Mc 3,20-21
Jésus vient de
redescendre de la montagne où
il a appelé
ses douze disciples,
et le voilà
de nouveau à Capharnaüm,
"à la maison",
c'est-à-dire : - soit la maison
de Pierre où il était comme
chez lui,
- soit une
maison du bourg, transformée en lieu de rassemblement
pour la petite
troupe. Et
dès les débuts
de son ministère
il devient signe de contradiction :
- les gens s'attroupent, enthousiastes, et le
réclament à toute heure, si
bien que Jésus, comme un
médecin surmené, n'a
même plus de
temps de souffler
au moment des
repas ;
- d'autres s'inquiètent
et prennent peur. Qui
sont-ils ? Non pas des ennemis (il
n'en a pas
encore), mais
ses cousins de Nazareth.
On raconte des choses bizarres
sur lui
... qu'il opère des guérisons, même le
jour du sabbat,
… qu'il accueille des pécheurs et mange avec eux. Il paraît même qu'il a pris
parmi ses disciples le percepteur
de Capharnaüm.
Tout cela fait
mauvais effet. On jase dans toute la contrée, et on
prend ses proches
à partie : "Vous ne
devriez pas le laisser faire"... Tant
et si bien que les cousins
de Nazareth ont décidé de
passer à l'action ... "Où est-ce qu'il
a la tête ? Qu'est-ce qui lui prend
? Allons le chercher, nous
le ramènerons de force à son
atelier... Il ne va
quand même pas continuer à jeter le discrédit sur toute la famille
!"
C'est ce qu'on
a dit de
Jésus quand il s'est mis
à prêcher son
Évangile ; c'est ce que l'on
dit parfois d'un chrétien quand il se
met à vivre
l'Évangile de Jésus.
Ne parlons pas ici des
chrétiens excentriques : il y
en aura toujours, et ce
n'est pas d'eux
qu'il faut attendre le vrai
témoignage évangélique. Parlons des chrétiens
ordinaires, de nous tous
: y a-t-il
dans notre vie, dans
nos espoirs, dans nos
projets, dans
nos désirs,
ce petit brin de folie évangélique
qui nous ferait
ressembler à Jésus.?
Non pas un
brin d'excentricité, non pas ces
outrances de langage ou de comportement qui dénaturent plutôt le témoignage rendu à Jésus, mais cette
folie de confiance, d'amour
et de service
qui fait l'authenticité chrétienne.
Il est fou
de s'engager
pour toujours, mais cette
folie-là nous
tient à cœur, car c'est
à Jésus que
nous avons tout donné.
Il est fou
de ne pas
vivre à notre
compte, mais
nous resterons fous, parce que"notre vie
n'est plus à nous-mêmes,
mais à Celui
qui est mort
et ressuscité pour nous ".
Il est fou, aux
yeux du monde, de ne
rien garder dans les mains, de ne
pas chercher le repos,
de se vouloir
sans cesse en route, en
exode, en
exil, de
se hâter "comme un voyageur"; mais rien
ne nous fera
changer d'idée, car nous
ne pouvons servir Dieu et
l'argent, chercher
le Christ et les honneurs, avoir faim de
l'Esprit et
soif de confort
; nous ne pouvons
chercher en même temps le
règne de Dieu
et notre règne, le règne
de la réussite, de la renommée, le règne
de nos
goûts. Et nous ne voulons pas
mettre notre cœur là où n'est pas notre vrai trésor.
Il
est fou de
choisir la voie de l'humilité, de
la douceur, de l'obéissance, de réagir
à l'agressivité
par le sourire, de porter à
longueur de vie les fardeaux
des autres,
et les autres
même quand ils sont lourds.
Il est fou
de rester à
Nazareth, dix
ans, vingt ans, trente ans, sans
vouloir autre chose que ce
que Dieu a
choisi ; mais cette folie-là, Dieu l'aime; et
il nous a
choisis pour devenir fous, car :"Ce qui est
folie dans le monde, Dieu
l'a choisi pour confondre les sages ; ce qui
est faible dans le monde, Dieu l'a
choisi pour confondre ce qui
est fort ; ce qui, aux
yeux du monde, est vil et
méprisé,
"ce qui n'a pas d'allure", ce qui n'est
pas, Dieu
l'a choisi pour réduire à
rien ce qui est, afin
qu'aucune créature ne puisse s'enorgueillir devant lui.
Mieux vaut être,
avec Jésus, crucifié, que de crucifier Jésus
pour rester avec les sages.
Mieux vaut revenir
à la folie
de notre premier
don, à
ce jour où
nous n'avions plus rien, que
de parvenir à notre dernier
jour les mains pleines et le cœur rempli
de nous-mêmes.
Mieux vaut entrer
dans la folie
de la croix et retrouver Jésus qui, par amour, a passé pour fou, car ce
qui est folie de Dieu est
plus sage que
les hommes.