Les hommes d'un moment
Mc 4,1-20
"Ils sont les hommes d'un
moment", dit Jésus, à propos de ceux qui reçoivent la parole semée dans
des endroits pierreux.
Le grain y lève vite, parce que la
terre, peu épaisse, profite de la moindre ondée; mais, dès que le soleil
chauffe un peu, le grain se dessèche, faute de racines profondes.
² Ce que Jésus décrit là, avec
des mots très simples et à travers ses paraboles, c'est bien notre vie de
croyants, avec ses grandeurs et ses misères.
Nous sommes capables d'enthousiasme, et
en nous la parole de Dieu trouve un écho ; nous la recevons avec joie,
comme dit Jésus, et cette joie est sincère, car vraiment chaque parole de Dieu
qui atteint notre cœur éveille en nous l'espérance d'un nouveau commencement,
d'un sursaut de générosité, d'une germination enfin digne de Dieu.
Mais la graine de la parole de Dieu a
tant de mal à prendre racine !
Elle essaie, elle essaie désespérément, et les débuts
sont toujours prometteurs. Puis tout à coup, les racines encore fragiles
rencontrent le roc, et la graine s'épuise en vain !
² Qui aurait pensé qu'il y
avait si peu de terre ? Vienne maintenant un coup de chaleur, et tout grille en
une matinée. Nous sommes "les hommes d'un moment": ensuite, lorsque
surviennent une épreuve ou une persécution à cause de la parole, aussitôt nous
achoppons. La graine était excellente : rien ne peut mieux ensemencer notre
cœur que la parole de Jésus ; mais nous manquons de profondeur, et cette
parole, qui voudrait germer en nous, rencontre tout de suite la couche plus
dure de nos refus, de nos peurs, de nos tristesses.
² Et tout cela était prévisible
: pour que la graine résiste, il faut de la terre, et si nous voulons la
fidélité, il nous faut de la profondeur. Or la terre profonde semble toujours,
dans un premier temps, la plus stérile et la plus ingrate, ou du moins la plus
lente à produire. La graine s'y enfouit, et longtemps on la croit perdue. En
fait, on avait raison de lui faire confiance, car elle a germé dans le secret,
elle a développé lentement tige et racines ; et quand le blé en herbe sort au
grand jour, il est déjà fort et se moque du soleil.
² Ce n'est pas facile d'être
une terre profonde, car il faut attendre longtemps les fruits et s'habituer aux
longues patiences de Dieu. Dans la rocaille, l'herbe vient vite, mais la moisson ne vient jamais.
Qui peut transformer notre roche ?
Qui peut enraciner l'appel de Dieu jusqu'à l'intime de
nos désirs, de nos projets, de nos joies ?
Seul l'Esprit Saint, l'Esprit du Père et du Fils, peut
réaliser en nous cette œuvre de vie,
l'Esprit qui nous est donné "pour que nous
connaissions les dons que Dieu nous a faits".
² "Choisissez", dit
en quelque sorte le Seigneur. La graine est bonne, toujours bonne ; ce n'est
pas elle qu'il faudra accuser, car elle vient de Dieu.
"Choisissez", il est encore
temps : quelle terre voulez-vous être ?
Voulez-vous être les hommes d'un moment, ou les hommes
de la durée ?
Voulez-vous les succès rapides, ou les moissons fortes
qui permettent d'autres semailles ?
Voulons-nous paraître, ou nous cacher en
Dieu ?