"Jean n'a fait aucun signe"

Jn 10,41

 

 

 

 

"Jésus s'en retourna au-delà du Jourdain, à l'endroit où Jean avait commencé à baptiser. Et ils furent nombreux à croire en lui."

 

² Ces quelques versets du quatrième évangile amorcent déjà la conclusion du ministère public de Jésus. Jésus quitte Jérusalem, il s'éloigne des responsables juifs qui lui sont hostiles, il traverse le Jourdain, et il va trouver là, hors de Judée, la foi qu'il n'a pas rencontrée chez ses compatriotes.

Parmi ces hommes nombreux qui viennent à lui et qui croient il faut compter probablement beaucoup d'anciens disciples du Baptiste qui habitaient cette région de "Béthanie au-delà du Jourdain", et qui avaient profité de la prédication du Baptiste avant son arrestation.

 

² Cette incursion de Jésus à l'étranger est importante aux yeux des évangélistes et de Jean en particulier. Elle indique que Jésus s'est mis à moment à l'abri des menaces qui pesaient sur lui; mais elle souligne beaucoup plus encore que Jésus reviendra volontairement au devant de la mort: quand il quittera les bords du Jourdain pour monter à Jérusalem, il le fera de son plein gré, et pleinement conscient de ce qui l'attend. Cette attitude de lucidité dans le sacrifice, Jésus l'avait décrite lui-même en parlant du bon berger: "Personne ne m'enlève ma vie, mais je la donne de moi-même; j'ai le pouvoir de la donner et j'ai le pouvoir de la reprendre: tel est le commandement que j'ai reçu de mon Père".

La mort de Jésus ne sera donc pas un hasard malheureux, mais un acte d'obéissance à la volonté mystérieuse du Père. Jésus n'a jamais accepté qu'on lui vole sa mort tant que son heure n'était pas venue, parce qu'il voulait donner à cette mort tout son poids d'amour.

Il y a là sans doute une leçon pour nous, qui sommes toujours tentés de reprendre ce qu'une fois pour toutes nous avons donné. Nous avons livré à Dieu notre vie et notre mort, et pourtant nous crions vite comme des écorchés vifs dès que des frères ou des sœurs nous arrachent à l'improviste un lambeau de cette vie que nous avons donnée. Trop souvent nous vivons les sacrifices comme une injustice qui nous est faite, comme une souffrance qui nous est imposée de l'extérieur, et nous réagissons en victime de nos frères, comme si toute notre existence n'était pas d'avance sacrifiée, donnée, livrée à Dieu.

Il nous faut donc, surtout au temps de la Passion, regarder longuement Jésus montant à Jérusalem, Jésus lucide, Jésus courageux, afin de pouvoir dire, comme lui et avec lui: "Personne ne me prend ma vie, c'est moi qui la donne".

 

² Il y a d'ailleurs bien des manières de donner concrètement sa vie à Jésus, mais ces braves croyants d'au-delà du Jourdain nous en proposent une dans le témoignage qu'ils rendent au Baptiste, leur ancien maître: "Jean, disent-il, n'a opéré aucun signe, mais tout ce qu'il a dit de cet homme était vrai!"

Jean le Baptiste n'a rien fait d'éclatant; il n'a guéri personne, ressuscité personne. Il a seulement parlé, il a rendu témoignage à Jésus de toutes ses forces, au milieu des foules et jusque dans sa prison; mais tout ce qu'il a dit de Jésus était vrai: oui, c'était bien Jésus qui allait nous baptiser, nous plonger dans l'Esprit"; oui, c'était bien lui, l'Agneau de Dieu qui devait ôter le péché.

Quel programme pour nous! Nous ne ferons aucun miracle; seul Dieu en fera, à notre prière. Mais tout ce que nous dirons de Jésus sera vrai; vrai, parce que nous ne fausserons pas sa parole; vrai, parce que sa parole nous aura convertis avant que notre parole lui rende témoignage. 

 

 

Face à la passion de Jésus, face à Jésus bafoué, crucifié, transpercé, nous savons bien, dès aujourd'hui, comment il nous faut réagir pour être vrais, pour dire vrai au nom de Jésus. Nous savons les oui et les non que Jésus attend de nous, sans égard à toutes les complaisances d'un monde qui nous récupère. Nous savons quelle douceur, quelle paix il veut apporter au monde au creux même de notre sacrifice; nous devinons quel engagement résolu Jésus réclame de ceux qui veulent l'aimer.

 

 

"Allons, nous aussi, à Jérusalem, pour mourir avec lui" (Jn 11,16).

 

 

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