Instruction sur les serments
Mt053337
Dans ces quelques phrases un peu déconcertantes, le Christ, Parole de
Dieu, nous parle de notre parole humaine
; et il nous donne à ce sujet deux consignes qui se complètent :
- d'une part il ne faut pas donner à notre parole une
portée qu'elle ne peut avoir, c'est pourquoi il ne faut pas abuser des serments
- mais, à l'inverse, nous devons
donner à notre parole toute sa vraie valeur, et pour cela, faire d'elle un oui
ou un non authentiques.
² Au temps de Jésus, on
prononçait beaucoup de serments, et de préférence sur Dieu ou sur les choses
les plus saintes: le Temple, l'autel … C'était d'ailleurs une habitude de tout
le monde ancien, même dans les religions païennes, et sans doute un reste de la
mentalité magique, qui s'imagine que l'homme, par la force de sa parole, peut
mettre le grappin sur la divinité, sur ses bonnes grâces ou ses bénédictions.
Souvent c'était une manière de donner force juridique à une déclaration ou à un
témoignage. Au point que le serment pouvait équivaloir à une preuve: on se
mettait à l'abri en annexant Dieu à sa cause!
² Aujourd'hui le serment est
réservé pour quelques actes publics et solennels, et pourtant l'habitude des serments à tout propos a des
équivalents dans notre vie concrète:
- toutes nos tentatives pour mettre Dieu à notre service, pour faire de
notre foi ou de notre espérance un point d'appui dans la prière de demande,
- la tentation que peut éprouver le ou la consacrée de faire de sa
situation religieuse un tremplin dans les relations sociales ou un piédestal …
- l'habileté que nous montrons à voiler par de grandes protestations ou
des affirmations un peu creuses la pauvreté de notre témoignage ou de notre vie
spirituelle,
- tous les chantages, grands ou petits, sur des choses saintes, sur les
paroles des saints ou les écrits des saintes pour forcer les autres à entrer
dans nos vues,
- toutes les fois que nous disons, par intérêt personnel ou volonté de
puissance: "Ceci n'est pas évangélique", "Ceci n'est pas
missionnaire", "Cela n'est pas conforme à l'unité","Cela
est la véritable ouverture au monde".
Jésus
coupe court à toutes ces manœuvres. Il ne dit pas :" Quand vous jurez,
tenez vos serments", mais il radicalise l'obligation: "Ne faites pas
de serments du tout, parce que vous ne disposez
ni de Dieu,
ni des choses de Dieu,
ni de vous-mêmes, qui
êtes chose sainte de Dieu.
Le
mot d'ordre du Seigneur est clair: nous ne pourrons jamais annexer à notre
profit ni Dieu, ni ce que Dieu offre à son peuple; nous ne devons pas tenter de
nous justifier par des paroles plus ou moins solennelles, quand ces paroles servent
de paravent et ne sont pas authentifiées par la vie
² Mais il est une valeur que la
parole doit garder: elle doit demeurer un chemin sacré entre les personnes.
Le modèle, là encore, c'est Dieu, le Véritable, le
Véridique
c'est le Christ expression parfaite et
totale du Père, Verbe du Père dans l'éternité, Verbe du Père venu dans notre
chair, et dont les paroles sont Esprit et vie, le Christ révélation parfaite du
plan d'amour de Dieu, lui que nous appelons Sagesse du Père, le Christ qui est
oui de Dieu, et qui était oui de Dieu même quand il devait dire non aux hommes.
Admirons, contemplons cette vérité intégrale, cette
transparence totale des paroles de Jésus. Il a dépassé toutes les roueries de
la vie sociale, les fausses manœuvres et les faux-semblants. Il refuse toutes
les stratégies du langage, parce qu'il respecte trop l'homme ou la femme à qui
il s'adresse, parce qu'il aime trop chaque être humain pour lui apporter autre
chose que lui-même. Il ne parle pas toujours, mais quand il parle, il dit vrai,
et sa parole coïncide avec son être profond.
Cette authenticité, Jésus aujourd'hui en fait pour
nous une consigne, non pas pour que nous libérions plus facilement notre
agressivité, ou pour que nous nous donnions le droit de tout dire n'importe
quand, mais pour que notre parole demeure un chemin de nous vers l'autre, un
chemin que l'autre pourra prendre en confiance s'il vient à nous.
Ainsi le frère nous rencontrera en vérité dans notre
parole, comme nous rencontrons en vérité le Christ dans la sienne, et comme
nous rencontrons le Père dans son Verbe proféré parmi nous.