Mt 21,33-43
De nouveau,
Jésus vise les responsables de son peuple dans
une parabole dont Matthieu,
pas à pas, nous dévoile le
symbolisme
² Le propriétaire, entreprenant et organisé, crée de toutes pièces
son vignoble. Rien n'y
manque : ni
la clôture,
ni le pressoir
creusé à même
le roc,
ni la tour
de surveillance pour la période
des vendanges. Toutes ces
images sont reprises d'Isaïe 5 : "La vigne du Seigneur,
c'est la maison
d'Israël"
... D'emblée nous sommes avertis : il va s'agir de Dieu
et de son
peuple. Israël
est le vignoble
de choix que Dieu a confié
à des souverains
et à des
chefs religieux, en leur laissant
une réelle initiative.
Le moment venu, Dieu a
envoyé ses serviteurs les prophètes pour prendre livraison des fruits.
Frapper, tuer, lapider
; cette escalade dans la violence
est révélatrice : plus l'histoire avance et plus se
détériorent les relations de Dieu
avec les responsables
de son vignoble
Israël. "Jérusalem, Jérusalem,
toi qui tues
les prophètes et lapides ceux
qui te sont envoyés".
L'envoi du fils sera, pour les
vignerons, la dernière chance
de repentir. Sans hésiter, ils reconnaissent
l'héritier
; mais, pensant que le
père est loin,
froidement ils éliminent le fils. Réflexe
sordide; mauvais
calcul.
Tel sera aussi
le destin de
Jésus : lui, qui se
présente avec maintes preuves comme l'envoyé
et le fondé
de pouvoir du Père,
sera traîné hors de la
vigne (Jérusalem) et tué sur
l'ordre des
chefs de son
propre peuple.
Le meurtre du
Fils cependant n'arrête pas
le dessein du Père,
et d'autres vignerons seront appelés à prendre
la relève.
Juifs ou non, tous ceux
qui recevront le Fils Jésus formeront le peuple nouveau qui prendra
à cœur le règne
de Dieu et
en portera les fruits. Ainsi s'accomplira la
parole du Psaume 110,22-23 : le Christ rejeté par les premiers
constructeurs comme une pierre de rebut, va devenir
par sa résurrection
la pierre d'angle
qui soutiendra tout l'édifice.
Œuvre puissante et merveilleuse du Père qui ne
renonce pas à aimer !
² Comme toutes
les paraboles de Jésus,
cette parabole des vignerons homicides doit être pour nous un programme de
réflexion.
Il nous faut
d'abord réfléchir sur notre propre
mandat de vignerons. Chacun de nous,
pour sa part, gère dans le
monde les intérêts
de Dieu,
et donc entre
à plein temps dans son projet de
salut. La
tentation peut nous venir de
récupérer à notre seul profit
les biens du
Royaume : les
possibilités d'actions ou d'influence, la
solidarité de la communauté ou du groupe chrétien.
Puis la parabole
nous rend attentifs
aux habitudes de Dieu qui
ne renonce jamais à appeler, qui renouvelle
sans cesse son offre de vie. L'histoire
du salut,
au long des
siècles, a
été une victoire de l'amour tenace
de Dieu sur les refus des
hommes. Un
dialogue semblable se poursuit dans notre vie entre Dieu, qui garde
l'initiative, et notre
liberté qui se dérobe.
De loin en loin
ne nous trouvons
sur notre route
des témoins dont la vie
ou les paroles
nous rappellent que Dieu attend
des fruits.
À force de récuser ses prophètes, saurons-nous
encore accueillir le Fils ?
Même le Psaume cité par Jésus nous interroge. Dans tout ce que
nous essayons de bâtir,
que ce soit une amitié, un
foyer, une
vie de communauté, des structures
nouvelles pour l'Église,
le Carmel ou
le monde, Jésus ressuscité demeure-t-il vraiment la pierre d'angle?
Toute Eucharistie est pour nous
à la fois célébration de la fidélité de Dieu,
rencontre de l'Envoyé et
offrande filiale de nos derniers fruits.