Saint Jean de la Croix

Is 43,1-5

Ph 3,17-4-9

Jn 15,9-12

"Demeurez dans mon amour", dit Jésus;

 demeurez dans l'amour que j'ai pour vous".

 

Et immédiatement le Seigneur nous indique le chemin qui nous permettra de durer, de demeurer dans son amour : la fidélité à son commandement,

à ses commandements,

à son commandement d'aimer comme Lui a aimé,

à ses commandements, qui tous suggèrent une nuance de l'amour.

 

Dans notre recherche ardente de Jésus, nous sommes à l'affût de tout ce qui va donner un visage à cette fidélité qu'il attend de nous. Aujourd'hui il nous suffit de tendre l'oreille au message d'Isaïe et aux consignes de Paul pour découvrir, tout proche de nous, un chemin de pauvre, celui-là même qu'a aimé St Jean de la Croix.

 

²    "Ne crains pas", dit Dieu par le prophète Isaïe.

Voilà bien une manière d'aimer et une preuve d'amour : lâcher toute crainte, écarter doucement toute peur, simplement parce que nous sommes aimés et que Dieu tient à nous :    

"Je suis le Seigneur ton Dieu.

 Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t'aime."

Pourrons-nous jamais nous habituer à entendre Dieu dire :" Je t'aime"!

 

"Je t'ai racheté, je t'ai appelé par ton nom", dit le Seigneur d'Israël ;

et il ajoute, dans le langage de la réciprocité, le langage de l'Alliance:

"tu es à moi, ne crains pas, car je suis avec toi".

 

Dieu demeure toujours avec nous parce que nous sommes à lui ; et ce serait faire injure à son amour et à sa présence que de craindre encore, pour l'avenir ou le présent, alors que Lui est là, avec son projet de vie, avec sa joie de faire vivre.

 

Parce que Dieu nous aime, il faut oser l'aimer :

"Oh! combien douce me sera ta présence, Toi qui es le Bien suprême, écrit Jean de la Croix . Je m'approcherai silencieusement de Toi [...] pour que tu daignes m'unir à Toi en mariage. Et je refuserai toute joie jusqu'à ce que je sois heureuse en tes bras. Et maintenant je t'en prie, Seigneur, ne me laisse plus dans mon isolement, car je ne puis que gaspiller mon âme" (Max.75)

 

²    Un autre sentier de fidélité nous est indiqué, par Saint Paul cette fois, quand il affirme aux Philippiens:  "Nous sommes citoyens des cieux !"

Avoir notre cité et notre droit de cité dans le ciel, croyez-vous que cela nous rende étrangers à la terre, indifférents au monde que les hommes bâtissent ? Bien au contraire ! Le chrétien aime d'autant plus ses frères qu'il voit en chacun un fils de Dieu promis à la gloire, attendu par Dieu pour la vie de Dieu même. Il assume d'autant plus le malheur du monde et les souffrances des humains qu'il "attend comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l'image de son corps glorieux". Le chrétien ne sait pas plus que les autres comment va le monde, mais il sait où va le monde, il sait où Dieu le mène, et il œuvre de toutes ses forces pour le donner au Christ,  pour le livrer "à sa puissance de ressuscité, qui le rend capable de tout dominer", de tout transfigurer.

 

La référence à Jésus glorieux, à la gloire qu'il nous prépare et nous promet, éclaire tout notre destin et tous ses paradoxes. C'est parce que nous vivons de Jésus vainqueur que nous sommes dans le monde sans être du monde. C'est parce que notre vie est "cachée en Dieu avec le Christ" (Col 3,3) que nous aimons avec tendresse ce monde "dont la figure passe" (1 Co 7,31), et "tout ce qui dans le monde est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d'être aimé et honoré" (Ph 4,8).

 

Seule aussi cette allégeance au Christ de la gloire rend compte de 1a hardiesse du croyant qui met sa fierté dans la Croix de Jésus.

"Que sait, dit Jean de la Croix, celui qui ne sait pâtir pour le Christ? "

"Si vous voulez parvenir à posséder le Christ, ne le cherchez jamais sans sa croix".

    "Il convient que la croix ne nous manque pas, comme à notre Aimé, jusqu'à la mort d'amour".

 

Faut-il voir là des exagérations du langage spirituel ? ou une présentation maintenant dépassée de l'itinéraire chrétien ? Non pas, car le peuple de Dieu, depuis vingt siècles, a fait preuve de la même audace en révérant le crucifix, en proposant le Crucifié au regard de tous, près de l'autel, dans l'espace le plus sacré.

L'Église ne cache pas l'horreur de la croix, mais elle lit dans la croix de Jésus l'horreur transfigurée en beauté par la miséricorde du Père, elle voit dans la croix l'arbre de vie, l'affirmation de 1a gloire victorieuse.

 

    C'est le même regard de douceur et d'espérance que Jean de la Croix porte sur les mille croix qui jalonnent le parcours de la fidélité :

" L'âme qui ne prétendra rien que de garder parfaitement la loi de Dieu et de porter la croix de Jésus Christ sera la véritable arche (d'Alliance), et aura en soi la vraie manne qui est Dieu" (MC I,6).

 

²    En lien direct avec cet optimisme chrétien, l'optimisme de la gloire, saint Paul nous propose un troisième réflexe de fidélité, un troisième test de notre amour :

"Réjouissez-vous constamment dans le Seigneur".

 

C'est ce que saint Jean de la Croix appelait "la joie du cœur", "la joie de l'Esprit Saint", "la joie de Dieu en l'âme", "la joie que l'on recueille en Dieu".

C'est la joie du croyant qui reçoit tout de la main de Dieu :
" Du moment que je vais partout avec toi, mon Dieu, tout m'arrivera heureusement partout, comme je le veux pour toi".

C'est la joie de l'ami de Dieu, pour qui la flamme vivante de l'Esprit Saint n'a plus aucune rigueur. C'est la joie du disciple qui se laisse purifier et conduire :

    "Que sert-il de donner à Dieu une chose s'il en demande une autre de toi ? Considère ce que Dieu veut de toi, et fais-le ! Par ce moyen tu satisferas plus pleinement ton cœur que par les choses auxquelles tu te portes de toi-même".

 

Joie réaliste, donc, et joie courageuse, qui est donnée, jour après jour, à qui accepte de préférer Dieu ; et Jean de la Croix développe toute une pédagogie de la joie, qui est un raccourci vers la vraie conversion.

Mais Dieu n'est pas en reste de générosité :

"Pour une joie quittée pour Lui, il en rendra cent dès cette vie", et "dans l'autre un poids de gloire immense".

Même sur notre route de petits et de besogneux, Dieu possède le secret de nous donner de loin en loin, quand il nous visite ou quand il nous exauce, un avant-goût de la joie qu'il réserve, dès ici-bas, à l'âme qui le cherche sans compromis :

"Elle chemine toujours comme en fête, et porte d'ordinaire, dans le palais de son esprit, comme un cantique nouveau, toujours nouveau, mêlé d'allégresse et d'amour".

 

*

Abandonner toute crainte,

se passionner pour la gloire du Christ,

se laisser investir par la joie de Dieu :

trois chemins inédits pour la fidélité, trois réponses d'amour :

  "Prends Dieu comme époux et comme ami

    et marche continuellement avec Lui,
           par ce moyen, tu éviteras le péché,
           et tu apprendras à aimer".

 

 

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