Le blasphème contre l'Esprit
Mc 3,32-60
Il y
a donc un péché qui ne pardonnerait pas, qui nous couperait du pardon, parce
qu'il nous ferait tourner le dos à la miséricorde toujours offerte, c'est le
blasphème contre l'Esprit, c'est-à-dire contre la force d'amour de Dieu, contre
cette force d'aimer qu'est Dieu, Père, Fils et Saint Esprit.
Les
scribes venus de Jérusalem à Capharnaüm pour espionner Jésus ont blasphémé
contre l'Esprit. Ils ont vu des hommes libérés tout à coup de la force du mal. Le
nom qui aurait dû leur venir aux lèvres, c'était "force de Dieu",
"Esprit de Dieu"; et ils ont nommé Béelzebûl ...comme si Dieu n'était
pas assez fort pour chasser le mal du monde, comme il veut et quand il veut !
Jésus
leur a montré le non-sens de ce qu'ils disaient : un royaume s'effrite s'il est
divisé, une dynastie s'éteint quand les frères s'y disputent le pouvoir ; dès
lors comment lui, Jésus, pourrait-il pactiser avec Satan, le puissant, le fort
de ce monde, puisqu'il est venu justement le "ligoter, piller sa maison"
et nous arracher de sa main ?
Ce
non-sens des scribes, c'est le non-sens même de notre incrédulité et le langage
de notre manque d'espérance. Quand nous refusons Dieu qui donne sens au monde,
le monde devient un leurre, une énigme, une incohérence, comme une histoire
dont on a perdu le fil. Quand nous ne reconnaissons pas l'Esprit de Dieu à
l'œuvre dans le monde, ce monde nous apparaît comme livré aux forces du mal et
du malheur.
En ce
monde moderne où Dieu nous a placés pour que nous portions du fruit, nous ne
voyons pas le Christ, tous les jours, expulser l'esprit du mal ; nous ne sommes
pas tentés de dire, comme les scribes : c'est Béelzebûl qui est au travail. Le
problème, pour nous, c'est que souvent nous ne voyons rien; et la tentation est
de nous dire : "Rien ne se manifeste ; aucune libération ne vient dans le
monde, dans l'Église, dans notre communauté, ou en nous-mêmes".
Où
est la force de Dieu ?
Où
repérer son amour ?
Où le
voir à l'œuvre ?
Où
est l'Esprit que Jésus nous a promis ?
Bien sûr, il n'y a pas en nous blasphème contre
l'Esprit, et pourtant nous disons "impasse" là où il faudrait dire
"espérance", nous parlons d'effort stérile là où il faudrait deviner
une germination, nous répétons : "servitude" là où il faudrait voir
le service. Et il arrive que nous rêvions d'une liberté qui n'est plus celle de
l'Esprit, et que nous passions, pour nous libérer, par des chemins où l'Esprit
ne passe pas. Il arrive même qu'en cherchant loyalement la liberté de l'Esprit
nous reprenions sans le vouloir les sentiers du monde, et que nous cherchions
la paix "comme le monde la donne", alors que l'Esprit déjà nous
l'apportait.
C'est
bien là notre misère : nous avons l'Esprit, et nous nous plaignons d'être seuls
! Nous avons la force et la lumière de l'Esprit, et nous nous encombrons des
demi-certitudes du monde ; Dieu nous donne la force pour aller de l'avant, et
nous retombons dans la crainte.
En
recevant ce matin le Corps et le Sang de Jésus ressuscité, écoutons-le nous
redire pour aujourd'hui, "rien que pour aujourd'hui" : "J'ai
vaincu le monde !"