Les vignerons homicides
Mt 21,33-46
Visiblement, Jésus a
voulu faire de sa parabole un résumé de l'histoire de l'Alliance. À sa vigne de
choix, le pays d'Israël, Dieu a envoyé à maintes reprises des prophètes, qui
ont été mal reçus et maltraités.
Puis, dans les derniers jours, par une sorte de folie
de confiance, il a envoyé son propre Fils, le véritable héritier des promesses
faites à Abraham ; et Jésus annonce d'avance le destin qui sera le sien : lui
aussi sera jeté hors de la vigne, hors de la ville, et ses adversaires le
tueront.
Les chefs des prêtres et les Pharisiens ont décodé
immédiatement la parabole, et ont fort bien compris que Jésus les visait. De
fait ils portent une lourde responsabilité dans le supplice et la mort de
Jésus.
Mais une des phrases de Jésus nous concerne tous, en
cette période d'épreuves pour son Église. C'est une citation du psaume 118 :
"La pierre rejetée des bâtisseurs est devenue la tête de l'angle".
Beaucoup des bâtisseurs de notre monde écartent,
délibérément ou par ignorance, la pierre qu'est Jésus Christ. On ne veut pas
des valeurs qu'il apporte, on refuse les perspectives qu'il ouvre, on se
révolte contre les exigences qu'il rappelle concernant les droits de Dieu et
des devoirs de l'homme.
Même si on ne peut plus, scientifiquement, nier la
réalité de Jésus de Nazareth, ni les traces de son œuvre sur toute la terre, on
laisse de côté son message comme une pierre inutile et malcommode.
Tous les moyens sont bons pour affaiblir son influence
:
ou
bien on aligne Jésus, sans plus, sur tous les fondateurs de religions;
ou
bien on fait taire ses témoins en les privant de ressources ou de liberté;
ou
bien encore on disqualifie son Église par des campagnes de calomnie.
II
arrive même, de nos jours, que des tentatives de dénigrement émanent de fils ou
de filles de l'Église. Par rnaladresse, par inconscience, mais parfois aussi
par un étrange ressentiment, ils participent à la marginalisation, puis au
rejet, de Jésus Sauveur du monde.
Mais le dernier mot appartient toujours à Dieu, qui
obstinément veut réussir l'homme.
Aujourd'hui
encore, en dépit des entreprises de déstabilisation de la foi, Jésus-Christ,
rejeté des bâtisseurs, demeure la pierre angulaire et l'avenir du monde.
Et cela, "c'est l'œuvre du Seigneur Dieu",
surprenante,
imprévisible, indiscutable,
"une merveille sous nos yeux".
Mais
les yeux qui voient cette merveille sont "les yeux illuminés du cœur"
(E 1,18) c'est-à-dire des yeux qui veillent dans la foi, des yeux agrandis par
l'espérance.
Le Seigneur n'exempte pas les croyants du labeur de
bâtir le monde, mais il vient au devant de leur détresse lorsqu'ils se sentent
à leur tour écartés, négligés, rejetés,
II
manifeste sa présence, il révèle de loin en loin des signes de sa puissance.
Par
son Esprit toujours à l'œuvre, il donne et redonne le royaume à son peuple qui
veut en porter les fruits.
De cela nous sommes les témoins, au cœur de l'Église
et au cœur du monde.
Là
où le monde ne veut voir que ruines ou chantier déjà à l'abandon, nous
apercevons, dans la lumière de la parole de Dieu, toujours humblement et en
espérance, le Christ, pierre d'angle, plus belle et solide que jamais.
Et le courage nous revient pour entrer nous-mêmes,
comme pierres vivantes, dans la construction de la maison de Dieu.