Ni or ni argent
Mt 10, 5-15
² "Chemin faisant, dit Jésus, proclamez que le
Règne de Dieu est proche".
Ce qui donne à notre pèlerinage sur
terre un sens total et ultime, c'est que, par la grâce du Christ, chacune de
nos journées, chacune de nos démarches peuvent proclamer à ceux qui sont
proches et à ceux qui sont loin : " Le Règne de Dieu est là": Dieu
est à l'œuvre pour réussir l'homme et le monde.
² Quelles que soient la pesanteur de nos vies ou
l'obscurité de notre service, l'essentiel est pou nous, pèlerins, de rejoindre
le projet de Dieu sur nous et sur le monde. Le reste : les malades qui
guérissent, les morts rendus à leurs proches, les lépreux purifiés, donc le
recul de la maladie, les démons chassés, donc le recul des forces du mal qui
travaillent le monde, tout cela est bien lié par Jésus à la mission des
disciples , mais c'est sa puissance à lui qui l'accomplira. Ce sera le signe
tangible de la présence du Règne de Dieu , de l'emprise de Dieu sur l'histoire
des hommes.
Aucun témoin de Jésus ne peut dire
d'avance que ces signes accompagneront visiblement sa parole et son message ;
mais Jésus, dans son discours d'envoi en mission, nous laisse trois consignes
qui seront valables pour tous les missionnaires, en tout temps et en tout lieu,
donc pour nous tous,
- donnez gratuitement,
- soyez des êtres libres,
- et des êtres porteurs de paix.
² Nous avons reçu gratuitement l'Évangile, la foi,
l'accès aux sacrements dans l'Église de Jésus. C'est gratuitement aussi, sans
mérite de notre part, que nous avons été appelés, au cœur de l'Église pour le
service de la louange et de l'intercession. Et la gratuité que le Seigneur
attend de nous, c'est que restions à plein temps et à plein cœur au service de
la mission, au service du Règne de Dieu dans les cœurs, ramenant sans nous
lasser tous les événements sur le grand horizon du salut du monde, reconduisant
à Dieu toute chose et toute personne, et nous identifiant à tout moment au
Christ dans son mystère de service et de gloire.
Reverser sans sur le monde l'amour
reçu de Jésus, et dire sans cesse à Dieu le détresse du monde : voilà notre
gratuité.
² Au service de la mission, Jésus veut des êtres libres,
libres de toute aliénation dans les choses, dans les tâches, dans les petits
pouvoirs que l'on s'arroge, de toute idolâtrie devant l'œuvre des mains ou de
l'esprit, de toute adhésion captative aux personnes. Là s'enracine la véritable
pauvreté du missionnaire de Jésus : elle n'est pas avant tout une prouesses
ascétique, mais prend le visage de la disponibilité, de la légèreté, de la
liberté dans le don de soi, nécessaires pour une proclamation rapide et
efficace du Règne de Dieu.
Ni or ni argent : le but n'est pas
de remplir sa ceinture ni d'alimenter un compte en banque.
Deux tuniques, l'une sur l'autre :
ce serait un signe de luxe inutile et d'oisiveté !
Ni sandales ni bâton : au temps de
Jésus ceux qui jeûnaient allaient pieds nus et sans canne au Temple et à la
synagogue ; le missionnaire chrétien se présentera aussi comme un homme à jeun
de Dieu ; il apparaîtra devant les hommes dans la même dépouillement que devant
Dieu.
² Enfin Jésus nous veut porteurs de paix, parce que
notre message est la bonne nouvelle de la victoire sur la mort. En entrant dans
chaque maison, en abordant chaque frère,
chaque sœur, Jésus nous ordonne d'offrir
à tous la, la paix qui vient de Dieu, et qui vient de la Croix de Jésus, sans
savoir d'avance ce que chacun fera de notre offre, car ceux à qui nous sommes
envoyés gardent la responsabilité de leur foi ou de leur raidissement. Il se
peut qu'en réponse à cette paix l'envoyé de Jésus essuie un refus, refus de sa
présence ou refus de sa parole. C'est
alors surtout qu'il sera messager de paix.
Porteur de paix, comme Joseph, vendu
par ses frères, et qui devient leur sauveur, comme Jésus, trahi par un disciple,
abandonné par les onze autres, et qui, lors des apparitions du Ressuscité, leur
dit avec insistance :"La paix soit avec vous".
Il se laissera chasser de la maison
ou de la ville, sans une plainte, et sans rien emporter d'elle, ni amertume ni
agressivité, pas même la poussière attachée à ses pieds.
Il s'en ira, généreux, libre, dans
la paix de Dieu, comme Jésus est allé vers la Croix.