L'ami qui se laisse fléchir

                                                                                                                                    Lc 11,5-13

 

    

Le Seigneur nous propose aujourd'hui deux paraboles en une: celle de l'ami qui se laisse fléchir, et celle du père qui n'a dans le cœur et dans les mains que de bonnes choses pour son fils.

Mais les deux débouchent sur la même leçon: Dieu aime qu'on insiste dans la prière, et on arrive toujours à le toucher.

 

² Si déjà l'ami importuné finit par se lever de guerre lasse, à plus forte raison Dieu ne nous fera-t-il pas trop attendre. D'ailleurs il n'y a pour lui ni nuit ni sommeil, et il ne risque pas de réveiller personne, car chez Dieu  personne ne songe à dormir.

Si déjà un père humain n'a pas de raisons de décevoir ou de tromper son enfant, s'il n'ira pas lui donner, au lieu du poisson ou de l'œuf qui peuvent le nourrir, le serpent ou le scorpion qui vont le faire mourir, à plus forte raison Dieu ne va-t-il pas détruire en nous l'enfant qu'il a engendré par l'Esprit Saint .

 

²     Ainsi, comme très souvent dans ses paraboles, Jésus veut nous montrer aujourd'hui que nous nous trompons sur le cœur de Dieu, que nous n'avons pas idée de sa tendresse, et que nous ne comprenons pas à quel point notre prière le touche.

Que nous priions pour un ami ou pour nous-mêmes, si nous partons battus, c'est que nous ne croyons pas à l'amour du Père. Souvent nous nous plaignons de ne pas être exaucés;  mais que valait notre prière? Il y a tant de choses pour lesquelles nous sommes d'avance résignés:

résignés à telle tiédeur dont nous n'attendons plus d'être délivrés,

résignés à telle misère que nous admettons déjà comme une fatalité,

résignés à une compréhension moyenne des "bonnes choses" de Dieu, alors que Dieu n'attend que notre désir pour nous faire entrer dans son mystère,

résignés à telle rupture ou à telle froideur envers nos frères, au point d'imaginer que Dieu, lui aussi, a classé les êtres définitivement.

Trop vite on cesse de demander, on cesse de chercher, on ne frappe plus à la porte de Dieu; ou bien l'on frappe comme en s'en allant, sans attendre qu'il ouvre. Mais cette résignation camoufle souvent les petitesses de notre amour. Celui qui insiste peu, aime peu. Celui qui n'espère pas pour tout reste à mi-chemin de l'amour.

 

²  Évidemment nous ne pouvons pas attendre de Dieu qu'il aille au devant de nos caprices. Il préfère nous traiter en adultes, quitte à nous réserver de loin en loin de ces petites surprises toutes divines que nous sommes seuls à pouvoir reconnaître et qui font jaillir en nous l'action de grâces des pauvres.

Dieu connaît les bonnes choses qui nous conviennent, et nous savons en tout cas qu'il nous accordera sans mesure son Esprit Saint, si nous le demandons pour nous et pour nos frères.

Quant aux amis qui viennent à nous sans prévenir, au hasard des routes de la vie; quant à tous ceux qui comptent sur nous et dont la confiance pèse si lourd parfois, dans la nuit où nous sommes, nous savons d'avance qu'il y a une place pour eux dans le cœur du Père et que Dieu, pour eux, nous prêtera de son pain.

 

 Cherchons, demandons, frappons à la porte; c'est toujours Dieu lui-même  qui vient ouvrir.

La porte s'ouvre, en tout cas, à chaque Eucharistie: Dieu nous donne son Fils, et c'est déjà toute sa réponse.

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