"Nul ne connaît le
Père"
Mt 11,25-30
² "Nul ne connaît le Père,
si ce n'est le Fils."
Cette
confidence de Jésus se trouve au cœur de la prière que nous rapporte
l'Évangile, action de grâces enthousiaste, cri de bonheur du Fils de Dieu fait
homme, qui rejoint un autre cri du cœur, celui que Jésus opposera à
l'incrédulité de ses ennemis, lorsqu'il dira solennellement, à propos de son
Père :"Moi, je le connais !"
"Moi,
je le connais !"
Moi,
j'ai de lui une expérience vitale et directe. Nous touchons là le point le plus
vibrant, le plus inaccessible, du cœur humain et de la liberté humaine du Fils
de Dieu. Pour Jésus, vivre, c'est être Fils ; aimer, c'est être Fils ; obéir,
c'est être Fils ; mourir par amour pour les hommes, c'est vivre sa liberté de
Fils.
² Et puisque le Père nous a d'avance destinés à
reproduire l'image de son Fils,
toute
joie qui habite notre cœur est destinée à rejoindre sa joie de Fils ;
tout
notre désir de voir Dieu nous fait rejoindre Jésus dans son retour au Père ;
tous
les balbutiements et toutes les impuissances de notre foi viennent se noyer
dans le témoignage de Jésus, qui redit, devant nous et en nous :"Nul ne
connaît le Père, sinon le Fils".
Nous n'avons pas,
ici-bas, d'autre connaissance du Père que cette participation, pauvre et heureuse,
au bonheur du Fils, qui dit :"Moi, je le connais !", et c'est l'Esprit
qui nous la donne en partage.
Nous n'avons pas d'autre
rassasiement que la volonté du Père, celle dont Jésus, tous les jours, faisait
sa nourriture ; et c'est l'Esprit qui nous la découvre, dans la parole de
Jésus.
Nous n'avons pas voulu
garder d'autre richesse ni d'autre assurance que le regard posé sur nous du
Père qui nous aime, ce regard que Jésus ne quittait pas du regard, et que
l'Esprit nous fait pressentir ou retrouver.
Nous n'avons plus
d'autre soulagement, lorsque nous plions sous le poids du fardeau, que de venir
nous mettre sous le joug de Jésus, qui détend aussitôt toutes les fatigues du
cœur, parce que, aussitôt, le Maître nous prend à son école.
²
"Venez
à moi, redit Jésus, et moi je vous donnerai le repos !"
Venez à moi, vous qui pliez sous le poids de
l'épreuve, vous qui pleurez un être cher, car je viens habiter votre solitude.
Venez à moi, vous qui
êtes las de vous donner et de vous oublier, car avec moi, cette mort sera féconde.
Venez à moi, vous que la
haine a chassés de votre pays, de votre maison et des horizons de votre
enfance, car avec moi vous serez dans le pays de Dieu.
Venez à moi, vous qui
pleurez de ne pouvoir pardonner, car je suis doux et humble de cœur.
² Ce que nous apportons
aujourd'hui, et chaque jour, à l'Eucharistie du Seigneur, "pour la gloire
de Dieu et le salut du monde", c'est le désir d'entrer dans cette humilité
et cette douceur du Christ,
c'est cette existence filiale, avec ses joies et ses
secrets,
c'est
cette réponse au Père, authentifiée par notre vie fraternelle.
Si ce
désir filial nous habite et nous fait cheminer, peu importe que nos mains
soient vides, peu importe que nos moissons demeurent invisibles, peu importe
que l'exode se prolonge et nous pèse,
car
Jésus, déjà, nous donne le repos,
et Dieu, pour sa gloire, prépare la rencontre où nous serons vraiment fils dans
le Fils, filles dans le Fils, parce que nous le verrons tel qu'il est; et que
nous le connaîtrons
comme
nous sommes connus.