"Les gens de sa propre maison"

Mt 10,34-39

 

 

 

 

 

 

Suivre Jésus, cela peut amener bien des bouleversements dans la vie affective.

 

²         Jésus envisage d'abord l'incompréhension ou le rejet que l'on peut rencontrer dans sa propre famille, "parmi les gens de sa maison", spécialement les plus proches, qui pensaient avoir droit à la présence de celle qui part pour répondre à l'appel.

Parfois il faut trancher, sans rudesse ni faiblesse; d'où l'image employée par Jésus: il ne dit pas: "Je suis venu apporter la guerre", mais "le glaive", c'est-à-dire la décision, la netteté, l'irrévocable. Pour Jésus et le Royaume, nous sommes amenés à réaxer l'affection des nôtres quand elle devient captative, aliénante ou paralysante; et seul l'Esprit peut nous donner de le faire avec douceur.

C'est un premier niveau de notre affectivité pris en compte par Jésus: celui où notre amour pour lui nous fait des ennemis, malgré nous et malgré lui.

 

²  Mais le Seigneur va plus loin encore avec sa deuxième exigence: "Celui qui aime son père, sa mère, son fils, sa fille plus que moi, n'est pas digne de moi".

Seul l'Envoyé de Dieu pouvait émettre une telle prétention et revendiquer une telle emprise sur la vie du cœur de chacun(e). Cette fois, en effet, il ne s'agit plus seulement de traverser des remous affectifs pour rejoindre Jésus, mais bel et bien d'ordonner toute notre vie affective en fonction de lui. Dès que nous venons au Christ par la foi, il devient le pôle préférentiel de notre force d'aimer; à plus forte raison lorsqu'il nous appelle à vivre le célibat pour le Royaume, c'est-à-dire à le choisir, lui, le Fils de Dieu, comme unique source de notre tendresse.

Il ne s'agit pas, à cause de lui, d'aimer moins son père, sa mère, son fils ou sa fille, tel compagnon ou telle compagne, mais d'aimer plus encore le Christ, au point que lui, le Sauveur, devienne pour nous à la fois l'au-delà et l'origine de tout amour. L'au-delà, parce que, dans notre vie de consacrés, nous reconduirons au Christ, sans retard et comme d'instinct, toute amitié et tout amour qui reflueraient sur nous. L'origine, car c'est toujours en venant de Jésus que nous aimerons nos sœurs et nos frères; c'est toujours l'amour dont il nous aime qui nous donnera la force d'aimer, et la fontaine jaillissante de l'amitié et de la compassion ne sera autre que l'amour répandu en nos cœurs par l'Esprit de Jésus.

Quand l'amour que Jésus met en nous sera devenu l'alpha et l'oméga de notre vie affective, alors l'amour que nous lui donnons sera digne de lui. Mais cela ne sera manifesté qu'à l'heure de la gloire (1 Jn 3,2).

 

²  C'est dans cette perspective d'un amour échangé que prend tout son sens la parole de Jésus sur la croix à porter: "Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n'est pas digne de moi".

"Sa" croix, dit Jésus: la croix de chacun et de chacune. Non pas celle du Golgotha, qui sera toujours unique, mais la croix que chacune doit assumer pour suivre son Seigneur, et qui est tout simplement, évangéliquement, son réel de femme, de chrétienne, de consacrée, ressaisi chaque jour dans la lumière du Règne qui vient.

Croix des séquelles du passé, que seule la confiance peut cicatriser; croix des impuissances d'aujourd'hui et des lourdeurs communautaires, que seul le pardon de Jésus peut transfigurer; croix des incertitudes du lendemain et des inventions à consentir pour rester dignes du Seigneur et continuer à "vivre d'amour"; mais également croix des agressivités et des injustices qu'il nous faut parfois essuyer pour le témoignage rendu à l'Évangile.

La croix de Jésus a été violence et opprobre; la nôtre nous fait parfois côtoyer l'injustifiable, toutes ces situations désespérées ou révoltantes que l'on ne peut traverser qu'à la suite du Christ, sur un sentier étroit éclairé par l'amour.

       "Je te suivrai, Jésus ; montre-moi le chemin".

 

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