Aimer

Mt 22,34-41

 

 

 

 

 

 

 

Aimer Dieu avec toute notre intelligence, toute notre force vitale et toute notre capacité d'attachement spirituel, et aimer tous ceux que Dieu met sur notre route, comme nous nous aimons nous-mêmes, c'est-à-dire faire exister l'autre avec la même passion que nous mettons à exister pleinement, voilà, ce qui résume, pour Jésus, d'existence de l'homme selon Dieu. .

Parallèlement, saint Paul, dans la liturgie de ce dimanche, esquisse pour nous deux itinéraires de vie chrétienne, sur lesquels nous pouvons réfléchir ensemble quelques instants.

 

²                Le second est le plus large, et il embrasse toute la durée de notre expérience chrétienne  :

- le passé : "vous vous êtes convertis à Dieu";

- le présent : "vous servez maintenant le Dieu vivant et vrai" ;

- l'avenir que Dieu fera : "vous attendez son Fils qu'il a ressuscité des morts".

 À vrai dire, la conversion ne regarde pas seulement notre passé : car s'il elle a été un acte décisif, elle doit rester une décision toujours actuelle ; elle a été un premier retournement, elle est maintenant un lent retour ; elle a été un événement, point de départ d'un cheminement, et désormais elle est une dimension de notre existence de baptisés.  

 

Aujourd'hui encore pour nous convertir nous avons à quitter nos idoles, c'est-à-dire:

- toutes les œuvres de notre esprit et de nos mains que nous voudrions retenir jalousement, sans référence au projet de Dieu sur notre vie ;

- tous les rêves de l'imagination qui nous font échapper au réel, à nos devoirs et à nos limites ;

- toutes les adhérences à notre propre image, au personnage que nous incarnons, au schéma spirituel que nous préférons ;

- toutes les complaisances en notre propre style de réactions face aux événements ou aux personnes ;

- toutes les compromissions du cœur qui font écran en nous à l'amour total du Seigneur, et qui installent en nous un deuxième maître, un autre trésor ;

- toutes les glorioles décevantes que nous recherchons, et qui déprécient à nos yeux la gloire qui vient de Dieu seul ;

- tous les à côté que nous accumulons, nous, religieux, consacrés à la prière, comme pour fuir le désert le Christ nous appelle à un exode incessant, qui sont parfois contraires à une vraie qualité de la vie et qui pour nous cachent souvent l'essentiel.

 

C'est tout cela qu'il nous faut quitter si nous voulons aujourd'hui servir le Dieu vivant et vrai, si nous voulons que toute notre vie, à la maison comme au travail, dans les loisirs comme à la prière, devienne un culte, un service cultuel, comme le suggère le texte de saint Paul. Mais cet appauvrissement volontaire, ce renoncement joyeux à ce qui aliène notre esprit, à tout ce qui prend notre cœur aux dépens de l'unique nécessaire, cette volonté d'alléger notre marche pour mieux aimer, tout cela n'a de sens qu'en fonction du Règne de Dieu, en fonction d'une espérance que le Christ nous a apportée et qu'il nous demande de porter au monde, espérance que le Nouveau Testament résume en deux mots: "il vient !" Il vient, et, comme nous le chanterons tout à l'heure, "nous attendons sa venue dans la gloire". Il vient, cela veut dire qu'il nous apportera ce que notre monde, par lui-même, ne peut pas se donner.  

 

C'est pourquoi la perception de nos limites, si crucifiante, si désécurisante qu'elle soit pour notre intelligence d'homme, ne doit pas nous paralyser dans notre effort. Certes, nous savons que seul le Christ est la clé de voûte de l'histoire humaine, que Dieu seul est l'architecte et le constructeur de la cité définitive, et qu'il n'y a finalement d'autre histoire pour l'homme que l'histoire du salut; mais nous sommes sûrs en même temps que Dieu veut réussir l'homme ; il le veut avec nous, il le veut plus que nous ; et c'est pourquoi nous pouvons, d'un même élan, offrir ce monde à Dieu et travailler à le rendre habitable, heureux et fraternel. Il nous faut continuer l'œuvre de Dieu, et Dieu un jour achèvera la nôtre.

 

Ce qui fait notre enthousiasme chrétien au service de nos frères dans le monde, c'est justement:

- cette certitude de foi nous entrons dans le travail de Dieu,

- cette espérance que Dieu, à la fin des temps, prendra le relais, par son Christ ressuscité ;

- et enfin l'expérience quotidienne de l'amour de Dieu toujours premier, toujours à l'œuvre dans l'histoire et dans notre propre vie, amour qui donne déjà ce que nous devons chercher encore.

 

Conversion, service, espérance, tels sont donc, selon saint Paul, les trois composantes de l'expérience de l'existence chrétienne dans un monde qui devient triste. Ce sont trois manières d'aimer et de garder la joie. On les retrouve d'ailleurs équivalemment dans la première description que nous avons entendue tout à l'heure :

"Vous êtes devenus les imitateurs du Seigneur,

  recevant la parole

  parmi beaucoup d'afflictions  

  avec la joie de l'Esprit Saint".

Saint Paul se réfère d'abord à ce qui s'est passé chez ses chrétiens au moment de leur conversion ; il énumère en même temps les éléments majeurs et constants de toute vie dans le Christ :

- imitation du seigneur, et ce mimétisme suppose une longue familiarité avec l'Évangile ;

- accueil de la parole, qui interpelle et qui transforme ;

- courage dans les épreuves, personnelles et communautaires (Église) ;

- dépassement de tout sentiment négatif par la joie reçue de l'Esprit Saint.

 

Ainsi, de quelque côté qu'on aborde l'existence chrétienne, sous l'angle de la conversion à Dieu ou sous l'angle de l'imitation du Christ,  une même exigence se dessine, sur laquelle on insiste trop peu : espérer - garder la joie.

 

 

"Je t'aime, Seigneur, ma force ;

 mon libérateur, c'est mon Dieu".

 

 

 

 

Page d'accueil

 

 

 

 

 

 

Retour Matthieu 18-22