"Une seule chose te manque "

Mc 10,30-35

 

 

 

 

 

 

²             Cela s'est passé brusquement : Jésus se préparait à partir, et voilà un homme qui arrive en trombe et se met à genoux devant lui. Apparemment il pressé, comme s'il jouait la dernière chance de sa vie.

 

Que vient-il demander ? une guérison pour lui ou pour l'un de ses proches ? - Non : cet homme arrive tout essoufflé, pour poser une question bizarre :"Que dois-je faire pour avoir en partage la vie éternelle?"

Et cette question nous gêne, parce que c'est justement celle que parfois nous n'avons plus le courage de poser.

Bien sûr, nous ne sommes pas à court de moyens pour disqualifier ce témoin gênant. On dira :

- c'est un anxieux; nous qui sommes équilibrés, nous n'avons pas besoin de songer à une vie éternelle ! - c'est un nanti ! ayant tout ce qu'il lui faut pour vivre, il peut se payer le luxe de rêver à une autre vie !

Mais nous sentons bien que toutes nos bonnes raisons seraient des enfantillages : il faut entendre la question de cet homme, parce qu'il est tout simplement un réaliste : il veut dès aujourd'hui une vie qui puisse traverser 1a mort ; il veut, avec les choses qui passent, construire dès aujourd'hui du définitif.

 

C'est lui qui a raison, et nous qui sommes des rêveurs incorrigibles : nous imaginons que "ça va durer toujours", et lorsque nous prenons conscience d'un certain vide de notre action, de notre dévouement, de notre amour, 1orsque nous constatons certains échecs de notre visée spirituelle ou de notre travail apostolique, nous imaginons toujours que nous pourrons, "plus tard", "un jour", recommencer notre vie, comme on efface le tableau pour recommencer une opération.

 

"Bon maître, dit l'homme, que dois-je faire pour avoir en partage la vie définitive?"

 

²  Le Christ répond : tu as les commandements, c'est-à-dire "ce qui plaît Dieu, ce qui est bon, ce qui est  parfait". Pour chacun de nous ce serait déjà un programme ambitieux. Mais cet homme, à genoux devant Jésus, est d'une autre trempe :" Maître, tout cela, je l'ai gardé depuis ma jeunesse." Et c'est vrai ! Le Christ qui le regarde sait que c'est vrai ; il sait ce qu'il en a coûté homme, et il le prend en affection, non pas tellement pour le bilan positif de sa vie morale, mais parce que cet homme, ce fidèle, ce juste, a compris que le Christ lui demandait autre chose,

une sagesse nouvelle,

une sagesse chrétienne qu'il faut aimer "plus que la santé, plus que beauté et l'élégance, plus que le pouvoir et la volonté de puissance" (Sg 17,7-14).

 

²  "Une seule chose te manque : va-t-en vendre ce que tu as ; réalise tout au compte des pauvres. Puis, viens avec moi".

Voilà bien, pour cet homme, et pour chacun de nous, une parole de Dieu tranchante comme une lame, une parole porteuse de vie, et qui pénètre au cœur de notre existence pour trier nos sentiments et juger nos pensées (Hb 4,12s). Une seule chose nous manque, c'est d'avoir brûlé nos vaisseaux et d'être pour le Christ des inconditionnels.

Quelque part dans notre vie demeure un oui qui n'a pas encore été dit à Dieu, et c'est cela qui nous rend tristes ; il y a un avoir qui nous empêche d'être, et c'est cela qui entrave notre marche à la suite du Christ.

Je veux bien te suivre, Seigneur, mais laisse-moi me faire une place soleil, laisse-moi devenir quelqu'un dans la communauté.

Je veux bien te servir, mais laisse-moi garder ce style que je tiens mon passé.

Je veux bien t'écouter, mais laisse-moi prendre, dans l'Eglise, mes distances par rapport à ce qu'elle me demande et à ce qu'elle m'offre.

Je consens à recevoir ta parole, mais surtout qu'elle ne vienne pas entamer mes évidences ni mon système !

...Tant que nous en restons au "oui, mais", nous avons gardé quelque part de grands biens.

 

 

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