrifice à moi, c'est un esprit brisé : d'un cœur broyé, Seigneur, tu n'as
pas de mépris!"
Et la voix du Christ nous parvient, là, dans notre
détresse : "Pourquoi as-tu peur, homme de peu de foi ?
Je te laisse ma paix, je te donne ma
paix".
Mais n'allons pas confondre cette paix de Jésus avec
notre tranquillité car Jésus ne donne pas sa paix comme le monde la donne. La
paix selon le monde est souvent une paix de compromis, une paix toute faite,
une paix paresseuse. Celle de Jésus est une paix exigeante, une paix à faire et
à bâtir, en nous autour de nous. Elle est un engagement dans l'histoire du
salut, avec la force de Dieu.
Si nous disons oui à cette paix active,
si nous devenons, là où nous sommes, des artisans de
paix, alors, avec le Christ nous commanderons aux vents et à la mer,
et il se fera un grand calme.