La gloire qui vient de Dieu
Jn
5,31-37
Jn
Pour
le jubilé d'une sœur
Plus que jamais, ma Sœur, à l'anniversaire de votre profession, vous
vivez à l'unisson de ce que vit l'Église. Le peuple de Dieu se retourne sur son
histoire, pour rendre grâces, se réjouir, et réaffirmer son espérance, et vous
vous retournez sur ces cinquante ans de vie consacrée pour chanter, au milieu
de vos sœurs et portée par la prière de ceux qui vous aiment, la fidélité du
Dieu de votre appel. Le peuple de Dieu est entré présentement dans le désert du
carême pour se préparer à la Pâque du Seigneur par un surcroît de générosité,
et vous avez choisi de placer votre jubilé sous le signe de l'Exode, parce que
vous avez perçu l'invitation du Seigneur à cheminer plus intensément encore dans
le désert de la foi où il veut vous parler au cœur. Dans votre désir d'être
aujourd'hui en totale harmonie avec l'Église vivante, vous nous conviez à
méditer ce matin avec vous les paroles de Jésus que la liturgie nous propose
dans l'Évangile de saint Jean.
Votre intuition ne vous a pas trompée, car "cette section des témoignages" peut éclairer d'une lumière très douce cette montée vers Pâques, que nous vivons ensemble, tout éveillés dans notre foi et notre confiance.
Jésus vient de guérir un paralysé à la piscine de Bethesda, et à ses
adversaires qui récusent son message parce qu'il se fait l'égal de Dieu, il
répond par un discours sur ses œuvres de Fils. Il a pour lui, comme le demande
la Loi, l'appui de plusieurs témoins, et il en nomme quatre. Jean le Baptiste,
les œuvres qu'il accomplit comme envoyé de Dieu, les Écritures qui parlent de
lui, et surtout le Père lui-même. Et ces témoignages rendus au Fils de Dieu
sont pour vous autant de sentiers de bonheur pour revisiter votre vie d'amitié
avec Jésus.
² Vous
avez aujourd'hui dans les yeux et dans le cœur les visages de beaucoup de
femmes et d'hommes qui ont croisé votre route comme des précurseurs de Jésus,
qui vous l'ont montré, du doigt ou du regard, et qui vous ont dit: "Le
voilà celui qui ôte le péché du monde, le voilà, celui que tu dois suivre si tu
veux donner un sens à ta vie et à ta mort." C'étaient parfois des gens
très simples, si oublieux d'eux-mêmes qu'ils ne mesuraient pas la valeur de
leur parole et de leur exemple; mais ils vous ont aidée à reconnaître et à
préparer les voies du Seigneur.
² Un
deuxième témoignage, en ce jour du souvenir, vient fortifier votre foi: c'est
la trace indélébile qu'ont laissée en vous les œuvres de Jésus: œuvres de
compassion, œuvres de guérison, œuvres d'illumination. Depuis votre jeunesse
l'amitié du Seigneur vous a précédée et accompagnée. Le mystère de Nazareth,
qui vous a fascinée, s'est imprimé peu à peu dans votre intelligence et votre cœur,
et vous avez senti, aidée par la Vierge Marie, combien le Fils de Dieu aimait
vous voir prendre pour aller vers lui le chemin d'humilité et de service qu'il
a choisi pour venir jusqu'à vous. Comme il l'a promis à tous ceux qui l'aiment,
Jésus s'est manifesté à vous ; il s'est fait reconnaître, non seulement chaque
jour à la fraction du pain, mais dans le cœur à cœur de l'oraison et à tous les moments de la vie
fraternelle où il vous fallait regarder sa croix pour rejoindre sa joie et sa
paix.
²Le troisième témoignage, celui que les Écritures rendent à Jésus Messie, a résonné souvent à l'intime de vous-même, comme un appel à connaître toujours plus le Seigneur aimé par-dessus tout, comme une invitation à vous imprégner de ses Béatitudes, et comme un encouragement à parler à Dieu avec les mots de Dieu. Quelle lumière vous avez trouvée dans sa parole aux grands tournants de votre vie consacrée! Quelle force vous y avez puisée quand la marche au désert se faisait plus pénible ! Quelle fraîcheur l'Esprit Saint vous a apportée à cette source des eaux vives, alors même que rien ne pouvait apaiser votre soif, rien de ce qui passait à portée de vos mains ou de votre désir!
Plus profond, plus secret encore et plus fondamental est le témoignage
du Père en faveur de Jésus. Non pas seulement le témoignage unique et solennel
de la voix du Père entendue au baptême: "Tu es mon Fils bien-aimé, tu as
toute ma faveur", mais le témoignage intérieur que Dieu ne cesse de faire
sourdre dans notre cœur en prière,en même temps qu'Il nous "tire"
vers son Fils. C'est le témoignage dont Jésus disait, en citant le prophète
Isaïe: "Vous serez tous enseignés par Dieu. Quiconque entend ce qui vient
du Père et se fait disciple vient à moi" (Jn 6,45).
Il nous faut toute une vie, sur terre, pour commencer à entrevoir cette
merveille de l'échange trinitaire. Nul ne va au Père que par Jésus, nul ne
vient à Jésus que "tiré" par le Père, et l'Esprit Saint nous saisit
dans ce don réciproque. "Ils étaient tiens, dit Jésus à son Père lors de
la dernière Cène, et tu me les a donnés." Chacun de nous est le cadeau du
Père à son Fils et le don en retour du Fils à son Père. La main du Père nous
donne au Fils, la main du Fils nous rend au Père. Chacune de ces mains nous
offre et nous reçoit, et l'Esprit nous recueille au creux de ces deux mains
unies.
Voilà, ma Sœur, ce que Dieu vous invite à vivre au cœur de l'Église, aujourd'hui
plus encore qu'aux jours du premier oui et du premier désert. Voilà de quoi
vous avez à rendre gràces, avec l'émerveillement si humble de la Vierge de
Nazareth: "Le Seigneur a fait pour moi de grandes choses".
C'est à cette rencontre du Père en Jésus Christ que vous a préparée,
tout au long de votre vie, le témoignage précurseur de vos sœurs et de vos
frères.
C'est pour cette vie intensément filiale que l'amour de Jésus a œuvré
en vous sans lassitude.
C'est pour vous attirer à l'échange trinitaire que l'Esprit Paraclet rend vivante en vous la parole de Jésus. Accueillez, en ce matin de Carême, le témoignage du Père, qui est sourire et dessein d'amour, et laissez-vous, dans l'Esprit, attirer à Jésus, car c'est surtout par cet accueil du mystère que vous entrez, au Carmel, dans l'œuvre de Dieu et que vous travaillez, dans le Christ, au salut du monde.