Mt 11,28-30
² Il est des jours où la fidélité ne suffit pas pour
nous garder en paix, parce qu'une certaine qualité de joie a déserté nos
journées au service du Seigneur. L'appel de Dieu est encore assez puissant pour
mobiliser toutes nos énergies, l'appel d'autrefois n'a pas été renié ; mais les
silences de Dieu aujourd'hui nous désarçonnent, et la joie nous fuit parce que
nous ne savons pas ce que fait notre Maître et que rien ne nous montre plus la
place que nous tenons dans son cœur.
² Notre
temps, nos forces, notre souci : déjà tout lui appartient : et pourtant il nous
laisse dans l'insécurité, face à nos limites personnelles et aux pesanteurs de
la vie commune, gérants de notre pauvreté, nous qui devons faire tant de riches.
Et en œuvrant dans le champ du Maître, nous nous prenons à dire, aux jours de
lassitude ou de désarroi : " Mon destin est caché au Seigneur, mon droit
est inaperçu de mon Dieu."
² Dieu
n'aime pas que tels sentiments traînent dans le cœur de ses enfants. Certes, il
n'y a là aucune révolte, et nous n'avons pas le cœur de faire à Dieu des
reproches. mais nous sentons bien quelque part en nous comme le poids d'une absence
et comme l'impression d'un oubli.
² Or Dieu
ne veut pas que nous nous trompions sur son cœur, et il nous offre sa joie en
échange de notre lassitude. "Dieu ne se fatigue ni ne se lasse", et
il veut être lui-même notre jeunesse et notre élan. "Ceux qui espèrent
dans le Seigneur renouvellent leurs forces : il leur vient des ailes comme aux
aigles", car Dieu prend sur lui toute pesanteur.
Plus nos journées sont
lourdes, plus l'avenir est incertain, et plus Dieu nous veut libres dans la
maison et allègres sur la route. Quand notre main tient la sienne, "nous
courons sans lassitude et nous cheminons sans fatigue".
² Souvent, ce qui nous rend malheureux ou insatisfaits,
c'est que nous nous trompons d'espérance, et que nous guettons désespérément
des conditions nouvelles de vie ou de service, nous attendons une réussite mythique
de la vie communautaire, la transhumance sans la fatigue, l'oasis sans le
désert.
"Venez à moi, nous redit Jésus,
venez à moi,
vous qui peinez sous le poids du fardeau,
et c'est moi
qui vous donnerai le repos";
L'héroïsme
véritable de nos saints, d'une Thérèse, d'une Elisabeth, est peut-être là :
elles ont su se reposer en Dieu, et n'attendre que de Dieu leur repos. C'est à
partir de cette remise totale à Dieu
que leur vie s'est unifiée,
que leur marche s'est apaisée,
que leur désir lui-même a pris le
rythme de l'Esprit.
Elles sont devenues douces
et humbles de cœur.
Pour se mettre à l'école de Jésus, elles sont venues à Nazareth,
et n'en sont jamais reparties.