"Être trouvée en Lui"
Lc 2-41-51
Is 61,9-11
Ph 3,8-12
Pour la profession d'une sœur
² Tout a commencé "selon la coutume". Marie et Joseph avaient passé à Jérusalem les sept jours de la Pâque, et les pèlerins de Nazareth avaient entamé la longue marche du retour. Comme de coutume, Marie et Joseph faisaient confiance à Jésus et ils le croyaient dans la caravane.
Ils avaient fait leur devoir et ils repartaient, heureux de la joie de Jésus, désormais majeur selon la Loi. Mais ils vont connaître l'épreuve des justes: perdre Jésus sans avoir failli à la volonté de Dieu. Ils vont devoir le chercher sans avoir jamais rien fait pour le perdre. Et quand ils le retrouveront, dans un premier temps l'épreuve redoublera: ils découvriront que cette disparition de Jésus, si imprévisible, n'était pas un accident, ni le fruit d'une malveillance des pèlerins de Galilée. En le voyant, ni menacé ni inquiet, bien à son affaire parmi les docteurs du temple, ils seront obligés de conclure - et rien ne pouvait leur faire plus mal: Jésus l'a fait exprès.
D'où la question, vraiment douloureuse, de Marie: "Mon enfant, pourquoi? pourquoi nous as-tu fait cela? Vois, ton père et moi nous te cherchions, tourmentés!". "Pourquoi donc me cherchiez-vous", répond Jésus, "ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père?"
Ainsi le seul commentaire que Jésus ait donné de son geste prophétique d'émancipation du cadre familial, a été une parole plus mystérieuse encore, qui mettait Marie et Joseph en route pour un autre pèlerinage, le pèlerinage de la foi pure, qui allait mener la Mère de Jésus jusqu'au pied d'un gibet.
Ils savaient bien, ils savaient déjà, que Jésus était de Dieu; c'était même le secret de leur foyer. Et Jésus fait appel à ce secret: "Ne saviez-vous pas?"; mais il faut maintenant qu'ils aillent jusqu'au bout de leur foi, et de plus en plus, pour eux deux, accueillir la volonté de Dieu, entrer à leur tour dans les affaires de Dieu, ce sera pénétrer progressivement dans le mystère de Jésus.
² Qu'il est déroutant, dans nos vies, ce mystère des choix de Dieu, ce mystère de Jésus!
Nous cheminons avec lui dans la paix, dans la certitude, ou, s'il s'éloigne un peu, nous nous sentons assurés de le retrouver à l'étape, "selon la coutume"; et voilà qu'à certaines heures il se rend invisible, insensible, introuvable, et il nous faut le chercher "dans le tourment", avec des "pourquoi?" qui encombrent notre cœur et notre prière.
À vrai dire, quand nous le perdons, nous ne sommes jamais sûrs de l'avoir bien gardé. Certes, "pour lui nous avons accepté de tout perdre, tout ce qui était pour nous des gains", des chances, des espoirs. Certes" nous regardons tout cela comme déchets" (Ph 3,7); mais les déchets sont là, à portée de main, à portée de cœur, et nos yeux bien souvent y traînent. Ces déchets-là sont de l'or aux yeux du monde, et c'est ce que nous avions pour devenir quelqu'un.
Même lorsque, par une grâce très douce de l'Esprit, nous parvenons à décrisper nos mains et à lâcher nos richesses, bien des attaches demeurent, qui sont autant de points d'appui pour une justice qui vienne de nous.
- Nous voudrions gérer notre vie spirituelle et programmer le don de nous-mêmes, et Dieu nous rappelle qu'il est lui-même l'origine, le commencement, et donc l'initiative.
- Nous voudrions, comme seul dialogue, celui de notre liberté avec la liberté de Dieu, et Jésus veut pour nous un chemin d'Église et la médiation d'une communauté.
- Nous aimerions retenir pour nous les instants de paix et de plénitude que l'Esprit nous ménage sur la voie étroite des Béatitudes; et voilà que notre Compagnon et Seigneur nous remet sans cesse en exode et nous veut affairés aux affaires du Père.
Les années passent, les Pâques se succèdent qui auraient dû nous libérer, et une secrète courbure sur nous-mêmes alourdit notre désir de Dieu et nous empêche de garder les yeux tournés vers le véritable horizon du Carmel, la gloire de Dieu par le salut du monde.
² Jusqu'au jour, véritable tournant de la vie de foi, où l'Esprit Saint ne laisse plus en nous qu'un seul désir, qu'un seul visage, qu'un seul mot qui s'impose à notre cœur et qui s'y inscrit en lettres de joie, indélébiles: LUI, Jésus.
... pour Lui j'ai accepté de tout perdre,
... je veux le connaître, Lui,
... je veux le saisir, Lui, puisqu'il m'a saisi(e),
... Lui devenir conforme,
non plus seulement le trouver, mais être trouvé(e) en Lui, parce qu'il sera devenu le lieu, le seul lieu de mon bonheur.
C'est cela la véritable justice: s'a-juster à Dieu, à son projet d'amour. Cette justice-là ne se conquiert pas à la force du poignet; on ne l'achète pas moyennant une impossible lucidité sur soi-même et sur les voies de Dieu: "elle vient de Dieu et s'appuie sur la foi", et donc sur un accueil du don de Dieu qu'est Jésus-Christ.
Cette justice-là, Dieu lui-même la donne, comme une robe de noces à mettre tous les jours, comme un joyau, signe sur nous de Celui qui nous aime, mais que seuls les autres verront briller.
Cette "justice par la foi", Dieu seul peut l'ensemencer dans notre oui d'un jour pour la faire germer chaque jour en même temps que la louange.
² Elle est venue pour vous, ma sœur, l'heure des joyaux et des épousailles, l'heure où Dieu lui-même va "vous revêtir du manteau de la justice", lavé pour vous dans le sang de l'Agneau.
Vous venez à Dieu le cœur libre et les mains ouvertes, offerte au Christ et à l'Église - comme au jour de votre baptême - par la foi de vos parents si aimés, entourée de ceux que vous portez depuis longtemps dans votre cœur et votre prière, de ceux et de celles qui vous ont aidée, comprise, encouragée sur la route du monde et sur celle du don total. Vous vous présentez au Seigneur, soutenue et portée par l'affection et l'intercession de vos sœurs du Carmel, les plus proches et les plus lointaines.
"Tressaillez de joie dans le Seigneur, que votre âme exulte en son Dieu ".
"Approchez-vous avec confiance du trône de la miséricorde, puisque, aujourd'hui, c'est Dieu qui veut tout faire, tout oser, tout donner.
Remettez entre les mains très douces de votre Mère du ciel tout le passé, avec ses joies et ses angoisses, tout votre avenir au coeur de l'Église, et la joie d'aujourd'hui, qui est joie de Dieu en vous. Confiez tout cela à l'Immaculée, que Dieu a revêtue la première de la robe d'allégresse, afin qu'elle vous conduise elle-même au Christ Époux, vous qui êtes aujourd'hui toute offrande et louange de sa gloire.
[ Page d'accueil ] - [ Table de Luc ]