Rends à César
ce qui
est à César
Mt 22,15-21
² Le filet se resserre
autour de Jésus, et ses
conflits avec les chefs du
peuple, surtout les Pharisiens, portent sur
des questions de plus en plus
graves aux yeux de ses
contemporains : le tribut à
César, la
résurrection des morts, le
grand commandement, le Messie
fils de David
: quatre controverses que Matthieu nous
rapporte dans le même chapitre
22 de son Évangile.
Cette fois-ci, Jésus affronte
une coalition : - d'une part les Hérodiens, partisans inconditionnels du régime en
Galilée, et
forcément favorables au Rome
(Antipas règne en Galilée et Pérée entre 4 av. et 35 ap. J.C), - d'autre part les Pharisiens, maîtres à
penser de la classe moyenne, véritables animateurs
du complot,
qui s'accommodaient
tant bien que mal de la domination
romaine, du
moment qu'on leur laisse leurs privilèges
de théologiens.
Ils ont choisi, pour la
poser à Jésus, l'une des
questions les plus dangereuses, les plus
explosives qui soient. Dans
l'atmosphère survoltée de la
Judée d'alors, une parole
maladroite au sujet de l'impôt pourrait suffire à soulever
la foule,
ou à provoquer
des répressions brutales de l'occupant. En plus
des charges indirectes qui pesaient sur tous
les citoyens romains (taxes d'octroi, droits
de douane, impôts sur les
successions et les ventes), les provinces lointaines devaient payer le tribut à
l'Empereur.
Ce tribut,
symbole de la sujétion,
tous les Juifs
le haïssaient, et les
zélotes ultra- nationalistes se faisaient un devoir religieux de le refuser. D'autant qu'il ne pouvait être acquitté qu'en
monnaie romaine, frappée à l'effigie des empereurs divinisés.
² "Dis-nous ton avis" …"Est-il permis ou
non de payer l'impôt à
l'empereur ?" Toi qui enseignes
la voie de
Dieu dans la
vérité, c'est-à-dire, ici, dans la vérité
de la loi,
donne-nous ton avis autorisé
de rabbi : "Est-ce permis
ou non, à
la lumière de la loi juive ?
Jésus, fidèle à sa
méthode pédagogique, décentre la question … "Montrez-moi la monnaie de l'impôt… De qui est cette image ? … et
cette inscription ?... Il ne
suffit pas ici d'admirer
l'intelligence de Jésus, son
tact, son sens de la psychologie des foules ; il
faut essayer de rejoindre son
intuition profonde :
- Jésus, sans
ambages, prend
parti contre le refus de
l'impôt,
et par là
il récuse l'activisme des zélotes ;
- en même temps
il précise son attitude -
et celle de
tous ses disciples
- à l'égard des autorités politiques : liberté
souveraine, mais non révolte
ouverte a priori. Certes le règne de Dieu est
inauguré en sa personne,
mais les règnes
de ce monde exercent encore une autorité
qui peut être
légitime : "Rendez à César ce
qui est à César" ;
-
enfin Jésus reproche implicitement aux Pharisiens de faire passer, une fois
de plus, au
premier plan, une question
secondaire, au détriment de
la seule question
décisive : la repentance et l'obéissance
à Dieu.
²
"De
qui est cette image ?", demande Jésus aux Juifs sujets de César. Mais à chacun de
nous, et
chaque jour, le Christ
pose une question
semblable :
Quel visage a
été imprimé en toi le jour de
ton baptême par l'Esprit de la promesse...
Quel sceau as-tu reçu le jour
de ta confirmation
?"
Nous savons par
la foi que
l'homme a
été créé à l'image de
son Dieu,
et que le
Christ est venu restaurer en l'homme cette images perdue. Saint Paul explique qu'après avoir porté l'image du
premier Adam, l'Adam pécheur, il nous
faut porter l'image du
second Adam, le Christ
Jésus ressuscité, qui est
lui-même l'image parfaite du Dieu invisible, le resplendissement
de sa gloire, l'effigie de son être intime.
Si pauvres,
si fragiles,
si lâches que nous soyons, dans
la mesure ou
nous laissons agir l'Esprit du
Seigneur, l'Esprit de la
liberté, nous réfléchissons, comme un miroir,
la gloire du
Seigneur ressuscité, si bien que dès maintenant, dès
aujourd'hui, nous sommes transformés
en cette image qui est le Christ glorieux, nous sommes
par lui "renouvelés
à l'image
de notre Créateur", et l'image
que nous portons
en nous devient
peu à peu
notre visage.
²
Mystère de l'amour du père
qui, de
toute éternité, nous a
d'avance destinés
à reproduire l'image de
son fils bien-aimé, image souffrante, image glorieuse.
Admirable et forte
pédagogie de Jésus :
chaque
fois que nous nous présentons à lui, tels les
pharisiens, avec nos questions
plus ou moins loyales, avec nos
pauvres pièges, avec nos
contestations de son Évangile
, il nous demande, non
plus de fouiller
dans nos poches
pour les trouver
la monnaie de la cité des
hommes, mais
de faire silence
un instant et de tourner
nos yeux vers
l'intérieur, pour retrouver le visage qui
est gravé en nous.
Rends à Dieu
ce qui est
à Dieu,
don pour don, rends à Dieu son image.