Tout le monde te cherche !
Mc 1,29-39
² Dès le premier jour où Jésus,
après son baptême, est revenu chez lui, en Galilée, il a été happé par sa
mission.
De toute la région on venait à lui, soit
pour l'entendre quand il prêchait dans les synagogues avec une autorité toute
nouvelle, soit pour se faire guérir ou lui amener des malades.
Ce que saint Marc nous décrit
aujourd'hui est un peu une journée type de Jésus, et encore ce jour-là a-t-il
été plutôt calme, car après la prédication à la synagogue, la petite troupe des
disciples a respecté le repos sacré pour le jour du Seigneur.
Souvent les guérisons commençaient tard
: on amenait les malades après la journée de travail, et l'on attendait que le
soleil fût couché pour ne pas les transporter en pleine chaleur. Quand les
derniers repartaient, guéris, la nuit était parfois fort avancée.
² Comment Jésus équilibrait-il
cette vie surmenée ? – par la prière. Souvent les disciples l'entendaient se
lever, bien avant le jour, et ils se disaient :"Jésus s'en va prier".
Il s'éloignait dans un lieu solitaire, et là, dans le silence, il parlait à son
Père avec ses mots d'homme ; il le louait avec les Psaumes d'Israël, il
accueillait dans sa volonté d'homme le vouloir de Dieu.
² Mais ce matin-là, tout au
début de la mission de Jésus, les disciples n'avaient pas encore pris
l'habitude de voir le Maître gagner la solitude, et, une fois réveillés,
Simon-Pierre en tête, ils partent à sa poursuite. L'ayant enfin trouvé, ils lui
disent :"Tout le monde te cherche !"
La réponse de Jésus va les surprendre
:"Allons ailleurs !"
Les Apôtres arrivaient pour lui dire, en somme
:"Tu as réussi ! C'est fait ! Les gens t'ont compris ! Ils veulent
t'entendre de nouveau !" Et Jésus leur déclare: "Allons dans les
bourgs voisins, afin que j'y prêche aussi, car c'est pour cela que je suis
sorti".
C'est pour cela qu'il avait quitté
Nazareth.
C'est pour cela qu'il était venu
d'auprès de Dieu.
C'est comme si Jésus leur disait :"Savez-vous ce
qu'est ma mission ? Savez-vous ce que c'est que la mission ?"
² Comme les disciples , nous
serions tentés parfois de dire à Jésus :"C'est fait, Seigneur ; notre
groupe t'a trouvé ; ensemble nous t'avons écouté ; nous sommes bien ensemble,
et bien avec toi. Chez nous, tout le monde te cherche ! Viens parmi nous. Reste
chez nous !"
Dans la vie personnelle de prière, - et
pour nous dans la vie d'oraison continuelle – un désir semblable pourrait nous
monter au cœur, qui nous ferait dire à Jésus :" Enfin, Seigneur, je t'ai
trouvé, retrouvé ! Enfin j'expérimente ta présence ! Reste avec moi, puisque je
te cherche !" Et le Seigneur nous dit :"Allons ailleurs ! Allons vers
ceux qui ne me connaissent pas ! Allons, moi avec vous et vous avec moi, pour
que l'amour dont mon Père m'a aimé soit connu jusqu'aux confins de la
terre."
Pour un ami, rappelé à Dieu après de grandes
souffrances :
Jésus, qui apportait la vie de Dieu, n'a
jamais cessé de lutter contre la maladie et la mort. Et non seulement il a
associé ses disciples à cette lutte de tous les jours, mais il nous a laissé à
tous son regard et son souci des malades, comme un exemple et comme une
consigne.
Le recul de la maladie et de la mort
était à ses yeux des signes que le Règne de Dieu avait fait, avec lui,
irruption dans le monde ; et jamais il n'a séparé, dans son action de Messie,
l'annonce de la parole de Dieu et la pitié, une pitié forte pour tous ceux et
toutes celles qu'il voyait souffrir.
S'approcher de Jésus, être sauvé par
Jésus, c'est devenir un frère universel, c'est ouvrir les yeux aux dimensions
de la mission du Christ, c'est se laisser blesser par le tourment du salut de
tous les hommes. Il n'est pas nécessaire pour cela de s'expatrier, ni
d'entreprendre des projets retentissants. Il suffit souvent de s'enfouir en
terre profonde, là où Il nous a semés, la terre profonde qu'a choisie notre
ami, la terre où lèvent les moissons de Dieu, moissons de louange et moissons
de charité.
Sans quitter le cadre journalier d'une
vie d'époux et de frère, les sujétions d'un métier exigeant et les devoirs
d'une amitié ouverte et souriante, notre ami a trouvé le Dieu de l'Alliance et
de sa jeunesse, parce qu'il l'a recherché de tout son cœur, de tout son être.
Et même quand la détresse est venue sur lui, son réflexe a été de s'interdire
toute révolte et de revenir plus fidèlement que jamais à son Seigneur pour
écouter sa voix ; sa réponse a été d'ouvrir son cœur plus grand que jamais aux
souffrances proches ou lointaines.
D'où lui venaient ce cœur missionnaire,
cette indulgence inlassable et cette force pour porter l'angoisse, sinon de son
contact vrai, adulte, filial, avec le Dieu de miséricorde, avec le Christ, son
Pain de vie et la lumière de ses pas ?
"Allons ailleurs, nous dit Jésus,
allons au-delà, allons plus loin, allons jusqu'aux extrémités du monde, car
c'est pour cela que je suis sorti du Père. Comme le Père m'a envoyé, moi aussi
je vous envoie".
Notre ami est allé jusqu'au bout de sa route ; il est
allé plus loin encore, là où le Christ accueille ses bons serviteurs, pour
qu'ils continuent, près de lui, à aimer, à servir, à sourire.