"Ne les empêchez pas !"
Mt 19,13-15
² Une même certitude toute simple animait ces femmes qui
amenaient à Jésus leurs enfants. Chacune se disait :"Il va aimer mon petit
!" Pour chacune, présenter à Jésus son enfant, c'était lui apporter déjà
le meilleur d'elle-même ; c'était aussi attirer sur l'enfant la bonté qu'elle
pressentait chez le Nazaréen.
Rien ne laisse supposer que les petits étaient malades ; et ces femmes
ne venaient pas pour une guérison. Que demandaient-elles à Jésus ? – un geste
et une prière.
Le geste - l'imposition des mains - pouvait revêtir,
selon les cas, plusieurs significations. Ou bien il symbolisait la transmission
d'un pouvoir ou d'une responsabilité. C'est ainsi que Paul avait imposé les
mains à Timothée en lui confiant la communauté d'Éphèse ( 1 Ti 1,3; 2 Ti 1,6).
Ou bien l'imposition des mains intervenait au cours
d'une guérison.
Mais ici, pour Jésus, poser les mains sur les enfants,
c'était les prendre sous sa protection, les reconnaître pour siens, leur donner
un signe d'affection, et les inclure dans sa royauté messianique avant même
tout acte de foi conscient.
Les mères attendaient aussi que Jésus prie pour les
enfants, et appelle sur eux la bénédiction de Dieu. Et cette demande supposait
chez ces femmes un début de foi en Jésus, parce que elles reconnaissaient par
là le prophète Jésus comme un intercesseur auprès de Dieu.
² Les Apôtres, eux, sont à cent
lieues de cette valorisation des enfants. À leurs yeux ils font perdre à Jésus
un temps précieux, car Jésus n'a rien à recevoir d'eux, et eux, rien à recevoir
de lui. Il n'a rien à leur transmettre, parce qu'ils sont incapables du moindre
acte de foi.
"Laissez les petits enfants venir à moi, et ne les empêchez
pas", dit Jésus fermement,"car c'est à leurs pareils qu'appartient le
Règne des cieux".
Les petits enfants sont donc nos modèles, non pas en
tout, mais très précisément pour l'accueil du Règne de Dieu, de sa seigneurie
sur le cœur des hommes, car ils trouvent spontanément la bonne attitude. Ce que
Jésus admire chez l'enfant, ce n'est pas son ignorance et son incapacité de
tout raisonnement, car, à plusieurs reprises, il réclame des disciples avisés,
capables de creuser les paraboles, de se mettre à son école et de le suivre en
portant leur croix ; mais par plusieurs traits l'enfant conteste nos lenteurs
d'adultes, nos hésitations à croire et à nous engager.
² L'enfant se laisse amener à
Jésus par d'autres, que le Maître a déjà attirés et fascinés.
L'enfant ne s'appuie pas sur
sa propre générosité ; il ne fait pas valoir son initiative et ne table pas sur
des mérites antérieurs.
La démarche de l'enfant est
toute de simplicité et de fraîcheur. Il se laisse accueillir tel qu'il est,
sans s'interroger sur sa dignité et sa valeur.
Et surtout, l'enfant trouve
tout naturel d'être aimé et de faire confiance.
C'est pourquoi, ce jour-là,
Jésus ne s'est pas pressé. Il a pris le temps de bénir ces petits qu'il
n'allait plus revoir, puisque, aussitôt après, il a repris la route.
Et la rencontre fortuite de
ces enfants a été l'occasion d'une catéchèse, essentielle à ses yeux, sur
l'œuvre mystérieuse de Dieu au fond des cœurs.