"Rien de secret"

                                                                                                                                               Lc 12,2-3

 

 

 "Il n'y a rien de voilé qui ne doive être dévoilé,

  rien de secret qui ne doive être connu."

 

Ces paroles de Jésus, et le court commentaire qu'il en donne aussitôt, sont à entendre probablement à deux niveaux.

 

² Jésus semble viser d'abord le comportement moral des disciples. Il vient de les mettre en garde contre l'hypocrisie, qu'il appelle "le levain des Pharisiens", et il les exhorte maintenant à se garder de toute dissimulation. Un homme, en effet, ne pourra pas toujours donner le change: tôt ou tard il laissera voir son être profond et ses véritables motivations. De plus, ce qui peut être caché un moment aux hommes n'est pas secret pour Dieu. Dès lors toutes nos précautions sont vaines, toutes nos cachotteries sont inutiles: la vérité a sa logique, et c'est elle qui triomphera. Rien ne sert de camoufler ni de calculer: à ce jeu nous serions perdants. Ne prenons pas ce risque: notre habileté se retournerait contre nous.

D'emblée Jésus veut donc placer toutes nos paroles et toute notre action dans la lumière exigeante de l'Évangile. Il nous demande de n'accepter en nous aucune motivation qui soit inavouable, de n'admettre en nous aucune habileté qui biaise avec notre vérité ou qui blesse celle des autres; car l'hypocrisie, elle aussi, sera mise tôt ou tard en lumière. Seule la vérité libère et fait grandir.

 

² À un deuxième niveau la parole de Jésus concerne le rayonnement apostolique des disciples et l'annonce de la bonne nouvelle; et Jésus précise: "C'est pourquoi tout ce que vous aurez dit dans les ténèbres sera entendu au grand jour, et ce que vous aurez dit à l'oreille, dans les pièces les plus retirées, sera proclamé sur les toits".

Là encore la transparence est nécessaire, et tranchera sur les habitudes que Jésus reproche aux Pharisiens.

Là surtout la vérité est seule admise, car le Fils de Dieu lui-même est le contenu du message: "Nous prêchons un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens" (1 Co 1,23).

Mais cette annonce du mystère de Jésus-Christ, même si elle déroute les prévisions des hommes, est destinée à la terre entière, car "l'Évangile est une force de Dieu pour le salut" (Rm 1,16), et la proclamation de la parole est dotée par l'Esprit d'une puissance qui la rend efficace et finalement triomphante. Ce que nous aurons dit du message de Jésus en toute discrétion dans le secret d'une chambre ou d'un bureau, ce que nous aurons suggéré à l'oreille d'un frère ou d'une sœur à la recherche de Dieu, sera peut-être redit, amplifié, proclamé, divulgué au grand jour, de terrasse en terrasse, de journal en revue, de radio en radio.

Dans cette certitude de la victoire de la parole, tout au long du temps de l'Église, s'enracine la hardiesse des témoins de l'Évangile. Parce qu'ils sont adossés aux promesses du Christ, ils ne se laissent pas intimider par les calomnies ou les menaces, ni paralyser par leurs propres limites. Leur fidélité peut fléchir à certaines heures et leurs projets missionnaires échouer en partie, mais "la parole du Seigneur accomplira sa course" (2 Th 3,1).

 

² Ce succès du message sera, en tout temps, l'œuvre de l'Esprit, et échappera souvent à nos prévisions comme à nos analyses. Dans bien des cas nous ne pourrons articuler la parole de Dieu qu'avec précaution, et sur le mode de la confidence, au moment où le cœur de l'homme sera prêt à la recevoir. Parfois des mois de témoignage muet seront nécessaires pour préparer et authentifier une référence à l'Évangile, et lors des persécutions les témoins de Jésus se verront contraints de "parler dans les ténèbres". Mais le moment du dévoilement viendra toujours, à l'heure de Dieu, et jusqu'à l'heure de la grande moisson les missionnaires de Jésus travailleront dans l'espérance, "pleins d'assurance en l'appui du Seigneur, qui rendra témoignage à la parole de sa grâce" (Ac 14,3).

 

 

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