"Il proclamait l'Évangile de Dieu"
Mc 1,12-15
En quelques phrases saint
Marc résume l'ultime préparation de Jésus et le début de sa mission.
² L'Esprit
Saint, qui habite totalement Jésus et s'est manifesté au moment de son baptême,
lui inspire de partir librement pour le désert, comme l'avait fait Jean le
Baptiste.
Le désert va être pour Jésus un temps de prière,
d'ascèse et de réflexion. Il va poser là, dans le silence, les grands choix qui
vont dicter toute son action.
C'est le sens des tentations
dont il va triompher durant ces quarante jours. Quand on parle de tentations
pour le Fils de Dieu fait homme, c'est, bien évidemment, dans un sens très
particulier. Le péché, qu'il s'agisse de l'agressivité, de la convoitise ou de
la volonté de puissance, ne trouvait dans le cœur humain de Jésus aucune
connivence, mais Jésus, Messie de Dieu, devait se situer en toute clarté
vis-à-vis des attentes de ses contemporains.
Dès le début, il a refusé un
messianisme appuyé sur l'abondance matérielle, sur le prestige et sur des rêves
de grandeur. Ce sont les trois tentations que détaillent les autres évangiles :
le pain à satiété, le saut dans le vide et le mirage des royaumes du monde. Ces
trois routes du succès, qui avaient tenté Israël tout au long de son histoire,
Jésus les a récusées pour lui-même, afin de rester fidèle au chemin que le Père
lui offrait, celui des humbles et des pauvres de cœur.
² Le
premier souci de Jésus après son baptême a donc été de rester en harmonie avec
le vouloir de son Père. Il a choisi de vivre dans l'obéissance sa liberté de
Fils ; dès lors rien ne pourra l'agresser, rien ne pourra lui manquer. C'est ce
que souligne l'Évangéliste avec les mots de la Bible :"Il était avec
les bêtes sauvages, et les Anges le servaient".
La paix paradisiaque avec les animaux, que plus tard
saint François essaiera de vivre, était déjà, pour le prophète Isaïe, une image
du bonheur apporté sur terre par le Messie de Dieu :
"Sur lui reposera l'Esprit de Yahweh …
le nourrisson
jouera près du repaire de l'aspic,
et dans le
trou de la vipère
l'enfant à
peine sevré avancera la main." (Is 11, 2.8)
Quant au service des Anges, les envoyés de Dieu,
déjà le Psaume 91 le promettait à tout homme de prière qui mettrait en Dieu sa
confiance :
"Du Très-Haut tu as fait ton refuge,
aucun mal ne
t'arrivera,
car à ses
anges il prescrira pour toi
de te garder
sur tous tes chemins". (Ps 91, 10-11)
² Après
cette longue préparation au désert sous la protection de Dieu son Père, Jésus
entame sa mission de prédicateur itinérant par sa Galilée natale.
Il souligne d'abord
l'initiative de Dieu :
De fait la seigneurie de Dieu sur le cœur des hommes
est maintenant imminente, puisque son propre Fils s'est fait homme parmi les
hommes.
Mais Jésus, en réponse à
cette avance de Dieu, attend de nous, comme des gens de Galilée, un retournement
du cœur :
"Convertissez-vous, et croyez à
l'Évangile."
Même s'il y a eu dans notre
vie une grande conversion, qui nous a fait donner, en adultes, notre adhésion
au Christ sauveur, la conversion demeure une exigence quotidienne dans
notre existence de baptisés. Après la conversion-événement, le cheminement de
conversion s'impose à nous, et spécialement chaque année tout au long du Carême
; après la conversion-retournement du cœur, la conversion comme retour
à Dieu demeure urgente, et cela réclame de nous chaque jour le meilleur de
nous-mêmes, que nous soyons au midi de la vie ou que déjà l'âge commence à
appesantir notre marche.
Chacun/e connaît ses points de fragilité, et
souvent, pour inventer de nouveaux sentiers de conversion, il suffit de songer
à ce qu'attendent de nous le frère, l'ami, le conjoint.
Mais en ce début de
millénaire, si incertain et si lourd d'appréhensions, la conversion qui est réclamée
de nous tous est la conversion à l'espérance. Non pas seulement à l'espoir, car
l'espoir est fugace et vulnérable, mais la conversion à l'espérance en Dieu,
celle qui s'appuie sur la fidélité de notre Père.
En Jésus-Christ il nous a
prouvé qu'il n'avait pour le monde que des pensées de paix, et ce qu'il a fait
pour Jésus garantit ce qu'il fera pour nous.
Toute une partie de notre
ascèse de Carême doit porter sur nos tristesses,
celles que nous accueillons,
celles que nous laissons grandir en nous,
et celles qui se glissent dans nos paroles ;
parce que l'Évangile doit être joie pour le monde et
parce que Jésus a voulu lier pour toujours la réponse de foi et l'espérance :
"Convertissez-vous
et croyez à la bonne nouvelle."