"Je ne vous laisserai pas orphelins"
Jn 14, 15-24
Par trois fois
revient le commandement d'aimer Jésus et de garder ses commandements ou ses
paroles (v.15, 21, 23), et à chaque fois est promise une présence divine pour
ceux qui garderont ce précepte d'aimer l'Envoyé de Dieu,
la présence de l'Esprit:
- le Père vous donnera un autre Paraclet, qui restera, sera, avec vous pour toujours (v. 16),
la présence de Jésus:
- je viens à vous, vous me verrez vivant (v.19);
la présence du Père et de Jésus:
- nous viendrons à lui et nous
ferons chez lui notre demeure (v. 23).
Notre foi au Christ et notre souci de fidélité à l'Évangile débouchent donc, dès ici-bas, sur une expérience de la vie trinitaire: l'Esprit Paraclet nous met en présence de Jésus vivant qui vient à nous, en présence du Père inséparable de son Fils.
Et comme pour
souligner l'intensité de cette présence trinitaire, le passage du Discours
après la Cène que nous méditons durant cette Eucharistie affirme à plusieurs
reprises à propos de la venue de Jésus ce qui est dit de la venue de Esprit:
... Le Paraclet vous sera donné
(16) ... je ne vous laisserai pas orphelins (18a);
... Le monde ne voit pas
le Paraclet (17) ... le monde ne verra pas Jésus, qui entrera dans la
mort (l9);
... Les disciples, eux, ont à
recevoir le Paraclet (17) ... les disciples verront Jésus (19 b) et connaîtront
qu'il est dans le Père (20);
... Le Paraclet demeure auprès
des disciples, il est en eux (17) ... Jésus ressuscité est dans les
disciples et ses disciples en lui (20).
Le portrait du
Paraclet, ou du moins l'évocation de son œuvre en nous, semble calquée sur le
portrait de Jésus, sur l'esquisse de son travail intime dans le croyant. C'est
le procédé choisi par l'évangéliste pour nous convaincre que la présence
de l'Esprit Paraclet ne sera pas séparable de la nouvelle présence de Jésus
ressuscité,
que l'action de l'Esprit
sera inséparable de l'action de Jésus, Seigneur dans la gloire,et que la révélation
apportée par Esprit ne sera jamais qu'une reprise, qu'une souvenance, qu'une
anamnèse actualisante des paroles mêmes de Jésus.
Le Paraclet nous conduit à Jésus, nous met en consonance avec Jésus, et Jésus, le ressuscité, nous conduit au Père. Celui qui voit Jésus voit le Père; celui qui trouve Jésus trouve le Père, et n'est plus jamais orphelin.
² L'orphelin est en quête d'affection et
de sécurité, parce qu'il a perdu ses racines et les repères premiers de son cœur.
Les disciples, un moment, croiront avoir tout perdu à la mort de Jésus; ils se
croiront orphelins de leur maître, sans guide vers le Père, et sans lumière sur
la route; mais l'Esprit Paraclet leur ouvrira les yeux, et ils verront, des
yeux de la foi, celui que le monde ne verra plus: "Vous me verrez vivant,
et vous vivrez vous aussi" (v. 19); littéralement: "vous me
verrez que je vis", "et vous aussi vous vivrez".
² Quelle lumière sur notre vie de
prière!
Ce qui nous fait vivre, c'est de
voir Jésus vivant, de le voir vivre près du Père et vivre en nous: "En ce
jour-là, vous connaîtrez que je suis dans le Père, dans mon Père, et que vous
vous êtes en moi et moi en vous". C'est comme une double intériorité, qui
évoque tout le mystère de la grâce, deux intériorités l'une dans l'autre, l'une
pour l'autre: nous sommes dans le Christ, et le Christ est dans le Père: le
Christ nous inclut en lui, et ainsi par lui, avec lui, en lui, nous passons
dans le Père. Alors nous trouvons nos racines, notre sécurité. Loin d'être
touchés, comme l'orphelin, d'une blessure de solitude, loin de nous retrouver
fragiles et démunis, autonomes, mais comme malheureux de l'être, nous voyons,
dans la foi, le Père venir à nous pour établir en nous sa demeure: "Celui
qui m'aime sera aimé de mon Père" (v.21). "Si quelqu'un
m'aime, mon Père l'aimera"(v.23).
Voilà la certitude qui remet en route tous les désespérés,
voilà la
certitude qui fait les saints: la certitude d'être aimé.