"De son sein couleront des fleuves d'eau vive"

Jn 7,37-39

 

 

 

 

 

² La fête des Huttes se célébrait en septembre, durant huit jours, à l'époque des vendanges. On y rappelait la fidélité de Dieu au cours de l'Exode, on remerciait Dieu pour les récoltes présentes, et l'on redisait l'espérance d'Israël concernant le temps du Messie et les bénédictions qu'il apporterait.

L'un des rites les plus parlants et les plus joyeux de cette fête des Huttes était la procession de l'eau. Les hom­mes, rassemblés, descendaient dans la vallée jusqu'à la source de Gihôn, puis, en dansant, il remontaient jusqu'au Temple, tenant en mains un cédrat et un bouquet de verdure, fait de branches de saule, de myrte et de palmier. Arrivés au Temple, chacun venait frapper l'autel avec sa poignée de verdure comme pour appeler de belles pluies d'automne, et un prêtre versait sur l'autel l'eau de Gihôn apportée dans un broc d'argent. Le chant traditionnel de cette procession était celui que nous reprenons chaque dimanche: "Dieu, le Seigneur, nous illumine. Rameaux en mains, formez vos cortèges jusqu'aux coins de l'autel" (Ps 118,27). Bien évidemment le triple symbolisme de l'eau, de la verdure et des fruits trahit l'origine agricole de la fête. Même les huttes étaient primitivement des cabanes de feuillage où les vignerons s'abritaient durant quelques nuits.

 

² On comprend que Jésus ait choisi cette fête de la joie, de l'action de grâces et de l'espérance, pour une révélation toute nouvelle qu'il voulait faire à la foule des pèlerins.

Au jour le plus solennel de la fête, dans les parvis du Temple, tout à coup Jésus se mit à crier: "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi; qu'il boive, celui qui croit en moi! Comme dit l'Écriture: 'De son sein couleront des fleuves d'eau vive!"

Autrement dit: "Vous voulez de l'eau, vous cherchez l'eau, vous fêtez l'eau, vous demandez à Dieu l'eau vive? c'est moi qui vais vous la donner!"; et l'invitation de Jésus dessine déjà toute un itinéraire spirituel.

Au point de départ: la soif. Il faut avoir soif, il faut retrouver la soif, il faut préserver en soi cette richesse de la soif, non pas parce qu'elle est une souffrance, mais parce qu'elle est un appel. Nous nous plaignons parfois au Seigneur de ne plus ressentir cette soif de lui qui a été si forte au moment de nos grandes promesses; mais nous ne cessons pas de boire à toutes les fontaines immédiates, fontaine du succès, fontaine du pouvoir, fontaine de l'influence, fontaine de la parole bavarde qui ne désaltère jamais personne, fontaine de l'écoute gourmande qui dévalue toute parole et qui fausse les liens de la fraternité.

Quand, au contraire, la soif est bien présente au point de départ, on vient au Christ, on se met en marche vers lui. Le Christ devient ou redevient l'urgence première, son amour de nouveau rassemble tous les désirs, la sour­ce qu'il  promet devient l'unique nécessaire. On vient au Christ, et c'est cela, la foi.

"Celui qui croit en moi, dit Jésus, qu'il boive"; qu'il boive pour vivre, qu'il boive de cette eau qui lui a trop man­qué et qui va rendre à tout son être la santé et la fraîcheur.

 

² Or ce que le Christ donne à boire, c'est son Esprit, l'eau vive, l'eau insaisissable, l'eau toujours en mouvement, l'Esprit, force efficace de Dieu, force tellement divine qu'elle est, en Dieu, une personne. Bien sûr l'Esprit a été à l'œuvre pour le bonheur des hommes depuis qu'il y a des hommes qui cherchent le bonheur; et pourtant, selon Jean, au moment où Jésus crie cela dans le Temple, "il n'y avait pas encore d'Esprit", l'Esprit n'avait pas encore inauguré son rôle d'autre Paraclet, parce que Jésus, premier Paraclet, était encore en ce monde, lui qui était pas de ce monde. Le coup de lance n'avait pas encore percé le côté de Jésus, la passion glorifiante n'a­vait pas encore achevé l'œuvre du Fils, et l'humanité du Christ, qui manifestait déjà la gloire du Père, était encore assujettie aux  limites de notre terre.

Et c'est pourquoi l'évangéliste parle au futur: "Jésus désignait ainsi l'Esprit que devaient recevoir (plus tard) ceux qui croiraient en lui". Ce futur, inouï, est devenu notre quotidien. Parce que Jésus est mort et ressuscité, nous vivons les merveilles de l'Esprit, qui nous murmure ce que Jésus a crié, qui nous remémore ce que Jésus, sur terre, a révélé, qui nous conduit, à partir de la parole de Jésus, jusqu'à la vérité tout entière, et qui fait vivre en nous le message du Père, pour lequel Jésus est mort.

En buvant l'eau vive, voici que nous remontons à la source. En buvant l'Esprit, nous voici en communion avec le Fils qui nous l'envoie d'auprès du Père, avec le Père qui nous le donne au nom du Fils.

Nos yeux ne voient pas, nos mains ne touchent pas le Verbe de vie, mais l'Esprit est là, qui poursuit l'œuvre  du Fils et achève toute sanctification

pour tous ceux qui ont soif.

 

 

 

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