Selon le don de l'Esprit

Jn 14,15-26

Act 2,1-11

Rm 8,8-17

 

Profession solennelle d'une sœur 

 

 

Pas de vent violent qui secoue la maison; pas de foule aux abords du monastère; et pourtant l'Esprit Saint vient sur nous tous, en cette  nouvelle Pentecôte.

Il vient sur vous, ma Sœur, comme le sceau de l'alliance que vous passez avec Jésus; et aujourd'hui tout spécialement, dans votre joie d'être toute à Dieu, et entourée de tous ceux que vous aimez, vous pouvez vivre ce don de l'Esprit

         - comme une grâce de vie en Église,

         - comme une grâce qui vous rend plus intensément fille de Dieu,

         - et comme une grâce à accueillir, au Carmel, à la manière de la Vierge Marie.

 

² Dès la naissance de l'Église, l'Esprit a donné aux disciples un cœur universel. Ce jour-là on entendait dans les rues de Jérusalem une bonne partie des langues du monde connu; et l'Esprit Saint est venu au-devant de cette Babel des cultures par un don qui apportait à la fois l'unité et la diversité .

L'unité, parce que tous les Apôtres rendaient témoignage au même Seigneur et à sa résurrection. La diversité, parce que chacun des pèlerins "entendait proclamer dans sa langue les hauts faits de Dieu".

Pour chacun des témoins du Christ, la grâce missionnaire de la Pentecôte impliquait donc aussi une grâce d'adaptation et d'ouverture, car on ne parle pas la langue des autres sans devenir un  peu autre soi-même. Ce jour-là, la langue maternelle de chacun, la langue de son enfance et de sa jeunesse, n'aurait servi à rien, car "chacun s'exprimait selon le don de l'Esprit". Il fallait donc que chaque témoin se laisse déposséder un instant de sa mémoire, de son passé, de ses habitudes mentales, pour qu'à travers lui l'Esprit se fraye le chemin vers une autre culture.

Dans l'Église de Jésus, l'Esprit nous est donné pour parler la langue des amis de toujours, mais aussi pour apprendre la langue des frères et des sœurs de rencontre, la langue de l'étranger, du nouveau, de l'exclus. Et c'est le même Esprit qui nous rend capables d'entrer, pauvrement et joyeusement, dans la parole de Jésus, de prier, de louer, de chanter à l'unisson de toute communauté qui nous accueille. Plus l'Esprit Saint nous ouvre à la mission, plus il nous confronte aux différences et nous demande de les habiter, sans surprise, sans raideur, sans impatience.

Au jour de la Pentecôte, en effet, unique était le feu qui descendait sur tous, et pourtant une langue différente se posa sur chacun.

 

² Au cœur de l'Église, ma Sœur, l'Esprit de Jésus veut vous mener à la vérité tout entière; il veut épanouir votre être de fille de Dieu.

Voilà bien des années, vos parents, tout heureux, vous ont portée à l'église, insouciante dans sa robe de baptême. Ce jour s'est inscrit dans leur mémoire, mais aussi dans celle de Dieu, qui "se souvient de son amour". Depuis lors, pour Dieu rien n'a changé, mais vous, vous avez grandi sous son regard, et aujourd'hui, c'est en femme adulte que vous vous avancez pour ratifier solennellement l'alliance de vore baptême, pour suivre le Christ Jésus par le chemin montant du Carmel et veiller dans la prière et l'amour, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.

Pour cette longue route de votre vie consacrée, la liturgie de cette Pentecôte vous apporte trois certitudes qui vous ramèneront sans cesse à l'appel du premier jour.

 

Tout d'abord l'Esprit Saint veut vous guider à partir de la Parole, et la lumière chaque jourvous viendra de l'écoute.

