Des pécheurs

Mc 2,13-14

 

 

 

 

 

 

²  "Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs".

C'est une de ces paroles du Seigneur qui balayent d'un seul coup nos fausses assurances, nos habitudes de médiocrité, nos complaisances en nous-mêmes.

 

Tout chrétien satisfait est un pécheur qui s'ignore, et si bien souvent nous nous sentons les mains vides, c'est que nous nous sommes approchés de Dieu avec un cœur de riche, qui n'a besoin de rien, surtout pas de pardon. Si nous n'entendons plus l'appel de Jésus avec la même force, la même urgence qu'autrefois, c'est probablement que nous nous sommes peu à peu installés à la table des justes qui n'ont besoin de rien ni de personne, surtout pas de l'Église. Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous mentons à nous-mêmes, et la vérité du Christ n'est pas en nous.

 

²  C'est bien d'ailleurs ce mensonge qui nous fait peur, aux moments nous sommes le plus lucides sur nous-mêmes, le plus dociles à la voix du Berger. Nous sentons plus ou moins confusément combien nous sommes étrangers à Dieu, aliénés de Dieu, "par nos pensées et nos œuvres mauvaises", et souvent nous nous énervons de percevoir en nous cette opacité, cette pesanteur, cette inimitié latente, sans pouvoir toujours isoler, clarifier, nommer notre péché.

 

Dieu, qui permet pour nous cette impuissance, nous ramène par elle à la véritable conversion, qui est non seulement un retournement, mais un lent retour, non seulement un événement, mais un difficile cheminement. Si nous ne pouvons pas saisir, objectiver, une fois pour toutes, notre péché pour l'arracher, c'est qu'il fait corps par mille adhérences avec ce qu'il y a en nous de plus personnel, de plus libre. Si nous ne pouvons voir par nous-mêmes le péché dans une clar immédiate et rassurante, c'est que Dieu se réserve de nous le révéler par la croix de son Fils.

 

 

²  Une fois de plus ce matin le Christ sauveur, qui ne sait ni mépriser ni haïr, vient s'asseoir à notre table de pécheurs pour nous parler de lui, de nous, et nous nourrir de son Corps et de son Sang. Il vient nous réconcilier "dans son corps de chair" (Col 1,22), nous unir à lui dans le moment suprême de son passage au Père que nous allons vivre sacramentellement.

 

C'est le moment pour nous d'arracher notre masque, d'oublier notre personnage, cette image rêvée de nous-mêmes que nous projetons sans cesse devant nous et devant les autres ; c'est le moment de faire miséricorde, nous qui avons tant besoin d'être supportés et pardonnés ; c'est l'occasion de détruire en nous toutes les barrières artificielles élevées par nos petitesses, et même par nos choix spirituels intolérants, d'éliminer notre manie de cataloguer et d'étiqueter les gens et les attitudes.

 

 

C'est le moment de redire personnellement, comme si c'était vrai de nous seul : "Seigneur, aie pitié du pécheur que je suis".

 

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