Le Baptême de Jean, d'où venait-il ?
Mt 21,23-28
Nous avons l'habitude de reconnaître
en Jésus le
Fils de Dieu, et nous avons peine
à imaginer à quel point
cet acte de
foi était difficile
aux hommes qui le côtoyaient tous les jours
ou qui l'avaient
vu grandir parmi eux à Nazareth.
Et il n'est
pas étonnant que revienne si
souvent dans les controverses de Jésus avec
les Juifs le problème de son
autorité : "En vertu de quelle autorité enseignes-tu dans le Temple ? Qui
t'a donné cette
autorité ?"
Personne ne contestait
l'autorité morale de Jésus, ni la
force d'âme
qui émanait de sa personne. Mais ce
qui faisait problème à beaucoup, c'était l'autorité de sa
parole. Il
n'enseignait pas à la manière des scribes,
à coups de citations de mémoire : "Rabbi Untel a
dit ceci, Rabbi
Untel a déclaré cela". Mais il revendiquait
un droit à être entendu, une
sorte de pouvoir
sur l'intelligence
des hommes,
et il réclamait
leur assentiment comme Dieu seul
jusque-là l'avait demandé.
Jésus ne voulait
pas pour lui-même
d'un pouvoir politique, et
le récit des
tentations montre avec quelle netteté il repoussait toute domination sur les royaumes de
ce monde.
Mais sur sa
liberté de parole il était
intransigeant, car cela touchait
directement sa mission et sa
certitude d'être envoyé par Dieu.
De même,
en tant que Fils de l'Homme venu d'auprès
de Dieu il ne laissait pas
contester son pouvoir de remettre
des péchés. Cela paraissait inouï à ses
auditeurs, au point que
beaucoup de Juifs refusaient de voir en
lui un véritable
envoyé de Dieu.
Au cours du ministère
de Jésus,
c'est le centurion
étranger de Capharnaüm qui pressentit le mieux le mystère
de son autorité. Dans sa
droiture il s'était fait ce
raisonnement, qu'il redit devant Jésus :"Quand j'appelle un soldat, il
vient. Pourquoi cela ? Parce que ma
parole est revêtue d'une autorité qui vient
de plus haut
que moi,
et en définitive
elle remonte à l'Empereur. Si toi, Jésus, tu commandes
à distance à la maladie, d'où peut venir cette puissance de ta parole,
sinon de Dieu
à qui tu
obéis ?"
Jésus était plein
d'admiration pour cette rectitude de conscience des étrangers qui se laissaient
questionner par ses actions. En Israël
il ne trouvait pas cette foi limpide, sans détour.
Ce qu'il entendait
généralement, c'étaient des pourquoi et des
objections. C'est pourquoi, ce jour-là, Jésus
décide de ne
pas répondre à une question-piège des grands
prêtres et des anciens du
peuple, pour
les forcer à tirer malgré eux les vraies conclusions. Ou
plus exactement il répond par
une question, qui revient à ceci : "Vous admettez que Jean-Baptiste
est un prophète, donc son
baptême ne peut venir que
de Dieu
: c'est sur un ordre de Dieu qu'il
est parti au désert. Quant à moi
qui vous donne
un enseignement prophétique appuyé par des œuvres prophétiques, d'où voulez-vous
que provienne mon autorité, sinon
de Dieu ?"
Souvent, quand le Christ
nous renvoie nos propres questions, c'est nous
qui sommes passés à côté
des évidences qu'il avait mises
sur notre route. Mais même
les évidences deviennent opaques quand nous cessons
de faire au
Christ une confiance absolue, quand nous
marchandons avec lui le moindre
geste d'humilité, la moindre
soumission du cœur ou de l'intelligence, quand nous
exigeons des preuves et des
contre-épreuves avant de nous laisser faire
par Jésus et
avant de nous
mettre en route
vers des œuvres et des attitudes
qui portent sa marque.
Parfois, pour éviter
des questions gênantes de Jésus Vérité, pour
écarter les conséquences d'un engagement nouveau, d'un nouveau
pardon, d'une
nouvelle désappropriation, d'une nouvelle pauvreté, nous
serions tentés de biaiser et de tergiverser en disant :"Je ne sais
pas... Je
ne sais plus... Je ne
sais pas encore... Qu'est-ce qui me prouve que... Après tout, de quel
droit me demandes-tu cela
?".
Pendant ce temps il
manque des bras dans la maison
du Seigneur, et l'amour, dans
notre cœur, se refroidit.
Mieux vaut lier courageusement le dessein de
Dieu et notre propre destin personnel et communautaire,
avec le regard
que Dieu lui-même nous donne.
Alors chacun de nous retrouve
sa vocation prophétique.