"Nous avons contemplé sa gloire"

Jn 1,14

  

Nous avons contemplé sa gloire,

gloire [qu'il possède] en tant que Fils unique venant du Père.

 

 

² Souvent l'Écriture évoque la gloire, et cette notion de gloire nous semble tellement familière que nous oublions parfois de nous interroger sur son véritable contenu biblique.

Quand il s'agit de la gloire d'un homme, ce peut être sa renommée, son prestige, sa prestance, ou les honneurs qu'on lui accorde. Mais les hommes de la Bible se font une tout autre idée de la gloire de Dieu (hb. kabōd; grec: doxa). La gloire de Dieu, c'est, pour eux, tout à la fois la densité de sa vie et de sa présence, l'éclat de ses manifestations (le rayonnement saisissant de sa beauté et de sa sainteté), la majesté et la puissance de son action, dans la nature comme dans l'histoire.

S'agissant, ici, du Logos-Dieu qui a pris chair, c'est ce contenu très riche qu'il nous faut retenir: la gloire du Logos, c'est le Logos se manifestant comme puissance de lumière et de vie. Cette manifestation du Logos et de son mystère a commencé à travers la création, puis s'est poursuivie tout au long de l'histoire; elle s'est intensifiée dans l'Alliance de Dieu avec son peuple, et maintenant elle se condense dans l'homme Jésus.

La gloire du Logos va émaner de lui, de ses actions et de ses paroles: ce sera désormais la gloire de Jésus. Déjà, avant l'Incarnation, ceux qui ont reçu le Logos ont été vivifiés par le rayonnement de sa gloire; désormais ceux qui accueilleront le Logos fait chair verront sa gloire de Fils.

Mais elle ne tombera pas directement sous les yeux du corps. Le regard nécessaire sera le regard de la foi, un regard qui perce les apparences, un regard qui scrute, qui contemple et qui devine (souvent rendu, chez Jean, par les verbes théâsthai, théôrein).

 

² "Nous avons contemplé sa gloire", écrit l'évangéliste. C'est un événement qui s'est passé et inscrit dans le temps des hommes: des disciples, hommes et femmes, ont partagé la vie errante de Jésus, ils ont "mangé et bu avec lui" (Lc 13,26), ils ont été auditeurs de ses paroles et témoins de ses miracles (ses "signes", comme dit saint Jean). La gloire du Fils unique s'est donc donnée à voir; mais le regard des disciples a dû, pour cela, traverser les signes et les réalités quotidiennes de la vie de Jésus pour s'ouvrir au mystère de sa personne.

 

Une seule fois, lors de la théophanie sur la montagne, Jésus a été transfiguré; c'est-à-dire qu'il a laissé transparaître un reflet direct de sa gloire dans l'éclat de son visage et la blancheur de ses vêtements (Lc 9,29). Mais Jean ne rapporte pas cet épisode de la Transfiguration; il préfère montrer, dans l'ordinaire des jours, comment Jésus exprimait sa gloire à travers des œuvres qui manifestaient sa puissance et à travers des paroles qui traduisaient sa connaissance intuitive de Dieu et des hommes.

 

La gloire que la foi va découvrir en Jésus est bien la densité de vie et de lumière du Logos-Dieu, mais ce Logos, qui était auprès de Dieu, est maintenant appelé "le Monogène, l'Unique engendré", et, parallèlement, Dieu est appelé "Père". La relation indicible de Dieu et du Logos, maintenant mieux éclairée et mieux comprise, est décrite comme la relation de Dieu et de son Fils. "Fils" est donc le vrai nom du Logos, et cela de toute éternité; mais Dieu le révèle au moment où le Logos se fait chair, où le Fils, envoyé de Dieu, se fait homme parmi les hommes.

 

Le Prologue nous transporte ainsi, successivement, à toutes les étapes majeures du dessein de Dieu, et à chacun de ces moments notre prière rejoint, pour l'adorer, la même Personne qui se révèle à nous. Le Logos est, depuis toujours, le Fils engendré par le Père, et c'est lui qui s'est fait chair; Jésus de Nazareth n'est autre que ce Logos, éternellement Fils unique de Dieu, envoyé au monde que Dieu aime.

 

Seul il dira "mon Père" en parlant de Dieu.

Seul, lui le Logos fait chair, pourra affirmer: "Le Père et moi, nous sommes un" (Jn 10,30).

Seul, lui l'Unique engendré, pourra dire à Dieu dans sa prière, quelques heures avant sa Pâque:

"Père, tu m'as aimé avant le lancement du monde.

Glorifie-moi auprès de toi de la gloire que j'avais auprès de toi, avant que fût le monde" (Jn 17,24.5).

 

                                                                                       

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