"Mon témoignage est vrai"
Jn 8,13-20
Jésus, qui prêche dans les parvis du Temple, vient de proclamer presque solennellement: "Moi, je suis la lumière du monde", et ses adversaires Pharisiens lui rétorquent aussitôt: "Tu te rends témoignage à toi-même". La réponse de Jésus nous fait entrer profondément dans son mystère personnel d'Envoyé de Dieu. Oui, il se rend témoignage à lui-même, et pourtant son témoignage est valide, pour deux raisons: - parce qu'il sait d'où il vient et où il va; - parce que Celui qui l'envoie témoigne pour lui.
² Les Pharisiens croient savoir d'où il
vient, parce qu'il est natif de Galilée; ils croient deviner où il doit s'en
aller, parce qu'on murmure qu'il va partir enseigner les Grecs (v.35). Jésus,
lui, sait qu'il vient "d'en haut", du monde de Dieu; il témoigne
"de ce qu'il a vu" (3,31 s), et il "déclare au monde ce qu'il a
entendu auprès de Celui qui l'a envoyé" (8,26); il révèle à ses amis
"qu'il est sorti de Dieu et qu'il va vers Dieu" (Jn 13,3).
Nous, simples
humains, sommes incapables d'un tel savoir, d'une telle expérience: même notre
naissance nous échappe, et l'au-delà de notre mort, même éclairé par la foi,
nous demeure mystérieux. Mais Jésus n'en fait pas reproche à ses ennemis. Il ne
leur dit pas: "Vous ne savez ni d'où vous venez ni où vous allez",
mais bien: "Vous ne savez ni d'où je viens, ni où je vais". Cela, en
effet, seul Jésus peut le dire, seul il peut en témoigner. Car "personne
n'a jamais vu Dieu; seul le Fils unique qui est dans le sein du Père l'a fait
connaître, (littéralement: l'a raconté)", comme un voyageur qui
sait ce dont il parle (Jn 1,18). Son origine, il la connaît, elle a un nom: le
Père. Le but de sa vie, il le rejoint à chaque heure; il a un nom: le Père. Pour
Jésus, dire d'où il vient et où il va, équivaut à suggérer, de manière
dynamique, qui il est, ce qu'il vit avec le Père; et il est seul à pouvoir le
révéler. C'est pourquoi il se rend témoignage à lui-même et ne peut faire que
cela, quand on lui demande compte de ses actes et de son message. Nulle parole
d'homme, en effet, hormis celle de Jésus, ne saurait traduire ce secret ni
attester ce mystère.
² Et pourtant Jésus n'est pas seul à
témoigner. Il affirme aussitôt: "Le Père qui m'a envoyé me rend témoignage
lui aussi".
En quoi
consiste ce témoignage du Père? Jésus s'en est expliqué auparavant, après la
guérison de l'infirme de Béthesda, dans un discours sur l'œuvre du Fils (Jn
6,19-47). Là il soulignait que le témoignage du Père se concrétisait dans ceux
de Moïse, de Jean-Baptiste, et dans celui des Écritures. Il ajoutait: "Les
œuvres mêmes que je fais me rendent témoignage que le Père m'a envoyé"
(5,36).
Ici la pensée
de Jésus semble plus dense et plus inattendue: le Père témoigne à travers ce
que Jésus, son envoyé, révèle et atteste. Nous touchons là l'un des paradoxes
de la personne et de l'œuvre de Jésus: son témoignage suffit à lui seul parce
que, en lui, l'Envoyé, c'est le Père qui parle; mais en même temps le Père
apparaît constamment derrière Jésus comme un second témoin. Pour les ennemis de
Jésus, ce second témoin n'est pas visible ni perceptible; mais aux yeux de
Jésus il est toujours présent, actif, et incontestable. Les Pharisiens voudraient
le voir: "Où est-il, ton Père?" Et Jésus leur répond : "Vous ne
connaissez ni moi ni mon Père; si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi
mon Père" (v.19). S'ils accueillaient la parole de Jésus, il percevraient
la présence de l'autre témoin, le Père, inséparable de son Fils. Et ce que
Jésus révèle au sujet de son témoignage se vérifie également à propos du
jugement: "S'il m'arrive de juger, moi, mon jugement est véritable, parce
que je ne suis pas seul; mais il y a moi et Celui qui m'a envoyé".
Ainsi la
controverse, si âpre, avec les Pharisiens, nous livre des paroles capitales de
Jésus sur le mystère de sa personne. Jésus, l'envoyé, et le Père qui l'envoie,
demeurent unis, distincts et un, dans l'action comme dans leur amour.
Mêmes œuvres, mêmes paroles, même témoignage.