Les tanières

                                                                                                                         Lc 9,57-62

                                                                                                          Os 10,1-8

    "Sauve-nous, Seigneur! Il n'y a plus de fervent:

  la vérité a disparu parmi les fils des hommes!" (Ps 12,2)

 

  Ce qui paralyse la mission de l'Église, c'est que nous n'en finissons pas de nous mettre en marche vers une vraie fidélité; et ce qui rend vains bien souvent nos efforts, c'est que nous gardons "un cœur double".

 

Un cœur double, parce que nous hésitons encore entre l'être et l'avoir et que nous versons à notre compte les dons que Dieu nous fait, comme l'Israël pécheur que le prophète Osée prend à partie: "Plus son pays devenait riche, plus riches il a fait ses idoles".

 

Un cœur double, parce qu'il en reste aux velléités: "Je te suivrai, partout où tu iras!"

Nous avons dit cela, nous aussi; nous avons promis cela. Mais nous hésitons quand la parole de Jésus peu à peu nous révèle le véritable style des disciples: pas de tanière, pas de nid; et pour nous que le Christ appelle à plein temps au service du Royaume, pas de foyer, pas d'autre tendresse que celle que nous donnerons, au nom du Christ, aux plus déshérités; pas de repos, avant de nous reposer dans l'aujourd'hui de Dieu.

 

Un cœur double, car il se soucie encore d'enterrer le passé, alors que la vie ne peut plus attendre, que le Règne de Dieu a fait irruption dans le monde et que désormais "la charité du Christ nous presse" (2 Co 5,14).

 

Un cœur double, enfin, parce qu'il pose encore à Dieu des préalables: "Je te suivrai, Seigneur, plus tard ..., pas aujourd'hui , ... permets-moi d'abord ..."

Si nous voulons être "qualifiés pour le Royaume", si vraiment nous avons mis la main à la charrue, nous pouvons et devons abandonner le passé à la miséricorde de Celui qui appelle. Il n'y a plus à "regarder en arrière" vers les joies que l'on quitte ou les peines qu'on voudrait remâcher, mais droit devant, vers le sillon à tracer aujourd'hui, appuyé sur celui d'hier, parce que le Semeur, derrière nous, va sortir pour semer.

 

C'est ainsi que le fardeau s'allège; et le joug de cette loi nouvelle de Jésus devient chaque jour plus agréable.

L'Évangile déploie ici encore ses paradoxes:

 

Le chemin étroit de Jésus, sa route d'exigence, n'apporte que joie et liberté;

la hâte de Jésus apaise tous les désirs;

le don qu'il nous demande nous enrichit, car il s'agit toujours d'aimer davantage.

 

Le cœur nouveau qu'il attend de nous est avant tout le cœur qu'il nous donne,

et pour sonder nos propres profondeurs, il nous envoie l'Esprit,

qui scrute les profondeurs de Dieu (1 Co 2,10).

 

Alors notre regard s'épure, se simplifie, et se concentre sur l'unique nécessaire,

car l'Esprit du Dieu Un refait en nous l'unité de notre être

et suscite en nous la prière de l'homme nouveau:

 

"Unifie mon cœur, pour qu'il révère ton Nom!" (Ps 86,11)

 

 

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