"De grandes choses"
Lc 1,46-56
Deux jours avant le chant du ciel dans la nuit de Noël, la liturgie nous fait entendre le cantique de la Mère de Jésus, qui est à la fois une louange: "mon âme magnifie le Seigneur ", et un cri de joie, jeune et frais comme une eau de source: "mon esprit bondit de joie en Dieu".
² Marie aussitôt énumère les causes de sa joie:
Dieu m'a sauvée,
Dieu m'a regardée,
Dieu a fait pour moi de grandes choses.
Dieu a sauvé Marie; il l'a sauvée d'avance, passant d'avance sur son chemin pour en écarter toutes les ronces; et Marie chante cette prévenance de Dieu, sans laquelle elle ne serait rien, rien qu'une femme aux pieds meurtris et au cœur partagé.
² Et Marie de poursuivre: "Il m'a regardée, moi tout humble, moi simple servante."
Nous avons tellement pris l'habitude d'être sauvés que nous ne connaissons plus tout le prix d'un regard de Dieu. Le regard de Dieu vient d'au-delà du temps et de l'espace. Il crée, il suit, il approuve, il discerne, il choisit. Et ce regard que Marie a senti sur elle au jour du message, elle ne le quitte plus des yeux, parce qu'il est toute sa richesse, toute sa certitude, toute son espérance.
Quant à nous, les habitués de la rédemption, obnubilés que nous sommes par nos soucis, nos projets ou nos remords, nous cherchons parfois bien loin ce qui nous rendra la paix, alors qu'il suffirait d'un instant de silence et de foi pour entendre de nouveau le premier appel, et pour redire avec l'allégresse de ce premier jour: "il m'a regardée!".
² "Dieu, chante Marie, a fait pour moi de grandes choses".
Et de fait il n'y a que les choses grandes qui soient dignes de Dieu. Et ces choses grandes qu'il aime parce qu'elles lui ressemblent, où Dieu les a-t-il faites? Où l'ombre de l'Esprit s'est-elle faite plus dense et plus féconde? Au village perdu de Nazareth, que personne ne remarquait, dont personne ne parlait sinon pour se moquer des attardés qui y vivaient encore!
C'est à Nazareth, sous l'ombre de l'Esprit, que se poursuit la gestation humaine du Fils de Dieu .
C'est de Nazareth que Marie partira, lorsque le temps sera venu pour son enfant de naître dans la cité de David.
Mais pourquoi Dieu se cache-t-il ainsi pour accomplir ses merveilles? Pourquoi ce parti pris de travailler avec les humbles et de remplir des mains de pauvres?
Ne cherchez pas: Marie nous livre le secret. Si l'action de Dieu échappe ainsi à nos prévisions impatientes, c'est que son Nom même est saint, et que le Tout proche est aussi le Tout autre, d'autant plus autre qu'il se heurte plus à notre orgueil, d'autant plus proche qu'il trouve pour l'accueillir des servantes plus humbles et des disciples plus joyeuses.
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