Les épis arrachés
Lc 6,1-5
² Dans le temple de Jérusalem on déposait, chaque sabbat, douze pains de fleur de farine, en deux rangées de six, sur la table d'or, devant Yahweh. Seuls les prêtres, fils d'Aaron, pouvaient les manger, chaque semaine, dans un lieu sacré (Dt 24,9). David, poussé par la nécessité, n'avait pas craint de prendre ces pains et de les distribuer à ses compagnons.
Quant aux épis, objet de la critique des Pharisiens, la Loi à leur propos n'était pas exigeante. Le Deutéronome stipulait seulement: "Si tu traverses les moissons de ton prochain, tu pourras arracher des épis avec la main, mais tu ne porteras pas la faucille sur la moisson de ton prochain"(Dt 23,26).
L'unique tort des disciples était donc de faire le jour du sabbat ce qui était permis en semaine. Seuls, d'ailleurs, les Pharisiens y trouvaient à redire, parce que, à leurs yeux, froisser des épis était un travail répréhensible le jour du sabbat.
² Jésus ne pouvait admettre le pouvoir que s'arrogeaient les Pharisiens de faire la loi sous couleur de la commenter. C'est pourquoi il répond lui-même à la question posée aux disciples.
Dans un premier temps, il fait mine de s'abriter derrière le précédent de David: on ne fait pas grief au roi d'avoir mangé les douze pains de la maison de Dieu; pourquoi reprocher aux disciples les quelques grains qu'ils ont mastiqués?
Puis Jésus prend de la hauteur et répond sur le fond des choses: David s'était senti libre par rapport à une règle édictée par les prêtres; le Fils de l'Homme se déclare libre devant le sabbat, institué par Dieu mais réglementé par les hommes. Libre, non pas pour l'abolir, mais pour l'équilibrer et l'intérioriser dans le sens voulu par Dieu. Le Fils de l'Homme est maître du sabbat, du repos sacré des hommes, parce qu'il sait ce qu'est le repos sacré de Dieu.
² Plus largement encore, c'est lui, le Fils fait homme, qui nous transmet désormais toute la volonté de Dieu et qui nous montre comment le Père veut être écouté, obéi, servi et célébré.
Plus grand que David, plus libre encore que lui dans la maison du Père, c'est Jésus qui nous fera entrer dans le grand repos de Dieu , c'est lui qui nous le fait anticiper dès ici-bas:
"Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau,
et moi, je vous donnerai le repos" (Mt 11,28).
Si déjà le repos que l'homme prend ou respecte lui fait partager la joie de Dieu à l'achèvement de l'univers, combien plus le repos que Jésus donne nous fera-t-il entrer dans la joie du Père devant son œuvre de recréation. Désormais c'est le Christ, notre maître, qui rythme, par son Esprit, les travaux et les jours de notre vie de foi. C'est lui qui nous dit, de temps à autre, comme aux premiers disciples: "Reposez-vous un moment, à l'écart", et qui nous donne toujours quelques grains à froisser lorsque la route est longue et l'étape lointaine.
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