Mc 1,21-28
² Sous l'Ancienne alliance, lorsqu'on
parlait de la sainteté de Dieu, on exprimait
trois choses à la fois, trois composantes inséparables
:
-
la sainteté -
majesté, c'est-à-dire
la distance du créé au
Créateur, la
sainteté du Tout Autre, chantée
en Isaïe, chap.6, par les Séraphins :"Saint, saint, saint le Seigneur Dieu de l'univers ; le ciel
et la terre
sont remplis de sa gloire."
-
la sainteté comme
emprise sacrée
de Dieu sur
les choses, les lieux et les hommes, c'est-à-dire la sainteté qui
consacre, qui
met à part, qui réserve
à Dieu ; et
ainsi l'on parlait du Temple
saint, parce
que le Dieu saint y habitait, de la Loi
sainte, parce
que s'y exprimait la volonté de Dieu
;
-
mais la sainteté
de Dieu offrait
une troisième composante : elle
était ressentie comme une plénitude de vie offerte
aux hommes,
tournée vers l'homme, et
s'ouvrant à
la communion avec l'homme, bref : la sainteté du
Dieu Tout Proche.
² Cette richesse de l'idée de sainteté,
quand il s'agit de la sainteté de Dieu,
donne tout son poids à
la scène que
les Évangélistes situent à Capharnaüm, au début de la prédication de Jésus.
Dans la synagogue, tout le monde est suspendu aux
paroles de Jésus, quand, dans la
foule, un
énergumène met à vociférer
:"Jésus de Nazareth, es-tu venu pour nous
perdre ? Je sais qui tu
es : le Saint de Dieu
!"
Derrière ce cri, il faut
voir beaucoup plus que la
lucidité d'un malade mental,
impressionné par la personne de
Jésus. Car
l'homme dit
"nous" :"Que
"nous" veux-tu ? qu'avons-"nous" à faire avec toi ?", et ce "nous" renvoie, non pas
aux braves gens qui écoutent
Jésus, mais
à toutes les
forces du refus
que l'Ennemi
voudrait mobiliser. La présence et
la parole de
Jésus sont tellement impressionnantes que les forces du mal
elles -mêmes sont contraintes de crier la
vérité: "Tu
es le Saint de Dieu",
et tu es saint d'une sainteté qui vient
de Dieu et
qui révèle Dieu.
²
Ce qui transparaît
ainsi à travers Jésus, c'est
bien, en
effet :
- une sainteté
- majesté,
cette autorité de Jésus qui
frappe les auditeurs, et qui
vient de l'intérieur de lui-même,
- une emprise
sacrée sur le cœur des hommes, tellement forte
et immédiate qu'elles chasse l'esprit mauvais,
- une plénitude
de vie qui
émane de Jésus
et qui s'offre
aux hommes,
comme une amitié
toute gratuite, cet amitié qui
fait si peur
aux possédés et qu'ils refusent
frénétiquement :"Es-tu venu pour
nous perdre
?"
² Nous ne sommes pas
des possédés, mes Sœurs, et
aucune d'entre vous ne s'est
mise à crier. Et pourtant, ne sommes-nous pas
visités, à
certaines heures, par l'Esprit du refus
? par une certaine peur de la
lumière ? Nous sentons bien,
parfois,
que l'Évangile de Jésus voudrait bousculer nos réflexes de fermeture, d'autosuffisance, que
la parole vivante et puissante de
Jésus voudrait pénétrer, comme le glaive de l'Esprit,
à la jointure de notre
cœur, là où se décident l'accueil ou l'imperméabilité, le dialogue
ou le mutisme, la docilité
ou le raidissement, la transparence
ou la dissimulation, le découragement
ou l'espérance. Nous percevons
clairement que l'amour de Dieu
voudrait chasser de nous toute crainte,
mais nous nous
défendons, pour sauver quoi
? - une misère, une misère
d'autonomie devant Dieu et
devant nos frères ou nos
sœurs.
Le Christ s'offre à notre
amitié, il
s'offre à
faire de nous
des êtres de
communion, et nous répondons: "Es-tu
venu pour me
perdre ?". Que cette
Eucharistie soit pour nous la
rencontre du Fils de Dieu
qui rend libre, et l'accueil
de sa nouveauté, toujours imprévisible.
Que l'Esprit
nous donne force et lumière pour redire au
Christ vainqueur :"Je sais
qui tu es, le Saint de Dieu,
et que tu
viens pour me sauver,
pour nous sauver. Que me
veux-tu,
Jésus de Nazareth ?
Seigneur, que veux-tu de moi ?"