Jésus et le Baptiste
Mc 1,6-11
² Cette page d'Évangile anticipe sur la fête de demain,
puisque c'est déjà l'Évangile de la manifestation. Mais le récit du commencement
de la vie publique de Jésus s'ouvre, chez saint Marc, par un double geste
d'humilité.
L'humilité de Jean le Baptiste, alors au sommet de sa
popularité, et qui répète obstinément à tous ceux qui viennent à lui au Jourdain
:
"Voici
que vient derrière moi celui qui est plus puissant que moi.
Je
ne suis pas digne de me courber pour délier la courroie de sa chaussure.
Lui
vous plongera dans l'Esprit Saint !"
L'humilité de Jésus, qui inaugure sa manifestation au
monde en s'affiliant à l'un des mouvements spirituels les plus authentiques que
le peuple de Dieu ait connus : cette grande vague de renouveau intérieur, ce
désir d'une vie propre, digne de Dieu et d'Israël, qui amenait les gens en
foule dans les eaux du Jourdain.
Certes, ce qui était pour tous un geste de conversion
était pour Jésus un geste de compassion, de fraternité avec tous ces hommes au
cœur malade, qu'il venait guérir, avec tous ces pécheurs qu'il venait appeler,
avec tous ceux qui pliaient sous le fardeau de leur propre vie.
² Mais lors du Baptême de Jésus cette double humilité de
Jean et de son Maître débouche déjà sur une double manifestation de la grâce et
du salut.
Le Baptiste, si désireux de s'effacer, voit arriver
devant lui le Puissant, qui lui demande le Baptême ; et il pose, comme serviteur
et par obéissance, ce geste dont il se sentait indigne. Il reçoit de Dieu la
grâce de baptiser son Fils.
Et Jésus lui-même, en réponse à sa propre humilité, va
vivre dans son humanité sainte un moment
d'intense communion avec le Père et avec l'Esprit.
En effet, selon saint Marc (et saint Matthieu), tout
se concentre sur l'expérience vécue par Jésus en personne : au moment où il
remonte de l'eau, où il relève de son geste d'humilité, il voit les cieux se
déchirer et l'Esprit, comme une colombe, descendre sur lui ; et des cieux
parvient une voix :"Tu es mon Fils, mon Bien-Aimé ; tu as toute ma
faveur !"
Ainsi Jésus, qui va baptiser dans l'Esprit Saint, plonger les hommes
dans le bain de la régénération, expérimente, dans son propre Baptême, la
plénitude d'Esprit qui est sienne depuis sa conception dans le sein de Marie.
Personne jamais ne pourra entrer à fond dans le
mystère de cette communion trinitaire, vécue non seulement par le Verbe en son
éternité, mais par le Verbe fait chair, vrai Dieu et vrai homme.
Personne ne peut mesurer le retentissement dans son
cœur d'homme de cette désignation par l'Esprit et de cette nomination par le
Père.
Personne ne peut vraiment percevoir la vibration
éveillée dans son cœur de Fils par cet encouragement solennel au début de sa
mission. Il nous faut y entrer avec toutes les forces de notre foi.
Comme le Baptiste (Mt), nous ne pouvons que laisser
faire "celui qui veut accomplir toute justice", c'est-à-dire
s'ajuster pleinement aux choix de Dieu pour le salut des hommes.
Comme le Baptiste, il nous faut rester au seuil du mystère, sur le
seuil des merveilles du Seigneur, où l'on voit de tout près sans pouvoir rien
saisir.
"J'ai choisi de me tenir sur le seuil dans la
maison de mon Dieu".
Frères et sœurs,
l'expérience merveilleuse que Jésus a vécue ce jour-là
dans sa relation au Père nous est proposée à nous aussi, chaque fois que nous
faisons à Dieu toute sa place dans notre vie. Chaque fois que nous reprenons le
chemin de la conversion du cœur, nous ratifions notre baptême, nous revivons
notre baptême, nous remontons pour ainsi dire des eaux qui nous ont lavés.
Dieu nous voit prêts à servir, prêts pour la mission
qu'il nous confie et qui prolonge celle de Jésus.
Et Dieu prononce au fond de notre cœur, par pure
grâce, par pure bonté, ces paroles qui nous remettent debout, qui nous remettent
en route, et qui chassent toute crainte :
"Tu
es mon fils, tu es ma fille bien-aimée, en toi je mets tout mon amour".