Déjà le Seigneur, face à l'Écriture sainte, vous a fait la grâce de l'émerveillement; il a de plus ouvert votre intelligence à la langue de son peuple. Et vous savez par expérience que la Parole de Dieu, lue en Église et gravée sobrement en vous par l'Esprit Paraclet, vous apportera toujours, aux jours de joie comme aux moments d'épreuve, des mots pôur parler à Dieu, des ouvertures inattendues sur son mystère, et des forces neuves pour la conversion de votre cœur.

 

Autre certitude, suggérée cette fois par saint Paul: vous serez fille de Dieu dans la mesure où vous laisserez l'Esprit vous conduire.

Cette soumission à l'Esprit représente pour nous tous un long apprentissage. Il s'agit, en effet, de développer notre spontanéité sans cesser de vivre au compte du Seigneur, d'entrer activement dans l'aventure de la foi et de la mission sans mettre la main sur nos impressions, sur nos projets ou sur des schémas spirituels.

Souvent, nous laisser conduire par l'Esprit de Dieu, c'est nous laisser déplacer, dépayser, surprendre; c'est perdre nos appuis et nos repère familiers, et accepter de voir surgie dans notre vie ce qui jamais n'était monté de notre cœur.

 

Une ascèse généreuse vous attend donc, ma Sœur, par laquelle vous remettrez fidèlement à l'Esprit toute possession et tout désir. Mais par là vous vivrez à plein votre liberté de fille de Dieu. C'est la troisième certitude qui éclairera pour vcs la montée du Carmel.

L'Esprit Saint lui-même, dans la mesure où vous le laissez agir, "atteste à votre esprit que vous êtes enfant de Dieu", aimée de Dieu, choisie  par Dieu, héritière avec le Christ. Aujourd'hui surtout, l'Esprit, qui "vous fait connaître les dons que Dieu vous a faits", met en vous la force de lâcher toute peur et d'avancer vers Dieu en totale confiance. Aujourd'hui plus que jamais, un élan venu de l'Esprit de Dieu vous fait crier: "Abba! Père!". Et ce simple cri, que seul le cœur peut entendre, dit au Dieu de votre appel toute la joie qui vous envahit à la pensée d'être à lui pour toujours.

 

² Au cœur de l'Église, vous allez donc vivre parmi vos sœurs en libre fille de Dieu, vouée avec elles à la mission de Jésus; et pour cette offrande totale de vous-même vous êtes guidée par la Vierge Marie, en la fête de sa Visitation.

Elle aussi, elle la première, a voulu tout livrer, sans retour, à Dieu et à son dessein de salut, et tout en elle s'est accompli par la force de l'Esprit Saint.

Dès le jour de l'Annonciation, ce fut la promesse du messager: "L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut fera ombre sur toi" (Lc 1,35). "Il fera ombre", dit l'Ange. L'Esprit, lui, n'est pas dans l'ombre, car il n'est, en lui-même, que feu et lumière, flamme vive et embrasement; mais il crée une ombre, une ombre paradoxale qui à la fois cache et révèle, une ombre qui protège la vie, et dont votre voile sera le signe. C'est l'ombre où l'Esprit travaille, dans l'invisible, dans l'insensible, avec une divine efficacité. L'ombre où il fait grandir le Fils de Dieu.

Vous venez de dévoiler vous-même, ma Sœur, l'un des noms de cette ombre: la vie cachée du Carmel. Dans cette ombre du Carmel, tout est don, tout est gratuité. Les oeuvres ne sont pas mesurables, et bien souvent, même la charité n'est connue que de Dieu seul. Mais on travaille chaque jour pour l'éternité, et l'on vit chaque regard au niveau de l'universel.

 

Que Marie vous visite aujourd'hui, ma Sœur, et vous apporte sa paix. Mais surtout, qu'elle vous apprenne avec douceur, sur le chemin du Carmel, à faire de toute rencontre fraternelle une visitation où l'Esprit révèlera ce dont chacune est porteuse,

 

pour la joie de Dieu et le salut du monde.

 

 

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