"Si le monde vous hait"

Jn 15,18-21

 

 

 

 

 

 

"Ce que je vous commande, disait Jésus en commentant l’apologue de la vigne, c’est de vous aimer les uns les autres". Curieusement le texte se poursuit par dix versets sur la haine, la haine du monde pour Jésus et pour ses disciples.

 

² Pour comprendre la pensée de Jésus, il faut ici nous familiariser avec le langage du quatrième Évangile. Quand Jésus, dans saint Jean, parle de    monde, il s’agit, selon les textes, de trois choses différentes.

Ou bien "le monde" désigne la terre et les hommes qui l’habitent: "Je suis venu dans le monde" (18,37), "Le Père a envoyé le Fils dans le monde" (10,36); ou bien "le monde" vise uniquement l’ensemble de l’humanité, que Dieu veut sauver: "Dieu a tant aimé le monde" (3,16), "Je suis la lumière du monde", c’est-à-dire la lumière pour tous les hommes (8,16); ou bien encore - et c’est le cas dans ce passage d’évangile - "le monde" désigne ceux qui s’opposent au message de Jésus, et donc à l’initiative du Père: c’est le monde du      refus.

 

² "Si le monde vous hait, dit Jésus, sachez qu’il m’a haï avant vous".

Il ne s’agit pas d’une haine secrète, qui reste tapie au fond des cœurs: c’est une haine active et efficace, qui va jusqu’à la persécution: "S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront, vous aussi"; et l’histoire contemporaine ne cesse de vérifier cette prophétie du Seigneur: de la calomnie au goulag et au massacre tribal, tous les moyens sont bons pour faire taire les disciples de Jésus.

 

² Ce que le monde, le monde du refus, ne supporte pas, c’est la différence. Ce que l’on reproche aux chrétiens, c’est d’aborder les réalités de l’homme, de son présent et de son avenir, avec d’autres critères, d’autres certitudes, et dans d’autres perspectives. Le chrétien, qui vit dans le monde, n’est pas de ce monde, car l’Esprit Paraclet lui apprend d’où il vient et où il va. Le chrétien échappe au monde du refus et à son entreprise d’autonomie par rapport à Dieu; et cette liberté filiale dans l’obéissance à Dieu, le monde ne la pardonne pas aux disciples de Jésus: "Moi, je vous ai choisis en vous tirant du monde, voilà pourquoi le monde vous hait".

 

² En fait cette haine du monde ne fait pas échec à Dieu ni à son dessein de salut, car l’œuvre de haine, la persécution, loin de séparer le croyant de son Sauveur, intensifie sa relation au Fils et au Père. Mieux encore, la persécution nous fait entrer dans la réponse filiale de Jésus à son Père.

Parce qu’ils ne connaissaient pas et n’acceptaient pas Dieu qui envoie, des hommes du refus ont persécuté Jésus l’Envoyé, obéissant jusqu’à la mort; et en refusant Jésus, d’autres hommes du refus haïssent au long de l’histoire tous ceux que Jésus envoie. Le procès intenté à Jésus et qui l'a mené à la croix se perpétue en procès contre son Église sainte. Le chrétien serviteur "n’est pas plus grand que son maître", comme le disait déjà Jésus au moment du lavement des pieds. De même l’Église servante épouse tout le destin de son Seigneur: destin de service, destin d’obéissance inconditionnelle.

 

² Ne voyons là aucun masochisme, aucun goût de l’échec, car l’Église ne se précipite pas vers l’incompré­hension, pas plus qu’elle ne défie les persécuteurs. Simplement, Jésus a voulu pour nous ce réalisme: tant que le refus traînera dans le cœur des hommes, il en coûtera toujours d’aimer et de servir le Christ. Et cette certitude de reproduire le mystère du Christ à travers les persécutions prévient en nous tout étonnement et tout scandale: "Ne vous étonnez pas, disait saint Jean, si le monde vous hait" (1 Jn 3,13).

 

 

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