Toussaint de l'Ordre
Mt,19,27-29
Pour une fondation ou un
transfert
Si nous avions à refaire le
calendrier de notre Ordre, probablement nous n'ajouterions pas une deuxième
Toussaint à celle de l'Église universelle, tellement nous avons la certitude qu'une
Térèse d'Avila, une Thérèse de Lisieux et un saint Jean de la Croix se sont
sanctifiés pour l'unique Corps du Christ, au service d'une rédemption unique.
Il est possible cependant de donner
sens à ce souvenir liturgique des saints du Carmel, spécialement au moment où
nous allons offrir à Dieu un nouveau temple.
Nous pouvons, en effet, appeler sur notre fondation la
prière de ces frères et de ces sœurs qui avant nous ont tout quitté pour le
Royaume, pour la perle sans prix, pour l'unique nécessaire, la prière de tous
ces pauvres, ces doux, ces pacifiques, ces miséricordieux, ces purs, ces
assoiffés de Dieu, qui ont su rester fidèles en peu de chose et sacrifier sans
cesse leur projet humain d'existence, pour entrer par leur obéissance, leur
chasteté, l'austérité souriante de leur vie, dans la vraie liberté des fils de
Dieu, agis par l'Esprit de Jésus.
Le moment est venu pour nous tous de
préparer des pierres vivantes pour la construction qui doit grandir ici dans le
Seigneur.
Car le temple matériel, que tous ensemble nous avons
bâti, dans l'enthousiasme et la peine, avec la joie de créer, avec aussi
quelques déceptions purifiantes, quand la vraie beauté n'arrivait pas à sortir
de nos seules mains, ce temple matériel n'est que le signe du temple spirituel,
"non fait de main d'homme", qui devra continuer de s'élever ici à la
gloire du Père, bâti sur le Roc qu'est le Christ, et cimenté par l'amour que
l'Esprit Saint versera dans nos cœurs.
Une pierre vivante, c'est une pierre qui travaille
pour la vie, et qui est tout entière au service de l'édifice, c'est une pierre
qui trouve son sens dans la construction commune et qui ne se conçoit
qu'engagée dans l'œuvre de toutes. Quand il s'agit d'une sœur dans la
communauté, ce qu'elle apporte avant tout à l'édification de la maison
spirituelle, c'est sa propre fidélité, qui construit même quand elle demeure
cachée ; mais les sœurs attendent d'elle qu'elle donne toute sa part de
dévouement et d'abnégation dans ce qu'elles ensemble bâtissent pour le
Seigneur. Au-delà de la fidélité personnelle, si elle se veut cohérente avec la
profession qu'elle a émise et qui la lie avec la communauté, à la vie et à la
mort, elle se veut partie prenante de ce qui se vit et se cherche pour un
meilleur service du Maître.
Le temple spirituel se cimente dans la charité active,
et c'est souvent là que le Seigneur, attend notre réponse. La véritable
solitude est celle d'une sœur qui a tout donné, même son temps et sa
tranquillité ; le vrai silence, aimable et constructif, est celui d'une sœur
qui s'oublie elle-même.
La sainteté, au Carmel, souvent n'apparaît pas aux
yeux des autres, et seul le regard de Dieu, qui voit dans le secret, peut
l'apprécier et la mesurer ; mais Dieu ne se divise pas ; ce qu'il attend de
toutes, il en fait pour chacune un devoir. Il n'y a ni saint ni sainte qui ne
se veuillent pierres vivantes.