"C'est Rachel qui pleure ses enfants"

Mt 2,13-18

 

 

 

 

 

²  Une mère fuit dans la nuit, son enfant bien vivant dans les bras ; puis vingt mères pleurent, inconsolables, leur enfant mort dans les bras : déjà la violence du monde s'acharne sur le Christ et ses compagnons, et dans son tombeau de Bethléhem Rachel se remet à pleurer

Rachel morte en couches à la naissance de Benjamin,

Rachel, l'aïeule douloureuse de tout l'Israël du Nord, fait entendre de nouveau sa longue plainte, comme au jour où les déportés allaient quitter Rama pour l'Exil.

            L'histoire de Jésus commence dans la violence pour finir dans la violence, sans doute parce qu'il venait expier la violence de tous les siècles.

            À cette violence d'Hérode, pour l'instant Jésus n'oppose rien, que son insouciance de bébé authentique. Il est au cœur des événements, c'est à cause de lui que tout arrive, mais il dort dans les bras de Marie, comme, plus tard, il dormira dans la barque. Son heure n'est pas venue, et pour l'heure c'est le Père qui agit, par son Ange et par Joseph.

 

            Merveilleux Joseph !

Il ne demande jamais d'explications et Dieu lui en donne toujours, juste assez, comme à un bon serviteur qu'il faut mettre dans la confidence. Il est une chose en tout cas qu'il a bien comprise, c'est que le bébé est le Messie d'Israël et qu'il y va de sa vie ou de sa mort.

            Les enfants de Bethléhem, eux aussi, vivent sans rien dire et sans rien voir, un mystère qui les dépasse. On les tue pour être sûr d'éliminer le Messie, comme on tuera plus tard les témoins de Jésus pour éliminer son message. En un sens ces petits de Bethléhem sont morts pour rien; leur mort n'a même pas servi à couvrir la fuite de Jésus, car Jésus était déjà sauvé, grâce à l'obéissance de Joseph. Et ils ne sont pas morts à la place de Jésus, car Jésus aura lui aussi son martyre. Mais ils ont anticipé dans leur chair la passion du Christ, comme tant d'autres témoins les reproduisent, dans l'Eglise de tous les temps.

            À leur manière ils ont été des précurseurs de Jésus, et le Cantique de Zacharie pourrait s'appliquer à eux aussi:

                        "Et vous, petits enfants,

                        vous serez appelés prophètes du Très-Haut,

                        car vous marcherez par-devant sous le regard du Seigneur,

                        pour préparer ses routes."

 

²  Ainsi des enfants, sans conscience ni parole, ont mimé d'avance le drame du salut, et sont, les premiers, entrés dans le mystère du Christ. Associés à sa passion avec les innocents de tous les siècles, ils témoignent avec eux de l'amour infiniment libre de notre Dieu.

            La mort violente, en effet, n'est cruauté que chez les hommes qui l'infligent, car pour l'innocent, pour le juste, pour tous ceux qui peuvent regarder au-delà de la haine, la mort en Dieu est toujours parole d'amour et embrassement paternel.

            Quand Dieu voit se fermer des yeux d'enfants, il se hâte de les ouvrir tout grands à sa propre lumière. Quand Dieu voit tomber des êtres sans défense, il les accueille l'un après l'autre, chacun comme l'unique, pour leur donner auprès de lui le bonheur que le monde leur a refusé.

            C'est lui qui laisse mourir mais c'est lui qui fait vivre, et si la mort des innocents a du prix à ses yeux, c'est qu'il leur réserve des merveilles de vie connues de lui seul et que son amour révélera.

            Dieu est Père, tendrement Père, pour ses enfants mal-aimés, abîmés, supprimés.

Pour entrer dans son dessein d'amour, et comme nous le rappellent les saints innocents, les bébés-témoins, point n'est besoin de savoir parler ni de pouvoir créer ou réussir, il suffit de rester en état d'offrande, d'être là tout entiers dans notre oui.

 

            Quelle lumière sur nos limites, nos échecs, et sur le versant d'impuissance de notre vie !

            Quel merci nous devons au Messie crucifié, le Seigneur de la gloire, qui vient prendre chaque jour dans son Eucharistie notre offrande de pauvre.

 

 

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