Il ne s'appelait pas Barnabé, mais Joseph. Il était issu de la tribu sacerdotale de Lévi, et venait de Chypre. Barnabé était le surnom araméen que les Apôtres lui donnaient, et qui signifiait quelque chose comme : "celui qui exhorte, qui encourage ; celui qui s'y entend à encourager, a exhorter". Le Nouveau Testament parle finalement assez peu de lui, et pourtant il a été l'un des hommes les plus généreux et les plus lucides de la première génération chrétienne.
Tout de suite Barnabé (Joseph) avait pris très au sérieux la solidarité communautaire, et il avait été l'un des premiers à vendre son champ et a déposer l'argent aux pieds des Apôtres. Lors de la dispersion survenue après la mort d'Étienne, beaucoup d'hellénistes avait gagné Antioche, et certains, originaire de Chypre et d'Afrique du Nord (Cyrène), avait osé s'adresser aux Grecs pour leur annoncer à eux aussi la bonne nouvelle de Jésus Seigneur.
Sous l'impulsion de ces hommes à l'esprit ouvert, la jeune Église d'Antioche était vite devenue extrêmement dynamique. C'est alors que l'Église mère de Jérusalem, soucieuse de la communion, dépêcha l'un de ses hommes de confiance, Barnabé, "un homme de valeur", dit Luc, "rempli d'Esprit Saint et de foi". De fait Barnabé comprit immédiatement le projet missionnaire des hommes d'Antioche : "Lorsqu'il arriva et qu'il vit la grâce accordée par Dieu, il s'en réjouit et les encouragea (c'était son charisme !) a demeurer tous, d'un cœur ferme, fidèles au Seigneur). Communion, fermeté, fidélité : trois maîtres mots, sans doute, de la catéchèse de Barnabé.
En constatant le dynamisme et l'ouverture d'esprit de la communauté d'Antioche, Barnabé eut une intuition géniale ; il se dit : "C'est Saul qu'il leur faut ; voilà l'homme de la situation !" Et Barnabé partit à la recherche de Saul qui, après quelques années de semi-échec dans les communautés de Transjordanie, s'était réfugié à Tarse, son pays natal.
L'ayant ramené à Antioche, il travailla une année entière avec lui, cautionnant Paul de son autorité incontestée.
C'est d'Antioche qu'à plusieurs reprises il vint à Jérusalem avec Paul, pour tisser des liens vivants d'entraide matérielle et de communion.
C'est d'Antioche également que l'Esprit Saint l'enverra avec Paul pour une première mission en Asie Mineure. Sur les cinq animateurs de la communauté, à la fois prophètes et docteurs-enseignants, les deux meilleurs partiront ainsi au loin, parce que le Seigneur avait sur son plan.
Équipe disparate, en un sens. Barnabé avait de la prestance, puisqu'un jour les gens lui trouveront une ressemblance avec le Zeus des statues, alors que Paul, plus petit, nerveux et remuant, leur rappelait Hermès, le dieu des échanges et du commerce. Équipe unie, cependant. Il ne se disputeront qu'une seule fois, quand Barnabé voudra donner à son cousin Jean-Marc une deuxième chance missionnaire, comme il l'avait fait pour Paul ...
Dans les premières décennies de l'Église, nul mieux que Barnabé n'a su peser les situations et jauger des hommes ; et l'Esprit Saint a fait de lui un grand serviteur de l'unité.
- Des conflits de tendances auraient pu ruiner les premiers efforts d'expansion du message de Jésus : Barnabé a payé de sa personne, gagnant la confiance des hommes de tout bord.
- Les témoins de Jésus commençaient à s'exclure mutuellement : Barnabé a su faire confiance aux hommes neufs tout comme aux gardiens des valeurs du passé.
- Barnabé avait été l'un des premiers à mériter l'entière confiance des Apôtres ; et pourtant il a accepté de rester dans l'ombre de Paul. Il y est encore.
Quelle leçon d'optimisme chrétien émane de cet homme humble, de cet homme de foi ! Au moment où l'Église vivait à la fois ses premières joies et ses premières pesanteurs, alors que chaque jour amenait son lot de victoires et son lot d'insécurités, Barnabé a su inventer les chemins de l'union, il a su ouvrir de nouvelles perspectives communautaires. Il s'est voulu solidaire de la mission, à la vie et à la mort, ne voulant rien garder pour lui.
Il avait vraiment vendu son champ.
[ Page d'accueil ] - [ Figures ]